« Demander de l’aide [est] une démonstration de force » : La leçon de vie que Broderick Thompson a retenue à la suite d’une expérience marquante
« Je ne voulais pas dire aux gens que ma vie n’allait pas du tout et que je n’allais pas bien. C’est seulement quand j’ai commencé à en parler que j’ai réalisé que j’avais besoin d’en parler. J’avais besoin de me sentir écouté et aimé, plutôt que de lutter seul pour m’en sortir. »
Broderick Thompson a participé à deux éditions des Jeux olympiques. Quand il parle, il le fait de façon directe et réfléchie. Il affiche une grande détermination face à un avenir incertain, et ce, avec une force que seule une personne ayant vécu une expérience particulièrement marquante puisse avoir. Il a aussi un vif désir d’être honnête et sincère au moment de raconter son histoire.
Cette histoire, elle a commencé quand il a appris à skier à un jeune âge — à un très jeune âge, en fait.
« Je suis né au mois d’avril et j’ai commencé à skier au mois d’avril suivant, a lancé Thompson dans un éclat de rire. C’est un sport que nous avons toujours pratiqué en famille ».
C’est toutefois loin d’être le seul sport que l’athlète originaire de Whistler, en Colombie-Britannique, ait pratiqué plus jeune. Il a aussi fait du patinage artistique en plus de jouer au baseball, au volleyball et au soccer.
« Mon père était un enseignant, alors plus jeune, le plus important, c’était toujours de faire de son mieux. »
Bien que le ski alpin soit devenu son principal centre d’intérêt, ce n’est pas ce sport qui a initialement été la source de son rêve de participer aux Jeux olympiques.
« J’ai un dessin que j’ai fait quand j’étais à la maternelle, c’est moi sur un podium olympique… pour du patinage artistique, a indiqué Thompson. Alors j’imagine que déjà, très jeune, je voulais devenir un athlète olympique. Enfant, c’est surtout un rêve, vous savez. Je ne comprenais pas vraiment ce que ça impliquait. Au-delà des succès qu’on peut connaître dans son sport, il y a tellement d’autres éléments qui doivent tous s’aligner pour se rendre aux Jeux olympiques, comme la chronologie des événements, l’âge, la santé ».
Thompson a fait ses débuts sur le circuit de la Coupe du monde en 2014 et il a participé à ses premiers Jeux olympiques à PyeongChang 2018, où il a disputé les épreuves du Super-G, de la descente et du combiné alpin.Il a décroché son tout premier podium en Coupe du monde en 2021, une étape marquante de sa carrière survenue après une grave blessure au genou qui a exigé une longue période de rétablissement. À sa deuxième présence aux Jeux olympiques, à Beijing 2022, il a notamment fini huitième au combiné alpin.
Même dans les premiers moments de sa carrière, Thompson était tout à fait conscient du fait qu’il ne fallait rien tenir pour acquis.
« Ce n’est qu’en me tenant au portillon de départ pour une course olympique que j’ai réellement commencé à me voir comme un athlète olympique. Je n’ai jamais voulu crier victoire avant l’heure, du moins pas avant d’être sur place. »
Le 29 novembre 2023, la vie de Thompson a basculé. Sur la même piste de Beaver Creek, au Colorado, où il s’était illustré en Coupe du monde deux ans plus tôt, Thompson a lourdement chuté lors d’une descente d’entraînement, souffrant d’un traumatisme crânien et d’une grave blessure à la moelle épinière. Il ne se souvient pas de l’accident ni de ce qui est arrivé dans les deux semaines qui ont suivi. Quand il est redevenu lucide, il ne se souvenait plus de ce qui était arrivé dans l’année précédant sa chute.
Le premier souvenir de Thompson après l’accident, c’est celui d’un médecin qui affirmait qu’il n’avait jamais vu une personne ayant subi de telles blessures ne pas devenir quadriplégique. L’évolution de son rétablissement était incertaine, autant sur le plan physique que cognitif.
Dans les mois qui ont suivi, Thompson a suivi un programme de réadaptation très rigoureux. À l’aide de photos et d’anecdotes, il a été en mesure de retrouver la mémoire pour bien des choses. Il a retrouvé la capacité de marcher et de conduire, et la vitesse à laquelle il a récupéré a surpris le personnel médical.
Comme le savent les athlètes toutefois, récupérer d’une blessure n’est pas seulement une épreuve sur le plan physique, ç’a aussi un effet sur la santé mentale. Thompson a dû gérer le fait que les médecins lui ont dit qu’il n’allait plus jamais skier.
« J’y travaille depuis 20 ans. Mon but, c’était de devenir un champion du monde, un médaillé olympique, un médaillé de la Coupe du monde. À 30 ans, voilà qu’on me disait que tout ça était fini ».
C’était là une expérience qui représentait la fin du monde pour quelqu’un qui s’était consacré à une quête bien précise. Thompson s’était toujours imaginé qu’à l’âge de 30 ans, il serait au sommet de sa carrière de skieur, pas d’être obligé d’en envisager la fin.
En raison de son âge et de son ancienneté au sein de l’équipe nationale, Thompson se trouve à mi-chemin entre deux grandes générations de skieurs alpins canadiens. Quand il a initialement rejoint les rangs du programme, les « cowboys canadiens » étaient à l’apogée de leurs succès. Quand les membres de cette génération-là ont pris leur retraite, Thompson est devenu un vétéran au sein d’un groupe composé de skieurs de la génération suivante, qui ont lancé leur propre tradition d’excellence.
De bien des façons, c’était plus facile pour Thompson d’échanger avec des coéquipiers à la retraite comme Erik Guay, Manny Osborne-Paradis et Jan Hudec après son accident, parce que ceux-ci pouvaient jeter un regard informé sur ce que cela veut dire et comment on se sent quand sa carrière au plus haut niveau est terminée — bien que Thompson affirme clairement qu’il n’a pas pris de décision officielle ni dans un sens, ni dans l’autre. Ils ont rapidement mis en avant l’exploit remarquable de Thompson, évitant toute spéculation sur ce qui aurait pu ou dû se produire.
Cependant, Thompson apprécie aussi la mentalité de ses plus jeunes coéquipiers qui étaient sur la pente le jour de son accident. Ils ont tendance à croire qu’il reviendra dans l’équipe et reprendra les descentes des plus grandes pistes au monde. Cela l’aide à rester positif face aux étapes qu’il doit encore franchir.
Il réalise que leur façon de voir les choses découle en partie du fait qu’ils ont besoin de se détacher du traumatisme qu’a provoqué sa chute, eux qui continuent de filer à la même vitesse et d’affronter les mêmes dangers qu’il le faisait quand il a failli perdre la vie. Thompson ne voulait pas qu’ils pensent à ce qui lui est arrivé chaque fois qu’ils prenaient le départ. Le ski alpin est déjà un sport qui nécessite un niveau très élevé de concentration et d’évaluation des risques. Il ne voulait pas que ce qu’il a vécu vienne ajouter une autre couche de stress chez eux.
« Je ne voulais pas qu’ils soient là [pour moi après l’accident], même si c’est fou à dire », a fait savoir Thompson.
Au cours de la dernière année, Thompson a dû désapprendre plusieurs des pressions sociales en matière de santé mentale qui sont présentes dans le sport — notamment, la présomption qu’il devrait être capable de tout gérer par lui-même, ou que décrire les difficultés qu’il vit à d’autres personnes reviendrait à leur imposer un fardeau.
« J’apprécie le fait d’avoir ces nouvelles façons de voir les choses après être venu près de mourir, d’avoir obtenu une autre chance, de voir un autre choix se présenter dans ma vie. De bien des façons, je suis reconnaissant pour tout ça, même s’il y a eu un prix à payer, un prix que je ne connais pas encore tout à fait, a dit Thompson. Jamais je n’aurais pu m’attendre à vivre ce que j’ai vécu cette année. Les défis que j’ai dû relever, et les changements qu’il y a eu dans ma vie — c’est comme si on m’avait greffé un niveau d’honnêteté et de franchise qui m’est très précieux maintenant ».
Thompson réalise maintenant, contrairement à ce qu’il aurait pu croire avant son accident, que demander de l’aide est une véritable preuve de force, et non de faiblesse.
« C’est sûr que c’est facile de juste dire, ‘Ça va’. Je trouve quand même important d’être assez fort pour dire que tu as besoin d’aide, a affirmé Thompson. En fin de compte, chacune des personnes à qui je me suis ouvert a été là pour moi, sous une forme ou une autre ».
Thompson ne sait pas exactement ce que l’avenir lui réserve, mais il a appris à l’accepter.
« Je pense que c’est important, d’être ouvert chaque jour à ce que la vie t’offre. Tu ne peux pas t’attendre à ce que chaque journée soit parfaite, et que chaque journée représente un pas dans la bonne direction. Toutefois, c’est un pas dans une direction. »
Le 29 novembre 2024, un an jour pour jour après son accident, Thompson a partagé sur Instagram une photo de lui en train de skier, accompagnée du commentaire le plus sobre : « pas grand-chose à dire :) ».
« Je suis heureux d’entreprendre chacune des étapes qui s’en viennent, que ce soit d’être ouvert à recommencer à sortir d’un portillon de départ de la Coupe du monde, ou à essayer quelque chose de différent. Je suis ouvert à tout ».
Mais qu’est-ce qui le motive le plus pour l’avenir ?
« Établir des liens avec les gens et continuer à bâtir une communauté dans laquelle je crois ».
Broderick Thompson a raconté son histoire pour sensibiliser les gens à l’importance de discuter ouvertement de la santé mentale. À l’occasion de la Journée Bell Cause pour la cause du 22 janvier, joignez-vous à nous pour soutenir les organisations dédiées à la santé mentale des jeunes. Textez JEUNE au 45678 afin de faire un don de 5 $ à un organisme de santé mentale et Bell fera don d’un montant équivalent.