La chef de mission Lisa Weagle partage les leçons apprises aux Jeux olympiques et ses espoirs pour les jeunes d’Équipe Canada à Gangwon 2024
Des athlètes adolescents d’un peu partout au pays tentent actuellement de se qualifier pour faire partie d’Équipe Canada en vue des Jeux olympiques de la jeunesse d’hiver de Gangwon 2024.
Ceux et celles qui vont réussir vont ressentir TOUTES les émotions; la joie, l’excitation, la fierté, la nervosité, la peur. Ils vont avoir hâte, mais aussi se sentir dépassés.
Je le sais parce que je suis aussi passée par là.
J’ai représenté le Canada au curling féminin à deux présentations des Jeux olympiques, soit ceux de PyeongChang 2018 et Beijing 2022.
Je rêvais de participer aux Jeux olympiques depuis l’âge de 12 ans, quand le curling a été intégré au programme des Jeux. J’ai suivi les matchs avec admiration quand Sandra Schmirler et son équipe ont remporté l’or à Nagano 1998. Je me sentais si fière d’être une joueuse de curling et une Canadienne. Les regarder jouer m’inspirait et, même si cela me semblait improbable, je voulais suivre leurs traces.
Enfant, j’adorais les Jeux olympiques. Été ou hiver, je regardais tout. D’aussi loin que je me souvienne, je regardais toutes les cérémonies d’ouverture et je m’imaginais en train de marcher avec les athlètes d’Équipe Canada. Debout sur le podium. Chanter le « Ô Canada » avec une médaille d’or au cou.
C’était un rêve qui me semblait impossible. Toutefois, cela ne m’a pas empêchée d’essayer.
Le sport occupait une place importante dans ma famille. Mes parents insistaient pour que je pratique toujours un sport d’été et un sport d’hiver. J’ai commencé à jouer au curling à l’âge de huit ans. Je vais être honnête, au début, j’aimais surtout le curling à cause des beignes et du chocolat chaud que les instructeurs nous donnaient à la fin. Cependant je suis vite tombée en amour avec ce sport.
J’adorais réussir des tirs et peaufiner mes habiletés. J’adorais faire partie d’une équipe. J’adorais disputer les matchs importants. J’aimais surtout gagner. Mon rêve au début n’était pas d’être championne; je ressentais tout simplement l’obligation d’essayer d’atteindre le niveau de performance suivant.
Avec le travail, un peu chance, dont celle de me trouver au bon endroit au bon moment, un bon système de soutien, des coéquipières remarquables et des entraîneurs solides, mon rêve de devenir une athlète olympique s’est éventuellement réalisé — deux fois.
Mes premiers Jeux olympiques ont eu lieu en Corée du Sud en 2018. Je me souviens d’être arrivée à l’endroit où nous logions, exténuée après une journée de voyage qui m’avait semblé interminable. Quand je suis descendue de l’autobus, j’ai aussitôt oublié la fatigue que je ressentais. J’étais bien éveillée. J’étais emballée.
J’étais aux JEUX OLYMPIQUES.
C’était comme vivre un rêve devenu réalité. Je vivais des choses que je n’avais pu qu’imaginer, comme marcher dans le Village olympique pour la première fois. Voir les anneaux olympiques partout. Ouvrir la porte du logement que j’allais partager avec mes coéquipières. Tirer les valises qu’on avait placées dans nos chambres à coucher jusque dans le salon et essayer ensemble absolument tous les morceaux de nos trousses d’habillement. Visiter la salle à manger et voir tous les athlètes des autres pays mélangés ensemble, mangeant comme dans une cafétéria. Mettre le pied sur la surface glacée olympique de curling pour la première fois et glisser en direction des anneaux olympiques. Marcher pendant la cérémonie d’ouverture au beau milieu d’une mer de rouge, à titre de membre d’une même et grande, celle d’Équipe Canada.
Les Jeux olympiques sont comme le Disneyland des athlètes : tout est magique. J’espère que les athlètes qui se qualifieront pour Gangwon 2024 s’imprégneront de l’ambiance. Qu’ils savoureront chaque moment. Qu’ils prendront beaucoup de photos et de vidéos, mais qu’ils n’oublieront pas non plus de vivre le moment présent tout simplement pour en faire l’expérience.
Il y a beaucoup de travail qui se déroule en coulisses pour faire de l’expérience des Jeux quelque chose de spécial et d’inoubliable pour les athlètes. Le Comité olympique canadien est de classe mondiale pour livrer les Jeux et quand vous vivez l’expérience des Jeux à titre d’athlète, vous pouvez voir que tout le monde s’engage à 100 % pour créer un milieu qui vous permettra d’exceller.
Ayant vécu les Jeux olympiques à deux reprises en tant qu’athlète, je savais que je voudrais donner au suivant un jour et faire partie de l’équipe de mission. J’ai toujours trouvé important de redonner et je suis enchantée d’avoir cette occasion de rejoindre les rangs de l’équipe de soutien du Canada à Gangwon.
En tant que chef de mission pour les Jeux olympiques de la jeunesse d’hiver 2024, mon rôle est d’être une chef de file, une mentore et la plus grande fan d’Équipe Canada. De bien des façons, j’ai le sentiment de boucler la boucle, alors que je serai de retour là où j’ai vécu les Jeux olympiques pour la première fois. Je suis certaine que ça va me rappeler quelques souvenirs. Toutefois au mois de janvier prochain, je vais aussi pouvoir créer de nouveaux souvenirs avec la nouvelle génération d’athlètes de haute performance du Canada.
FAQ : Qu’est-ce qu’un chef de mission ?
Ce que j’espère pour chacun des athlètes, c’est qu’ils brillent à l’occasion de leur grand moment et qu’ils atteignent leur plein potentiel. Je sais que ces athlètes sont bien encadrés par leurs entraîneurs et bien soutenus. Ils sont passés par l’entraînement et la préparation nécessaires. Sachant cela, mon but en tant que chef de mission est d’être là pour l’équipe de toutes les façons possibles, que ce soit pour encourager nos athlètes depuis les gradins, être à leurs côtés pour célébrer une médaille ou un record personnel, ou offrir un peu de soutien dans un moment difficile.
Pour certains, ce sera la première fois qu’ils représenteront le Canada dans le cadre d’une compétition internationale. Ils vont bientôt constater que faire partie d’Équipe Canada représente quelque chose de spécial. Ayant participé aux Jeux olympiques deux fois et aux Championnats du monde de curling à trois reprises, je peux dire qu’arborer l’unifolié à l’échelle mondiale a vraiment été un des plus grands honneurs que j’aurai vécus dans ma vie.
C’est un honneur, mais c’est aussi de la pression. Parfois, la feuille d’érable peut être lourde à porter, surtout quand les résultats ne sont pas ceux qui étaient souhaités.
Chaque athlète qui sera de la partie aux Jeux de Gangwon rêve de monter sur la plus haute marche du podium, d’y recevoir une médaille d’or et de chanter l’hymne national de son pays. Cependant, il n’y a que trois places sur le podium et trois médailles à l’enjeu. Ce qui veut dire que bien des athlètes seront déçus au moment de retourner à la maison.
J’ai été une de ces athlètes déçues à mes deux présences aux Jeux olympiques. Mes coéquipières et moi avons raté les éliminatoires de peu, ce qui fait que nous n’avons pas atteint notre objectif de ramener une médaille pour nous et pour le Canada.
Je ne vais pas dorer la pilule; j’étais dévastée.
Je me souviens d’avoir eu l’impression que de ne pas avoir obtenu de médaille était la pire chose qui aurait pu m’arriver de toute ma vie. Avant d’aller à PyeongChang, je pensais que l’échec avait l’allure d’une médaille d’argent ou de bronze. Je n’avais jamais songé à la possibilité d’être exclue du podium.
Après notre défaite, c’est seulement une fois de retour dans ma chambre que je me suis permise de pleurer. Les vannes se sont alors ouvertes. À travers mes larmes, j’ai regardé mon téléphone et un message a attiré mon attention. Il provenait d’une joueuse de curling de catégorie junior à Ottawa. Elle m’avait écrit pour me dire qu’elle était fière de moi, peu importe le résultat. Que j’étais un modèle pour elle et d’autres athlètes. Que j’étais une athlète olympique pour la vie.
Bien que la défaite faisait mal, son message m’a ouvert les yeux et m’a amenée à voir les choses autrement. Elle avait raison : même sans médaille, j’étais une athlète olympique canadienne — ce qui représente une réalisation remarquable en soi. Ça m’a réconfortée de savoir que j’avais fait de mon mieux sans jamais abandonner.
Certains jours, ton meilleur niveau te permet de remporter une médaille et parfois, non. Tout dépendant de quel côté tu te trouves, c’est là la beauté et la douleur du sport.
Après la défaite en 2018, j’ai décidé que j’allais savourer les quelques derniers jours de mon expérience olympique avec mes coéquipières, mes amis et les membres de la famille qui avaient fait le voyage en Corée du Sud. Nous avions passé tellement de temps au centre de curling que ça faisait du bien de changer de décor et d’aller assister à des compétitions en montagne. Nous avons encouragé nos compatriotes canadiens et nous avons eu l’occasion d’être là quand le planchiste Sébastien Toutant a remporté la médaille d’or de l’épreuve du big air. Quand la foule a commencé à l’encourager, les larmes me sont venues aux yeux — je ressentais de la joie pure pour lui, mais c’était aussi en raison du deuil que je faisais du moment olympique doré que j’avais espéré vivre moi aussi.
J’ai quelques merveilleux souvenirs du temps que nous avons passé ensemble à visiter différents endroits à Gangwon.
Nous avons fait connaissance de gens de l’endroit qui ont vu nos vestes rouge vif du Canada et nous ont arrêtés dans la rue. Il y avait la barrière de la langue, mais en même temps, le message était très clair : ils étaient emballés de nous rencontrer, des athlètes olympiques canadiens. Nos résultats n’avaient aucune importance à leurs yeux. Ils voulaient nous saluer et nous serrer la main. Nous avons tous ri et un homme m’a mis son enfant dans les bras pour que nous puissions nous faire prendre en photo ensemble. Il y avait tellement de joie dans l’air et, le temps d’un instant, j’ai oublié la déception que j’avais vécue sur la glace.
En fin de compte, je dois reconnaître que le sport ne se résume pas qu’aux médailles. Ça ne peut pas être juste l’or ou rien.
Est-ce que je souhaiterais avoir une médaille d’or en guise de preuve des efforts que j’ai déployés? Bien sûr que oui. Toutefois, je pense aussi qu’il y a des leçons à retenir quand on est confronté à l’adversité. Ces épisodes m’ont aidé à voir davantage les choses dans leur ensemble, que les Jeux olympiques, c’est aussi essayer de faire de son mieux, tisser des souvenirs, savourer le parcours et partager la magie du sport avec les autres.
Au moment où ils se préparent en vue de vivre l’expérience des Jeux olympiques de la jeunesse, j’espère que tous les athlètes qui font partie d’Équipe Canada songeront à établir des objectifs qui n’ont rien à voir avec leur performance sportive. Gagner ne devrait pas être la seule mesure du succès.
À ces jeunes athlètes, je dis : choisissez de savourer le moment présent. Accueillez à bras ouverts les montagnes russes d’émotions que vous allez sûrement ressentir. Essayez le plus fort que vous pouvez. Faites preuve de gratitude. Incarnez les valeurs olympiques de l’excellence, du respect et de l’amitié. Connectez avec les autres, faites-vous des amis et ayez du plaisir. Soyez fiers de représenter le Canada.
C’est l’expérience d’une vie, alors imprégnez-vous en comme une éponge.
Lisa Weagle est athlète de curling féminin qui a participé à deux Jeux olympiques. Elle a été trois fois championne nationale au Tournoi des Coeurs et elle a remporté des médailles d’or (2017), d’argent (2014) et de bronze (2013) aux Championnats du monde de curling féminin. Au fil de sa carrière, elle a remporté 10 titres du Grand Chelem de curling.