Médaillé d’or ex æquo, Kripps suit les traces de son mentor
Malgré une certaine confusion, l’heure était à la célébration à la piste de bobsleigh pour celui qui, comme son idole, a remporté l’or ex æquo.
Lundi, après avoir aidé le Canada à remporter sa première médaille d’or olympique en bobsleigh à deux en vingt ans, le pilote Justin Kripps ne comprenait pas pourquoi les Allemands célébraient eux aussi, jusqu’à ce qu’il réalise que les deux pays avaient terminé ex æquo sur la première marche du podium à PyeongChang 2018.
« C’était incroyable, a expliqué Justin. Quand nous avons traversé la ligne d’arrivée, j’ai réussi à voir le tableau d’affichage – ce qui est plutôt difficile quand on effectue le freinage final – et il indiquait que nous étions premiers. J’étais vraiment heureux, et tout le monde a envahi la piste. »
« J’ai alors vu les Allemands qui sautaient de joie aussi. Je me suis dit que c’était bien chouette qu’ils soient aussi heureux pour nous », a poursuivi le pilote, provoquant des rires autour de lui.
« Nous sommes tous de bons amis. Quand la foule s’est dispersée un peu, Thorsten (Margis) m’a donné l’accolade et m’a dit à l’oreille : “Vous étiez à trois centièmes, puis à deux, et on a terminé à égalité”. J’ai répondu : “À égalité?” C’est incroyable. »
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À l’issue des quatre manches, disputées sur deux jours, Justin et le freineur Alex Kopacz ont terminé avec un chrono de 3 minutes 16 secondes 86 centièmes, soit le même chrono que l’équipe allemande constituée du pilote Francesco Friedrich et du freineur Thorsten Margis. Oskars Melbardis et Janis Strenga, de la Lettonie, ont terminé à cinq petits centièmes des vainqueurs pour décrocher la médaille de bronze. Deux autres équipages allemands ont complété le top 5 à 0,28 seconde de la première place. Ce fut une compétition incroyable, où n’importe laquelle des cinq premières équipes aurait pu rafler l’or.
Alex était lui aussi incertain du résultat final. Ce n’est qu’après avoir discuté avec son pilote et les bobeurs allemands qu’il a pleinement réalisé ce qui s’était passé.
« Je suis sous le choc; je n’arrive pas à l’exprimer autrement, a dit le freineur canadien. Je n’ai pas compris que nous avions terminé à égalité jusqu’à ce que je discute avec les autres dans le vestiaire. »
Sur le tableau de la piste, « il n’y a pas de symbole pour l’égalité, » a blagué Justin.
Comme c’est généralement le cas avec les sports de glisse avec chrono cumulé, la constance est essentielle, et c’est ce que les Canadiens ont réussi pour l’emporter. Justin et Alex étaient deuxièmes après chacune des deux premières manches, mais l’Allemand Nico Walther avait ravi la première place à Melbardis à l’issue de la deuxième ronde, disputée dimanche.
Après une troisième manche rocambolesque, Walther avait glissé à la cinquième place alors que Friedrich et Margis ont établi un record de piste pour se hisser au deuxième rang. Justin et Alex, eux, ont été aussi constants que la veille et se sont emparés de la première place. L’atmosphère était extrêmement compétitive : après chacune des trois manches, il y avait eu trois meneurs différents.
Friedrich et Margis ont livré une autre solide performance lors de la quatrième et dernière manche, prenant la tête de la compétition. Justin et Alex se sont alors élancés et ont égalisé avec les Allemands.
« Francesco a piloté de manière exceptionnelle et Thorsten a vraiment bien poussé », a souligné Justin, rendant hommage à ses rivaux. « J’ai essayé de ne pas y penser et de me concentrer sur ce que j’avais à faire. Nous avons fini par effectuer la meilleure course à laquelle j’aie participé. Nous avons retranché quelques centièmes dès la poussée, ce dont nous avions vraiment besoin. »
Cette victoire a été acquise de la même façon que celle de l’une des idoles de Kripps, la légende canadienne du bobsleigh, Pierre Lueders. En effet, à Nagano, en 1998 – la dernière fois que le Canada avait remporté l’or à cette épreuve – Pierre et Dave MacEachern avaient partagé le titre olympique avec Gunther Huber et Antonio Tartaglia, de l’Italie.
Avec Lascelles Brown, qui participe d’ailleurs aux présents Jeux, Pierre avait par la suite décroché l’argent en 2006, à Turin, en bobsleigh à deux. C’était la dernière fois que le Canada montait sur le podium olympique dans ce sport. À Vancouver 2010, Justin était freineur dans l’équipe de bob à quatre de Pierre, qui a terminé au cinquième rang. Peu après, il a commencé à s’entraîner comme pilote avec la légende.
« C’est incroyable. C’est l’aboutissement de beaucoup de travail. »
« Il y a 20 ans, Pierre remportait l’or ex æquo. À sa retraite, il y a huit ans, il m’a appris à piloter et nous voilà avec l’or, nous aussi à égalité. Je n’arrive pas à y croire. »
Pierre Lueders est maintenant l’entraîneur de l’équipe sud-coréenne, mais Justin n’a pas vu son ancien mentor en raison de la nature compétitive du circuit.
« On rattrape le temps perdu en été, mais pendant la saison, on est des rivaux, et je respecte ça. »
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La notion d’héritage olympique est très importante pour le Canada, que ce soit en ski acrobatique, où, dans la foulée de Jean-Luc Brassard, le Canada est devenu une véritable puissance en bosses ou en patinage de vitesse courte piste, où les succès de Charles Hamelin et Marianne St-Gelais ont inspiré la prochaine génération de patineurs. La passation du flambeau continue à jouer un rôle majeur dans la réussite des athlètes canadiens d’aujourd’hui.
Même dans l’euphorie d’avoir gravi avec Alex la plus haute marche du podium olympique aux côtés de « compétiteurs exceptionnels » qui sont « des amis et des rivaux depuis des années », Justin a tenu à rendre hommage à Pierre Lueders.
« Il m’a appris non seulement les bases, mais aussi pas mal tout ce que je sais du bobsleigh. C’est extraordinaire. »