Le rêve olympique de Catriona Le May Doan est d’aider les athlètes d’Équipe Canada à réaliser le leur
Chef de mission.
C’est plus qu’un titre pour moi. C’est un honneur et un rêve que j’ai toujours voulu réaliser. J’ai maintenant l’impression de boucler la boucle en ce qui concerne mon parcours olympique.
J’ai participé à mes premiers Jeux olympiques en 1992. Trente ans plus tard, en 2022, j’espère aider la présente génération d’athlètes d’Équipe Canada à réaliser leurs rêves sportifs.
J’ai mené une vie bien remplie en ce qui a trait aux expériences olympiques. Toutes n’ont pas abouti à des victoires, mais chacune d’elles m’a aidée à devenir la femme, la porte-parole, l’entraîneure, la bénévole, la maman et la personne que je suis aujourd’hui.
J’ai été quelque peu prise de court quand je suis entrée dans le stade pour la Cérémonie d’ouverture des Jeux d’Albertville 1992, je ne comprenais pas tout ce qui se passait et, franchement, j’étais impressionnée par l’ampleur de l’événement. Deux ans plus tard à Lillehammer 1994, je visais une médaille, mais j’ai chuté dans ma course du 500 m. J’ai dû composer avec des sentiments d’échec déchirants pendant très longtemps.
Puis est arrivé Nagano 1998, où j’étais la favorite pour remporter le 500 m. Je suis arrivée à ces Jeux olympiques en sachant que dans une course de 37 secondes, contre les meilleures au monde, il n’y a absolument aucune marge d’erreur. En portant le drapeau canadien à la Cérémonie de clôture quelques jours plus tard, j’ai compris que j’étais médaillée d’or et de bronze. Cependant, au fond de moi, je savais que quatre ans plus tard, je voudrais me prouver à moi-même et prouver au reste du monde que j’étais digne d’être à nouveau championne olympique — que je valais mon pesant d’or.
À mes derniers Jeux en tant qu’athlète à Salt Lake City 2002, cinq mois seulement après que le monde ait été bouleversé par la tragédie du 11 septembre, j’ai porté notre drapeau avec une telle fierté, sachant que les Jeux pourraient nous aider à surmonter la menace des forces du mal. Je crois sincèrement que les Jeux olympiques visent à rassembler le monde de manière pacifique grâce au sport.
À ces Jeux, j’ai subi plus de pression qu’à tout autre moment dans ma vie. Je devais en plus composer avec la prétendue « malédiction du drapeau », où on me rappelait constamment qu’aucun Canadien nommé porte-drapeau à la Cérémonie d’ouverture n’avait connu le résultat escompté, et encore moins jamais remporté une deuxième médaille d’or consécutive, dans son épreuve lors de ces Jeux olympiques.
À Salt Lake City que j’ai me suis surprise à puiser plus profondément au fond de moi-même, émotionnellement et mentalement, me permettant de paver la voie à d’autres athlètes canadiens.
C’est là que j’ai rencontré un de mes héros, Brian Maxwell, un marathonien qui avait été sélectionné au sein d’Équipe Canada qui n’a jamais eu la chance de participer aux Jeux de Moscou en 1980 en raison du boycott. Je l’ai regardé entrer dans le stade pour sa toute première cérémonie d’ouverture, portant l’affiche du Canada juste devant moi. Sa fierté et sa passion étaient évidentes alors qu’il a finalement pu vivre son rêve olympique.
En 2002, j’ai défendu avec succès ma médaille d’or et j’ai écrit une page d’histoire de l’olympisme canadien. C’est aussi à ce moment toutefois que j’ai réalisé que ma prochaine aventure olympique ne faisait que commencer.
J’ai vécu les cinq Jeux suivants (2004, 2006, 2008, 2010 et 2012) en tant que commentatrice à la télévision, présentant les récits olympiques à tous les Canadiens. Des reportages de fond à une entrevue mémorable avec Kyle Shewfelt à Athènes, en passant par l’analyse d’incroyables performances en patinage de vitesse comme les cinq médailles historiques de Cindy Klassen à Turin, puis par mon rôle d’animatrice de l’émission « Olympic Morning » sur CTV à Londres, j’ai l’impression d’avoir tout fait.
J’ai adoré cela par moments, mais à d’autres moments, je sentais que je n’arriverais pas à survivre à la fatigue et au stress. Cependant, chaque fois que les Jeux prenaient fin, j’avais l’impression de faire toujours partie de la famille olympique.
On me demande souvent quelle est mon expérience olympique la plus mémorable. Les gens supposent que ce sont les médailles d’or et le fait de me retrouver sur la plus haute marche du podium et d’entendre le « Ô Canada ». J’ai eu la chance de vivre tellement de moments différents et incroyables qu’il est honnêtement difficile d’en nommer un seul. Je peux cependant vous raconter le moment olympique le plus poignant que j’ai vécu.
C’était le 30 octobre 2009. On m’a demandé de porter le flambeau aux côtés de Simon Whitfield, car nous étions les premiers porteurs du flambeau pour le périple au cours duquel la flamme olympique allait traverser notre pays à l’approche des Jeux d’hiver de 2010 à Vancouver. Plus d’une décennie plus tard, je comprends maintenant parfaitement pourquoi ce moment était tellement significatif.
En tant qu’athlètes, nous nous préparons. Nous entraînons chaque partie de nous-mêmes à être prêt à livrer la marchandise. Nous étions là ce matin-là à Victoria, en Colombie-Britannique, nous préparant à monter sur scène et à allumer le premier flambeau à partir de la vasque olympique. La flamme olympique venait d’atterrir en provenance d’Olympie, en Grèce, et nous ne savions pas à quoi nous attendre. Nous n’étions pas préparés à ce qui nous attendait.
Nous sommes montés sur scène, avons allumé le flambeau et avons commencé à descendre les marches. Après une minute de marche, nous avons décidé de commencer à jogger. Je n’oublierai jamais, pendant que nous courions, les visages des gens qui bordaient le chemin et qui regardaient la flamme avec tant d’espoirs et de rêves.
C’est à ce moment-là que j’ai vraiment pris conscience du pouvoir de la flamme. C’est le pouvoir des Jeux olympiques, le pouvoir du sport. Nous avons retrouvé Silken Laumann et Alexandre Despatie et leur avons remis la flamme pour la suite du périple.
J’ai été très émue pendant le reste de la journée. Je suis rentrée chez moi à Calgary et quand je suis arrivée à la maison, mes enfants Greta et Easton, âgés de 5 et 2 ans à l’époque, ont dit « Maman, nous t’avons vue avec le feu » et j’ai à nouveau versé des larmes de joie.
Que ce soit au moment de la Cérémonie d’ouverture de Vancouver 2010 alors que je devais allumer l’un des bras de la vasque, ou pendant mes cérémonies de remise des médailles, ou à tout autre moment olympique, je n’ai jamais été aussi émue qu’au cours de ce matin frais d’octobre à Victoria quand l’ampleur des Jeux olympiques est devenue si réelle pour moi.
Les Jeux d’hiver de PyeongChang 2018 ont été un tournant pour moi. J’avais vécu beaucoup de changements dans ma vie personnelle et quand l’occasion s’est présentée de me joindre à Équipe Canada en tant que membre de l’équipe de mission, j’ai quitté mon rôle dans les médias et j’ai assumé le poste bénévole de mentore principale des athlètes.
Ce fut un mois de février très chargé, assise dans le salon, à bavarder avec les athlètes, à remplir les étagères de collations, à préparer pot après pot de café, à regarder les entraînements, à regarder les compétitions, à parler aux athlètes après leur compétition et à les encourager dans la victoire comme dans la défaite. Oui, mes enfants m’ont manqué. Oui, c’était épuisant, mais ces quatre semaines ont confirmé qu’un jour, je voulais jouer le rôle qu’Isabelle Charest jouait en Corée du Sud.
Cela revient à une chose que j’ai toujours souhaitée pour mes enfants : je me soucie peu qu’ils soient les meilleurs. Je me soucie davantage de les aider à faire de leur mieux.
C’est pourquoi je veux être chef de mission.
Si cette période d’incertitude nous a appris une chose, c’est qu’il ne faut rien tenir pour acquis, célébrer le sport et son impact positif sur le bien-être physique, social et mental de nos communautés. Il faut faire face à tous les obstacles de la vie et faire de notre mieux.
J’ai hâte à février 2022. Je pense à notre défilé à la Cérémonie d’ouverture en tant que fiers Canadiens célébrant les libertés et les possibilités que nous partageons tous en tant que peuple. Je veux vraiment faire partie du périple au cours duquel les membres d’Équipe Canada auront la chance de réaliser leurs rêves.
Le rôle de chef de mission est très similaire à celui d’athlète. Il est centré sur l’amour du sport, l’amour de notre pays et l’amour des Jeux. On ne reçoit pas de chèque de paie. Il faut passer beaucoup de temps loin de nos êtres chers. Cela demande des sacrifices et du dévouement.
C’est pourquoi je suis ici en novembre 2020, pleinement consciente que je continue de réaliser mon rêve olympique.
Catriona Le May Doan a participé aux Jeux olympiques à quatre reprises, a remporté trois médailles olympiques, est triple championne du monde au 500 m et double championne du monde au sprint en patinage de vitesse sur longue piste. En novembre 1997, elle est devenue la première femme à passer sous la barre des 38 secondes au 500 m, le premier de ses six records du monde consécutifs dans cette distance.