Piloter un bobsleigh : bien plus qu’une question de vitesse
Tout comme les virages d’une piste de glisse, le parcours pour devenir un pilote de bobsleigh d’élite est loin d’être simple. Le bobsleigh recrute souvent des athlètes issus d’autres disciplines comme l’athlétisme, hockey, soccer, football, et plus encore qui utilisent les bases de leur sport d’origine pour faire la transition vers la glace.
Presque tous commencent comme freineurs ou freineuses, ces athlètes essentiels au départ explosif avant de sauter dans le bobsleigh. Leur rôle pendant la descente est de tirer le frein à l’arrivée.
Certains de ces athlètes de poussée deviennent ensuite pilotes, ceux et celles qui, en plus de pousser, dirigent le bobsleigh à l’aide d’un système de poulies situé à l’avant. Maîtriser un bobsleigh pouvant atteindre 140 km/h exige du temps, de la technique et beaucoup de sang-froid.
Chez les hommes, le programme olympique comprend le bobsleigh à quatre (depuis Chamonix 1924) et le bobsleigh à deux (depuis Lake Placid 1932). Du côté des femmes, on retrouve le bobsleigh à deux (depuis Salt Lake City 2002) et le monobob (introduit à Beijing 2022).
Les pilotes sont indéniablement les chefs de bord, ou dans le cas du monobob, les seuls à bord. La question est qu’est-ce qui définit réellement la mentalité d’un pilote de bobsleigh?
Il y a bien sûr les aspects techniques comme connaître sa stratégie de pilotage pour chaque piste, mais aussi la responsabilité de créer de la cohésion et de la camaraderie au sein de l’équipe qui porte ton nom.
Taylor Austin, qui a piloté les bobsleighs à deux et à quatre lors des Jeux de Beijing 2022, voit son rôle comme celui de préserver l’héritage du bobsleigh canadien, particulièrement depuis la retraite de deux des pilotes les plus marquants d’Équipe Canada, Justin Kripps et Christopher Spring, tous deux quadruples Olympiens.

Kripps a remporté l’or au bobsleigh à deux à PyeongChang 2018 avec Alex Kopacz, puis le bronze au bobsleigh à quatre à Beijing 2022 avec Ryan Sommer, Cam Stones et Ben Coakwell. Il est aujourd’hui entraîneur de l’équipe nationale.
« Ces gars-là avaient une expérience incroyable et beaucoup de succès. Leur départ a laissé un grand vide, » dit Austin. « Je ne cherche pas à remplir leurs souliers, mais à poursuivre leur héritage.
La pilote Cynthia Appiah est quotidiennement rappelée à l’héritage de Justin Kripps, puisqu’elle utilise actuellement le bobsleigh à deux qu’il pilotait lors des Jeux de Beijing 2022.
« L’héritage des années précédentes continue de vivre, car ces traîneaux passent entre les mains de la nouvelle génération », dit-elle.
Ancienne freineuse suppléante à PyeongChang 2018, Appiah a suivi l’école de pilotage la même année avant de participer à ses premières compétitions internationales. À Beijing 2022, elle a terminé 8ᵉ en monobob (une première olympique) et 8ᵉ au bobsleigh à deux avec Dawn Richardson Wilson. En 2024, elle a signé une 4ᵉ place historique aux Championnats du monde IBSF.
L’héritage canadien ne se résume pas aux médailles, il repose aussi sur la culture d’équipe.
« Les soupers d’équipe, les discussions quotidiennes, ces petits moments font toute la différence, » dit Austin.
Le pilote d’Équipe Canada, Pat Norton, partage cet avis : une grande part de la dynamique d’équipe repose sur le pilote.
« Cela demande probablement autant d’efforts que l’entraînement lui-même, » explique Norton.
Pour Austin et Norton, le bobsleigh à deux a été leur porte d’entrée dans le pilotage, mais le bobsleigh à quatre garde une place spéciale. Norton l’appelle en riant «big bus».
« C’est plus lourd, plus long, tu peux te mettre dans de beaux pétrins, et tu portes la responsabilité de trois vies derrière toi, mais quand tu réussis en équipe, la fierté est multipliée. »
Le lien entre coéquipiers est tout aussi fort dans le bobsleigh à deux.
« C’est spécial d’avoir quelqu’un sur qui s’appuyer, dans les bons comme dans les mauvais moments, » confie Appiah.
Kristen Bujnowski, auparavant freineuse de Christine de Bruin (5ᵉ à Beijing 2022), a amorcé à son tour la transition vers le pilotage. Depuis, elle participe aux circuits de développement nord-américain et européen.Cette transition l’a amenée à réfléchir à son propre style de leadership.
« Diriger une équipe me pousse à réfléchir à quel genre de coéquipier je veux être, » dit-elle. « C’est ça, être pilote : se demander quel leader tu veux incarner. »
À quoi pense un pilote avant de se lancer sur une piste glacée à toute vitesse? Les réponses sont plus zen qu’on pourrait croire.
« J’essaie de ne pas penser à la piste. Je me donne des mots d’encouragement, mais surtout, je pense à la chance que j’ai de pouvoir glisser, » dit Appiah.

Cynthia Appiah et Dawn Richardson Wilson d’Équipe Canada participent à l’épreuve de bobsleigh à deux femmes lors des Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, le vendredi 18 février 2022. Photo : Leah Hennel / COC
« Pour moi, tout est une question de rythme et de ressenti de la piste, » ajoute Austin.
« Il faut cette connexion, ce feeling, tout au long de la descente, » Ajoute Norton.
La saison 2025-2026 de la Coupe du monde IBSF débutera le 22 novembre à Cortina d’Ampezzo, en Italie, sur la nouvelle piste Eugenio Monti, qui accueillera les Jeux olympiques d’hiver Milano Cortina 2026. Avant la compétition, une période d’entraînement international permettra aux athlètes de s’adapter à la piste.
La période de qualification olympique se terminera le 18 janvier 2026. Les quotas seront attribués selon le classement IBSF, qui compile les résultats des différentes coupes du monde et continentales. Chaque pays pourra qualifier jusqu’à trois traîneaux par épreuve.
Et Austin résume bien la mentalité d’Équipe Canada à l’approche des Jeux :
« On a hâte d’arriver aux Jeux olympiques, de voir ce qu’on peut accomplir et de ramener un peu de gloire au Canada. »



