À l’époque où le Canada n’était pas reconnu pour ses prouesses en athlétisme, Harry Jerome a été un véritable pionnier. Il a fait ses débuts olympiques à Rome 1960 comme codétenteur du record mondial au 100 m et favori pour une médaille. Jerome était en tête dans la première demi-finale quand il s’est déchiré un muscle ischiojambier et qu’il a été incapable de terminer l’épreuve. Il a été traité de « lâcheur » qui n’a pas assez de courage pour faire face au défi de la compétition difficile. Il a aussi été éliminé dès la ronde préliminaire du relais 4×100 m aux côtés de ses coéquipiers Lynn Eves, George Short et Terry Tobacco.

Avant Tokyo 1964, Jerome s’était remis de son résultat décevant de Rome et d’une déchirure complète d’un quadriceps qui a presque mis fin à sa carrière en 1962. Il a remporté la demi-finale du 100 m et a ensuite fait taire les critiques en mettant la main sur la médaille de bronze de l’épreuve grâce à un chrono de 10.25 secondes, à seulement deux centièmes de secondes de la deuxième marche du podium. Au 200 m à Tokyo 1964, Jerome a terminé au pied du podium, en quatrième place. Il occupait désormais une place respectable parmi les hommes les plus rapides du monde.

À ses troisièmes et derniers Jeux à Mexico 1968, Jerome a fini septième au 100 m, où les positions deux à sept ont été si serrées que seulement 0.16 seconde les séparait. Il a aussi terminé son parcours en quart de finale du 200 m.

Aux Jeux de l’Empire britannique et du Commonwealth de 1962, Jerome s’est déchiré le muscle du quadriceps gauche en entier qui a nécessité une chirurgie de quatre heures pour le réparer. Incertain de savoir s’il pourrait un jour courir à nouveau, Jerome n’a pas abandonné et ses succès à Tokyo 1964 ont été la première pierre pour bâtir son retour vers la gloire athlétique. En 1965, il a remporté la médaille de bronze au 100 m des Universiades d’été et l’or aux Jeux du Commonwealth de 1966 et puis aux Jeux panaméricains de 1967.

Jerome a établi sept records du monde au cours de sa carrière, notamment un premier aux Championnats canadiens de 1960 à Saskatoon (10.0 secondes au 100 m). De 1963 à 1966, Jerome a détenu ou égalé quatre records du monde au 100 m/verges simultanément. Il a détenu cinq records au 100 m/verges, un sur 60 verges en salle, et un comme membre de l’Université de l’Oregon avec l’équipe du relais 4×100 m qui a égalé la marque mondiale de 40.0 secondes en 1962. Jerome était l’un des quelques hommes à détenir simultanément les records de pointes de vitesse du 100 m et au 100 verges dans les années 1960.

Jerome était l’aîné d’une famille de cinq enfants installée à Vancouver. Athlète complet, il a excellé au soccer, au football et au baseball, lançant deux matchs sans point ni coup sûr à l’école secondaire. Sa vitesse naturelle l’a mené vers l’équipe d’athlétisme à l’âge de 17 ans. Avant son 18e anniversaire de naissance, Jerome était devenu le premier coureur en 31 ans à battre le record canadien de pointe de vitesse au 220 verges détenu par le légendaire Percy Williams. Ayant terminé ses études à l’École secondaire de North Vancouver en 1959, Jerome a accepté une bourse athlétique de l’Université de l’Oregon à Eugene, où son entraîneur était le grand Bill Bowerman (cofondateur de Nike), qui a même fait à la main plusieurs souliers de course de Jerome. Alors qu’il battait des records sur la piste, Jerome complétait aussi sa maîtrise en éducation physique. Au passage, on lui a offert l’occasion de jouer dans la Ligue canadienne de football avec les Alouettes de Montréal, mais a décliné l’offre.

Le grand-père de Jerome, John « Army » Howard, a été le meilleur sprinteur du Canada dans les années 1910. Champion national du sprint en 1912, Howard a représenté le Canada à Stockholm 1912. En 1959, Jerome a répété l’exploit de son grand-père aux Championnats canadiens, alors que sa sœur Valerie, aussi une athlète olympique en 1960, a remporté le 60 m, le 100 m et le saut en longueur.

Jerome a accroché ses crampons après Mexico 1968. Il a ensuite dédié sa vie à ouvrir les portes du sport à la jeunesse canadienne. Mentor et source d’inspiration pour les Canadiens, Jerome a travaillé pour le ministère fédéral du Sport et a développé le Programme de prix sportif du premier ministre de la Colombie-Britannique pour encourager les jeunes à poursuivre leurs propres rêves athlétiques. En son honneur, la Classique internationale d’athlétisme Harry Jerome se déroule chaque année au stade Swangard de Burnaby, en Colombie-Britannique. La Black Business and Professional Association (BBPA) présente annuellement le Prix Harry Jerome pour reconnaître les membres de la communauté afro-canadienne.

Jerome a été intronisé au Temple de la renommée olympique du Canada en 1963, au Panthéon des sports canadiens en 1971, il a reçu l’Ordre du Canada en 1973 et a fait son entrée sur l’Allée des célébrités canadiennes en 2001. Pour ses incroyables accomplissements athlétiques, Jerome a été nommé athlète du 20e siècle de la Colombie-Britannique. Il a souffert d’un accident cérébral en 1981 et ne s’en est jamais complètement remis. En 1982, un anévrisme au cerveau l’a emporté alors qu’il n’avait que 42 ans.