La route vers l’impossible : Damian Warner sur la domination du Canada en athlétisme et son parcours vers Paris 2024
La plupart des Canadiens connaissent Damian Warner en tant que champion olympique en titre du décathlon. Cette réalisation est associée au titre officieux de « meilleur athlète au monde » en raison de la polyvalence et des qualités athlétiques requises pour réussir dans chacune des 10 épreuves du décathlon : le 100 m, le saut en longueur, le lancer du poids, le saut en hauteur, le 400 m, les 110 m haies, le lancer du disque, le saut à la perche, le lancer du javelot et le 1500 m.
Warner a été le porte-étendard, non seulement pour le pays à la cérémonie de clôture de Tokyo 2020, mais aussi pour le décathlon au Canada. Il s’est d’abord fait remarquer avec une cinquième place surprise aux Jeux olympiques de Londres 2012, après avoir amorcé la compétition classé au 20e rang. Warner a conclu en troisième position à Rio 2016, enlevant la médaille de bronze, pour ensuite mettre la main sur la médaille d’or à Tokyo 2020.
Sur la bonne voie
Bien souvent, quand les athlètes s’illustrent dans leur discipline, on tient pour acquis qu’ils ont commencé à pratiquer leur sport à un jeune âge et ont probablement fait de la compétition dans les rangs universitaires. Ce n’est pas le cas de Warner, qui a seulement fait ses débuts en athlétisme vers la fin du secondaire (11e année), quand ses entraîneurs au football et au basketball ont vu qu’il avait du potentiel. Warner reconnaît ouvertement que l’athlétisme a représenté une activité qui l’a aidé à trouver la bonne voie en tant qu’étudiant aussi.
« Je ne comprenais pas l’importance des études quand je fréquentais l’école secondaire. Je séchais mes cours souvent et à cause de ça, mes notes en ont souffert. Ça, combiné au fait que j’ai commencé à faire de l’athlétisme tard dans la vie, a fait en sorte que je n’ai pas eu les mêmes possibilités afin d’être accepté dans un établissement canadien ou d’obtenir une bourse d’études qui m’aurait permis d’aller aux États-Unis », explique Warner.
Ses entraîneurs étaient toutefois convaincus que s’il consacrait toute son énergie au bon endroit, il finirait par exceller.
« Mes entraîneurs en athlétisme, qui étaient aussi mes enseignants à l’école secondaire, m’ont fait venir dans leur salle de classe et ils m’ont dit, ‘il y a un sport qui s’appelle le décathlon et nous pensons que tu pourrais être très bon là-dedans’, raconte Warner. Bref, j’ai dit oui et je suis ensuite allé à la bibliothèque pour faire le plus de recherches possible sur ce qu’était le décathlon. »
Gardez vos amis proches
Non seulement ces entraîneurs avaient-ils absolument raison de dire que Warner pourrait, dans les faits, devenir très bon au décathlon, ils ont aussi été témoins de son parcours depuis. Encore aujourd’hui, Warner travaille avec le même groupe d’entraîneurs qui a initialement nourri son talent à l’école secondaire, incluant Gar Leyshun, Dennis Nielsen, Vicki Croley et Dave Collins. C’est très rare de voir un athlète garder les mêmes entraîneurs tout au long de sa carrière, de l’école secondaire jusqu’à la première marche du podium olympique.
« C’est l’une des choses dont je suis le plus fier, dit Warner. C’est souvent une progression qui se fait naturellement dans le monde du sport, tu travailles avec quelqu’un au début de ton développement et ensuite, quand tu as atteint un certain niveau, tu commences à travailler avec des entraîneurs professionnels. Bien des gens m’ont dit en cours de route que de garder mes entraîneurs de l’école secondaire n’allait pas fonctionner. Toutefois, il n’y a rien de mieux que de se retrouver au sommet du podium et de leur montrer qu’ils avaient tort, de prouver que j’avais raison de miser sur les liens que j’avais tissés. »
Outre ses entraîneurs de longue date, l’équipe de soutien de Warner est composée de son épouse, Jen Cotten, elle aussi une athlète accomplie qui dispute plusieurs épreuves, et sa famille élargie au grand complet. En 2021, l’équipe de Warner a accueilli son plus petit partisan quand Cotten et Warner ont eu leur fils Theo. Warner déclare que devenir père l’a forcé à trouver un meilleur équilibre dans sa vie et dans le cadre de son programme d’entraînement.
« Avant, je portais une très grande part de mon attention vers l’athlétisme. Jen disait à la blague que même quand j’étais dans les allées à l’épicerie, je continuais de répéter mon mouvement pour le lancer du disque. J’avais toujours l’athlétisme en tête et j’aimais ça, déclare Warner. Toutefois, je ne me donnais pas beaucoup de temps pour m’en éloigner un peu. Maintenant, quand je reviens à la maison et que Theo m’accueille à la porte et veut jouer au basketball ou au hockey, je peux prendre du recul et porter mon attention sur lui. Je pense que ça m’a appris à ne pas faire du désir de bien performer une obsession. Et je pense que ç’a été quelque chose de vraiment important pour moi. »
La croissance de son sport
Ce n’est pas seulement Theo que Warner a vu grandir au fil des années.
« Quand j’ai commencé à être retenu dans l’équipe, les gens parlaient de résultats parmi les 12 meilleurs et à quel point ce serait une bénédiction. Maintenant, les gens parlent de médailles », souligne Warner.
« L’optique a changé en athlétisme canadien. Je donne une bonne part du crédit à Derek Drouin. À mes yeux, c’est un peu lui qui a donné de l’élan au phénomène. Il est allé aux Jeux olympiques et il était jeune, il a remporté une médaille et tout le monde a commencé à penser, pourquoi pas moi aussi ? Il a été le fer de lance et plusieurs d’entre nous ont suivi : Shawnacy Barber, Brianne Theisen-Eaton, Andre De Grasse et moi, nous avons poursuivi dans la même veine. »
Non seulement le paysage de l’athlétisme a-t-il changé, mais il y a aussi eu une forte croissance dans la discipline du décathlon, en bonne partie grâce aux réalisations de Warner. Aux plus récents Championnats du monde de World Athletics, en 2023, les Canadiens Pierce LePage et Warner ont décroché l’or et l’argent, respectivement, affichant ainsi une domination que le pays n’avait jamais connue jusqu’ici.
On est bien loin des débuts de Warner, quand les gens confondaient parfois le décathlon avec le pentathlon moderne : « Ah, vous êtes celui qui fait de la natation, de l’équitation et toutes ces choses-là ? », relate-t-il en riant.
Les gens au pays en savent maintenant un peu plus sur le décathlon et Warner donne une partie du crédit au spécialiste de la marche Evan Dunfee, un coéquipier au sein d’Équipe Canada que Warner qualifie de « plus grand supporter canadien du décathlon ». Dunfee a pris l’habitude d’écrire en direct sur Twitter pendant les compétitions afin de donner des explications sur certains aspects du décathlon et de démystifier le système de pointage à l’intention des partisans et des autres athlètes d’Équipe Canada.
Il est par ailleurs incontestable qu’une grande partie de la croissance est attribuable à Warner lui-même.
« Je me souviens de mes premiers Championnats canadiens en 2010. Quatre athlètes avaient réussi à terminer le décathlon, déclare Warner. L’an dernier, 50 athlètes ont fini le décathlon. C’était là un nombre sans précédent… et j’aime penser que j’ai eu un impact quelconque là-dessus. »
En rafale avec Damian Warner
Si tu n’étais pas un décathlète, quel sport pratiquerais-tu ?
Hmmm… Le football, je pense.
Tu as une routine d’avant-compétition ou des superstitions ?
La seule chose que je fais, c’est de me couper les cheveux, bien que cela ait parfois représenté un problème pour moi dans le passé! À Londres avant les Jeux olympiques, je me coupais les cheveux et à mi-chemin, ma tondeuse à cheveux a cessé de fonctionner. J’étais en mode panique, à essayer de trouver un appareil qui me permettrait de couper le reste de mes cheveux. Maintenant, j’ai une tondeuse sans fil, mais c’est la seule chose que je fais. J’imagine qu’on pourrait considérer ça comme une superstition.
Quel est ton plus beau souvenir olympique en tant que spectateur ou fan d’Équipe Canada ?
En 2012, j’étais classé 20e au moment d’entreprendre les Jeux olympiques, mais j’ai assez bien fait pour finir cinquième au classement général. Cela étant, je suis allé à la Maison olympique du Canada et il y avait une fête pour les athlètes qui avaient remporté des médailles. C’était la journée où Derek Drouin était là avec sa médaille, il s’est levé et il s’est mis à discuter avec son entraîneur.
Pour moi, c’était quelque chose de vraiment spécial, parce qu’il était quelqu’un que j’admirais et de le voir réussir à gagner une médaille… Je pense que ç’a transformé ma vision des choses, je me suis dit que je voulais y arriver moi aussi. Je voulais pouvoir aller sur le podium et remporter une médaille, et entendre l’hymne national canadien. C’est donc là un de mes plus beaux souvenirs et je pense que ç’a façonné beaucoup de choses qui sont en moi aujourd’hui.
Dernière question, à quelle chose as-tu le plus hâte dans le cadre de ton parcours vers Paris 2024 ?
Le parcours en soi, tout simplement ! J’essaie d’apprendre le plus de choses possibles et de me mettre dans une position où je pourrai réussir, je vais juste y aller et tout donner. C’est toujours ça que j’ai fait et je ne peux exiger davantage de moi-même – il s’agit de faire de mon mieux et mon mieux va me mener là où il va me mener.
Warner et plusieurs autres athlètes font partie d’Équipe Toyota — un groupe d’athlètes canadiens qui cheminent vers les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Comme Toyota, ces athlètes croient en la puissance du mouvement humain pour venir à bout des obstacles et ils racontent leurs histoires pour aider à inspirer la génération future d’athlètes olympiques et paralympiques et de Canadiens.