Alyson Charles : un parcours olympique sous les thèmes de la résilience et la représentation
Je m’appelle Alyson Charles, j’ai 22 ans et je fais du patinage de vitesse sur courte piste depuis l’âge de cinq ans.
J’ai commencé à patiner au club de mon quartier, le CPV Montréal Saint-Michel, avec mes quatre cousines. Je me souviens que mon père et moi allions les chercher chez elles, les unes après les autres. On faisait le taxi chaque jeudi, samedi et dimanche. Non, mais littéralement, mon père était chauffeur de taxi ! Ensuite, on les ramenait chez elles. D’autres fois, elles venaient toutes chez moi. Juste à y repenser, j’ai le sourire aux lèvres. J’en garde de très beaux souvenirs.
Lorsqu’elles ont quitté le sport, eh bien moi, j’ai continué et je n’ai jamais arrêté depuis.
Quelques années plus tard, je me suis retrouvée au Centre régional canadien d’entraînement qui a pour mission de former la relève. Puis, à l’été 2016, j’ai fait le grand saut avec l’équipe nationale. Je me retrouvais soudainement aux côtés des Marianne St-Gelais, des Kim Boutin et de bien d’autres, qui, ma foi, étaient toutes assez impressionnantes ! Je me suis grandement inspirée d’elles à l’entraînement : de leur routine, de leur rigueur et de leur éthique de travail. C’était plutôt intimidant au début, de s’intégrer dans un tel environnement, mais tranquillement, j’ai pu faire et trouver ma place au sein de cette belle équipe.
En 2018, les retraites de quelques vétérantes à la suite des Jeux de PyeongChang ont laissé place à de nouveaux visages, dont le mien. Mes débuts sur la scène internationale senior ont été au-delà de toutes mes attentes. Avec le recul, je dirais que mes premières médailles remportées en Coupe du monde à Calgary ont été parmi les moments charnières de mon parcours sportif.
Il s’agissait de ma première expérience sur la scène internationale à ce niveau, mes années juniors venaient de prendre fin et j’arrivais là-bas avec plusieurs déceptions récentes sur le plan individuel. Néanmoins, c’est là que le déclic s’est fait. J’étais à Calgary, en sol canadien, mon père était dans les estrades et je ressentais toute la fébrilité dans l’air. J’ai terminé la compétition avec deux médailles individuelles et une autre au relais. Celles-ci m’ont prouvé que j’avais bel et bien ma place sur le circuit.
Bien que les Jeux olympiques eussent trouvé leur place sur ma liste de rêves bien avant, c’est à Calgary que j’y ai vraiment cru pour la première fois. C’est à ce moment-là que mon rêve des JO s’est transformé en objectif.
Mon rêve, il est né quand j’ai vu sur la télévision du salon familial la patineuse Kalyna Roberge aux Jeux de Turin 2006. Je me suis tout de suite identifiée à elle, parce que bien que je sois née ici à Montréal et que j’y ai grandi, je suis d’origine haïtienne et comme Kalyna, je suis biraciale.
Je chéris spécialement cet héritage autant ethnique que culturel et j’ai rapidement pris conscience du fait que je pratique un sport plutôt atypique pour ma communauté.
Toutefois, je ne me suis jamais mis de pression additionnelle par rapport à tout ça. Cela dit, si j’ai un rôle à jouer en tant qu’athlète noire, je dirais que c’est celui de transmettre ma passion et de partager mes expériences avec les jeunes issus de ma communauté. De leur montrer, par mes valeurs et mon parcours, que rien ne leur est impossible s’ils y mettent le travail et les efforts nécessaires : qu’ils sont, eux aussi, capables de réussir !
J’espère pouvoir devenir cet exemple auquel ils pourront un jour s’identifier comme la patineuse olympique Kalyna Roberge (aujourd’hui retraitée) l’a été pour moi lorsque j’étais plus jeune. J’aspirais à me rendre aussi loin qu’elle un jour.
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Et me voici aujourd’hui, quelques années plus tard, à m’illustrer sur la scène internationale et à aspirer à mon tour aux Jeux olympiques. D’où l’importance des enjeux de représentativité et de diversité au sein de notre société, et ce, aussi bien dans le sport que dans tous les autres domaines (politique, scientifique, médiatique, etc.) Qu’un jeune puisse se voir, se projeter, pour ensuite se lancer dans un milieu parce qu’il s’identifie à un athlète, un politicien, un comédien, un journaliste, un chercheur… ça fait toute la différence.
Aujourd’hui, ça fait presque un an que je n’ai pas compétitionné. Notre saison 2020-2021 s’est envolée en fumée. À pareille date, l’année dernière, alors que nous nous préparions en vue des Championnats du monde (qui devaient avoir lieu début mars), la pandémie a frappé. C’est ainsi que nos compétitions et, par le fait même, nos entraînements ont été mis (sans jeu de mots !) sur la glace. Tout s’est arrêté de façon abrupte. À cette période, je pense que nous étions tous bien loin de nous douter de l’ampleur de la chose. Après quelques semaines de repos, nous avons repris l’entraînement de manière individuelle. C’est donc dans mon salon que se sont chevauchés sofa, télévision, poids, haltères et vélo. Tantôt pour relaxer, tantôt pour s’entraîner… mais l’essentiel était là. J’ai passé environ quatre mois comme ça, à m’entraîner seule.
Au début, ça allait, mais après quelque temps, la motivation commençait à diminuer légèrement à mesure que les entraînements augmentaient en intensité. Je pratique un sport individuel, certes, mais je me suis toujours entraînée en groupe, entourée de mes coéquipier. ères et de mes entraîneurs. Tout ça commençait à me manquer. À ce moment-là, je ne pouvais que lâcher prise, garder le focus sur ce qu’il m’était encore possible de contrôler, sur mes objectifs du quotidien, tout en restant patiente envers moi-même.
Enfin, nous avons pu retrouver la glace au cours du mois d’août, mais ce fut de courte durée. Nous nous sommes rapidement retrouvés dans un second confinement, à s’entraîner de la maison à nouveau. Nous étions tous dans le même bateau, mais à la longue, ça finit par avoir des répercussions sur nos performances. Personnellement, j’en ai mis du temps à retrouver mes sensations sur la glace, mes feelings (comme on les appelle !), surtout en vitesse de pointe qui a été et reste encore pour moi un enjeu.
Malgré tout, les choses ont fini par se remettre en place. Aujourd’hui, je me considère particulièrement privilégiée de pouvoir continuer de pratiquer mon sport, et ce, malgré la pandémie dans laquelle nous sommes tous plongés. Depuis notre retour à l’aréna, cette opportunité que j’ai de m’y rendre chaque jour, je ne la prends certainement plus pour acquise. Cette année hors du commun rime pour moi avec inconnu, doute, incertitude, mais également avec adaptation, créativité et résilience.
En ce mois de février 2021, Mois de l’histoire des Noirs et à un an de Beijing 2022, ce fut un plaisir d’avoir pu vous partager un peu de mon histoire à moi. Je continue de travailler quotidiennement vers ce but de participer aux JO et j’espère sincèrement pouvoir vous y retrouver l’année prochaine !
Alyson Charles
Alyson Charles est une athlète canadienne en patinage de vitesse courte piste et représente l’un des meilleurs espoirs féminins du Canada en vue des Jeux olympiques de Beijing 2022. Elle a pris le troisième rang des Championnats canadiens 2020 et compte 10 médailles à son actif sur le circuit de la Coupe du monde. En 2018, Alyson a été sacrée championne du monde junior avec l’équipe du relais féminin.