Montage avec des photos de Joshua Liendo, Brandie Wilkerson et Cédric Fofana.

En route vers Paris 2024 : Trois olympiens évoquent leurs grands objectifs pour l’avenir, les leçons qu’ils retiennent et l’importance de la représentation

Les prochains Jeux olympiques auront lieu dans moins d’un an et demi. 

La joueuse de volleyball de plage Brandie Wilkerson, le plongeur Cédric Fofana et le nageur Joshua Liendo ont tous de grandes aspirations – c’est-à-dire obtenir à nouveau le droit de se retrouver sur la plus grande scène sportive au monde. 

Pour ces trois-là, il y a eu bien des leçons à retenir à la suite des hauts et des bas qu’ils ont vécus à Tokyo 2020 et ailleurs. Ils mettront leurs apprentissages en pratique cette année alors qu’ils entreprendront de nouveau leurs parcours vers une qualification olympique. 

Toutefois, ce qu’ils font sur le sable ou dans l’eau n’est pas la seule chose qui importe pour eux. 

Tout au long de l’année, nous allons suivre les progrès de chacun de ces athlètes et leur parler de ce qui se passe de nouveau dans leurs vies et dans leurs carrières. Puisque nous sommes en février, le Mois de l’histoire des Noirs, nous avons profité de l’occasion pour nous entretenir avec eux de la valeur de la représentation – surtout dans les sports qui, historiquement, n’étaient pas reconnus jusqu’ici pour leur diversité. 

Brandie Wilkerson: Renouer avec ses racines  

À ses premiers Jeux olympiques, Wilkerson avait des attentes élevées à son propre endroit et à l’égard de sa partenaire d’expérience Heather Bansley. Se faire éliminer en quarts de finale n’était pas le scénario qu’elles avaient imaginé.  

  • Brandie Wilkerson serre sa coéquipière dans ses bras.
  • Brandie Wilkerson à genoux dans le sable.

Malgré sa déception, Wilkerson affirme qu’elle a appris à quel point elle est forte quand elle a navigué dans le contexte anormal et particulièrement stressant de Jeux olympiques qui ont été tenus dans un contexte de pandémie. 

Cette force a eu son importance quand Bansley et elle ont réalisé qu’elles avaient des objectifs différents pour l’avenir. Tandis que Bansley a pris sa retraite afin de devenir une entraîneure d’athlètes NextGen (prochaine génération), Wilkerson a fait équipe avec Sophie Bukovec, s’offrant ainsi un nouveau défi à relever. 

« Je voulais me mettre dans une position où je serais une leader et où je pourrais créer une équipe à ma manière, et tout simplement aller de l’avant pour voir si j’allais être capable de recommencer, pratiquement en repartant de zéro », indique Wilkerson. 

Une chose est sûre, l’expérience a été différente alors que Bukovec et elle ont dû passer par les qualifications pour atteindre le tableau principal des tournois. Toutefois, la chimie s’est vite installée, comme en a fait foi la médaille d’argent qu’elles ont remportée aux Championnats du monde

C’est alors qu’une occasion que Wilkerson ne pouvait pas laisser passer s’est présentée.

Melissa Humana-Paredes, l’ancienne coéquipière de Wilkerson à l’Université York, et sa partenaire de longue date, Sarah Pavan, avaient décidé que le temps était venu de se séparer. 

« C’est quelque chose qui n’était jamais apparu sur mon radar jusqu’à ce que ça arrive, raconte Wilkerson à propos de la possibilité de faire équipe avec Humana-Paredes. Il lui a fallu un certain temps avant de décider de changer de partenaire pour la deuxième fois en un an, « mais je voulais faire confiance à mon intuition, faire confiance au plan que j’avais établi. » 

Leur plan pour 2023 n’est pas compliqué : jouer « pas mal partout » afin de se mettre en bonne position de se qualifier pour Paris 2024 par l’entremise du classement mondial d’ici la fin de la période de qualification en juin prochain. Les Championnats du monde de volleyball de plage de la FIVB en octobre sont l’événement le plus important qu’elles ont au programme. 

Bien qu’elle ait de nouveaux objectifs de carrière, Wilkerson ne perd pas de vue le fait qu’elle a aussi établi des objectifs personnels.

Un des plus importants est de représenter la communauté des PANDC, tout particulièrement la culture et l’ascendance dont elle est issue, alors qu’elle s’identifie comme étant une femme biraciale.

« La représentation est importante parce que ça ouvre la porte à des possibilités sans limites, a-t-elle indiqué. Parfois c’est difficile de se voir quelque part parce que ça n’est pas encore arrivé, mais je pense que nous avons tous la responsabilité de briser ces barrières et de faire notre part pour nous assurer que tout ce qui est imaginable soit accessible. Il y a quelque chose de beau dans le fait d’avoir de grands rêves et d’être la première personne à ouvrir ces espaces qui n’avaient pas encore été ouverts. »

À LIRE : Brandie Wilkerson : 2020, une année pour apprendre, redémarrer et trouver sa voix

Depuis qu’elle s’est élevée au rang d’une des meilleures joueuses de volleyball de plage au monde, Wilkerson dit que de nombreuses petites filles de race mixte sont venues lui dire qu’elle était leur joueuse favorite parce qu’elles s’identifient à elle.  

« C’est tellement valorisant. Ça nourrit ma motivation à continuer et à faire en sorte que ça transcende les genres. » 

Wilkerson donne aussi un coup de pouce à la prochaine génération par l’entremise de Project Worthy, un programme de bourses d’études qu’elle a lancé avec sa meilleure amie et son ancienne partenaire au volleyball de plage Julie Gordon. Tout en cherchant à faire du volleyball un sport où il y a plus de diversité, chaque saison elles soutiennent directement un(e) adolescent(e) de la communauté des PANDC qui joue au volleyball intérieur en couvrant ses frais de club. Ceux-ci peuvent parfois être élevés. Elles ont financé trois récipiendaires jusqu’ici et elles espèrent voir le programme prendre de l’ampleur. 

« La seule raison pour laquelle j’ai pu commencer à jouer au volleyball, c’est parce que quelqu’un d’autre s’est occupé de mes frais, quelqu’un d’autre a acheté mes souliers, quelqu’un d’autre m’a acheté des genouillères, a souligné Wilkerson. Quand le problème te semble tellement gros et qu’on parle d’égalité, ta réaction c’est, oh mon Dieu! Donc, si nous pouvons juste faire une petite chose pour aider… c’est là d’où vient la motivation. » 

Une autre chose qui emballe Wilkerson au plus haut point, c’est qu’on annoncera bientôt qu’elle est le visage mondial d’une marque américaine de sport très prospère, faisant d’elle la première athlète en volleyball à compter à la fois sur un commanditaire de vêtements et un commanditaire de ballons. 

« Ils sont prêts à diffuser mon visage et mon visage étant un visage biracial, un visage canadien, un visage multiculturel, ils lui permettent de représenter le volleyball de plage en tant que sport. »  

C’est un moment charnière qu’on attendait depuis longtemps. 

Cédric Fofana: Trouver le positif dans le négatif  

Fofana n’était âgé que de 17 ans quand il a obtenu la seule place du Canada au tremplin masculin de 3 m pour Tokyo 2020. Après avoir entrepris les essais nationaux sans tambour ni trompette et en n’ayant pas la moindre attente, il a conclu la compétition avec le meilleur pointage. 

« J’étais un peu sous le choc, parce que je voulais y aller, mais en même temps, je ne pensais pas que j’y irais », a affirmé Fofana. Quand il s’est installé à Montréal en 2017 pour s’entraîner avec les meilleurs plongeurs au pays, il visait Paris 2024 et Los Angeles 2028.

« Ensuite, j’ai progressé vraiment rapidement… et, oui, c’est arrivé. »  

Fofana a commencé à pratiquer le plongeon à l’âge de six ans, trois années après avoir vu des tremplins pour la première fois à l’occasion d’une sortie à la piscine avec ses parents. Il leur a alors dit: « Quand je serai plus vieux, c’est ce que je vais faire. » 

Son père Souleymane, qui a immigré au Canada en 2000 en provenance de la Côte d’Ivoire, a essayé de l’amener à s’intéresser à d’autres sports comme le soccer. Cependant, Fofana n’a eu besoin que de disputer un seul match sur le gazon pour réaliser que sa place était dans l’eau. 

Il a commencé à rêver de devenir un athlète olympique à l’âge de neuf ans, mais ce qu’il a vécu à Tokyo a davantage ressemblé à un cauchemar. 

Son entraîneur de longue date, César Henderson, ne pouvait pas être avec lui sur le bord de la piscine pour des raisons de logistique compliquées. C’était sa première compétition internationale d’importance et le niveau d’intensité des feux de la rampe était élevé – c’est ce qu’il a ressenti dès le moment où il s’est tenu aux côtés de ses adversaires et que la caméra s’est déplacée le long de la rangée d’athlètes afin de les présenter à un auditoire mondial. 

« C’était vraiment impressionnant d’être là et de voir tout le monde donner un aussi bon niveau de performance », a indiqué Fofana. 

Cédric Fofana sur le bord de la piscine.
Le plongeur canadien Cédric Fofana participe aux qualifications de l’épreuve masculine du tremplin de 3 m aux Jeux olympiques de Tokyo 2020, le lundi 2 août 2021. Photo Andrew Lahodynskyj/COC

Le stress qu’il a ressenti ne ressemblait en rien à ce qu’il avait vécu auparavant. Il a commencé à paniquer et il peinait à respirer, ses jambes tremblaient. Il n’avait que 10 minutes pour essayer de retrouver ses sens. 

Il a manqué de temps. 

Aucun des plongeons de Fofana ne s’est déroulé comme prévu, à l’image de son quatrième, qu’il a complètement raté et ne lui a valu aucun point. Il a fini dernier parmi les 29 concurrents du tour préliminaire. 

Il est quand même parvenu à retirer une certaine fierté de la façon dont il s’est comporté dans un contexte aussi difficile. 

« Je ne voulais pas m’arrêter en pleine compétition juste parce que j’ai raté le plongeon ou que rien ne se passait comme prévu », a-t-il noté. 

Ce qu’il retient surtout du désastre qu’il a vécu à ses premiers Jeux olympiques: « J’ai appris que ça ne se limite pas seulement à la performance, il faut aussi que tu sois prêt mentalement à performer quand ça compte. Parce que même si j’étais prêt physiquement, je n’ai pas réussi à offrir une bonne performance sous cette pression. C’est là une chose sur laquelle je dois travailler, et c’est pourquoi j’y reviens encore et encore. » 

Fofana essaie de s’habituer à la nervosité en participant à davantage de compétitions de moindre envergure. Il reconnaît que bien qu’il se soit bien entraîné à l’approche des Jeux du Commonwealth de l’été dernier, cette compétition l’a quand même stressé. 

Il va chercher à gagner davantage d’expérience cette année en se qualifiant pour les Championnats du monde aquatiques et les Jeux panaméricains. Pour y arriver, il travaille sur des plongeons plus complexes, qui représentent une tâche plus difficile pour lui en raison de sa grande taille.

Fofana adorerait faire partie de la nouvelle génération de plongeurs canadiens qui comble le vide laissé par les retraites de Meaghan Benfeito et Jennifer Abel. Cette dernière a pratiquement été une grande sœur pour lui. 

Pendant des années, Abel a été une des rares plongeuses de race noire sur la scène internationale. Bien que le manque de diversité au plongeon n’ait jamais été un très grand sujet de conversation à la maison, Fofana affirme que sa famille est fière de le voir représenter la communauté noire dans son sport. 

« Mon père dit souvent, ‘quand tu es sur le tremplin, on voit que tu es un Africain, que tu as des racines africaines’. Parce qu’il dit que les athlètes africains sont émotifs. Puis il dit, ‘Tu es vraiment très Africain parce que tu plonges avec émotion et ça paraît’. » 

L’été dernier, Fofana a rencontré ses grands-parents en personne pour la première fois de sa vie, en Côte d’Ivoire, une expérience qui lui a ouvert les yeux. Ce fut aussi un voyage qui lui a fait sentir une plus grande connexion que jamais à la culture qu’il représente.  

Joshua Liendo : Passer à la prochaine étape 

Seulement quelques mois après avoir participé à ses premiers Jeux olympiques, Liendo est devenu le premier nageur noir du Canada à remporter une médaille d’or et/ou une médaille individuelle à l’occasion d’une rencontre internationale de grande envergure. Il a réalisé le tout aux Championnats du monde en petit bassin en décembre 2021

À l’été 2022, il a réalisé ses objectifs.

  • ùùTrois nageurs avec leur médaille.
  • Joshua Liendo nage en style papillon.
  • Joshua Liendo tient une médaille d'or dans sa main et pose pour les photographes.

Liendo a remporté trois médailles aux Championnats du monde aquatiques en grand bassin, notamment le bronze au 100 m style libre et au 100 m papillon. Il s’était écoulé près de cinq décennies depuis qu’un Canadien avait accédé à un podium mondial dans cette dernière épreuve chez les hommes. Il a ensuite décroché quatre médailles aux Jeux du Commonwealth, où il a notamment obtenu l’or au 100 m papillon

« J’ai montré que j’étais capable, dans un moment important, d’atteindre la finale de ces épreuves. J’ai été capable d’afficher le niveau nécessaire et de faire ce que je suis censé faire », a indiqué Liendo. 

Sept années s’étaient écoulées depuis que le Canada avait remporté sa dernière médaille aux Championnats du monde dans une des épreuves masculines en natation. Entre-temps, l’équipe féminine est devenue une des plus compétitives au monde, étant menée par des nageuses telles que Penny Oleksiak et Kylie Masse. Bien qu’il n’ait que 20 ans, Liendo ne craint pas de devoir jouer le rôle d’instigateur au sein de l’équipe nationale masculine. 

« Les gars qui ont de l’expérience à l’échelle mondiale, je trouve que c’est notre travail d’amener les plus jeunes, ou de faire en sorte qu’un groupe de nageurs se mette ensemble et ait une mentalité où nous nous disons que nous sommes capables de remporter des médailles et que nous pouvons être tout aussi compétitifs, a dit Liendo. Nous sommes en pleine ascension, ce qui est formidable. » 

L’automne dernier, Liendo a quitté Toronto pour s’installer à Gainesville, en Floride, afin d’étudier à l’Université de la Floride. Il a décidé de se spécialiser en physiologie appliquée et en kinésiologie. Au cours de sa première année d’études, il a suivi quatre cours par session, un mélange de cours en classe et en ligne, alors qu’il a tenté de trouver le bon équilibre entre la vie d’étudiant et celle d’athlète.  

Bien qu’il ait dû renoncer au milieu d’entraînement de haut niveau qu’il y avait au Centre de haute performance de l’Ontario de Natation Canada, il a rejoint les rangs d’un autre programme de premier plan, mené par l’entraîneur-chef Anthony Nesty. Champion olympique du 100 m papillon aux Jeux de 1988, quand il représentait le Surinam, Nesty est alors devenu le premier nageur noir à remporter une médaille d’or olympique.  

L’expérience et le succès que Nesty a vécus en tant qu’athlète de haut niveau et comme entraîneur a été un facteur clé quand Liendo a décidé d’aller poursuivre son développement au sud de la frontière. Nesty et lui font tous deux partie de minorités dans un sport majoritairement blanc, ce qui leur a permis de tisser des liens particuliers. 

« Il a tout vu, a noté Liendo. Le fait d’avoir quelqu’un avec qui je peux avoir une relation du genre… Il comprend. Évidemment, nous en avons discuté et c’est bien de voir qu’il y a maintenant plus de nageurs noirs qui excellent dans notre sport. C’est formidable de voir plus de diversité en natation. » 

Plus jeune, Liendo regardait les épreuves de natation aux Jeux olympiques, mais il n’a jamais vu quelqu’un à qui il pouvait s’identifier. Il a plutôt été inspiré par des athlètes noirs qui pratiquaient d’autres sports, comme le joueur vedette de la NBA Allen Iverson. 

« J’adore regarder le talent et l’excellence », a-t-il affirmé. 

Maintenant qu’il peut être ce genre de représentant pour d’autres jeunes nageurs noirs, Liendo reconnaît qu’il a dû s’ajuster à ce titre. 

« Au début, j’étais comme, ‘Wow, les gens me considèrent comme un modèle maintenant’, ce que je trouvais un peu étrange d’une certaine façon… Maintenant, je suis reconnaissant d’avoir tout ce soutien, de voir tous ces gens qui trouvent que je suis un modèle et qui disent, ‘Vous savez, j’ai un enfant qui vous admire et maintenant il sait qu’il n’est pas seul’. C’est une grande sensation et c’est touchant de savoir que j’ai un tel statut », a-t-il dit, ajoutant que les messages positifs qu’il reçoit sur les réseaux sociaux le motivent encore plus. 

Ses partenaires d’entraînement en Floride le poussent à mieux faire, eux aussi, alors qu’il se prépare à vivre quelques mois fébriles. Il participera notamment aux Championnats de la NCAA, qui seront presque aussitôt suivis des essais canadiens, une compétition qui permettra de sélectionner l’équipe pour les Championnats du monde. 

« Il y a toujours quelqu’un qui fait quelque chose de formidable, qui est de niveau mondial dans ce qu’il fait. Il y a toujours quelqu’un à affronter et quelqu’un pour t’amener à repousser encore plus tes limites », a déclaré Liendo, faisant par ailleurs remarquer qu’il voit désormais son sport d’une autre façon. 

« Ce sont des choses précises qui s’améliorent, des détails. J’ai passé beaucoup de temps dans la salle de musculation ici… Je suis un peu surpris de voir à quel point j’ai encore beaucoup de choses à apprendre dans mon sport, mais en même temps c’est emballant de savoir qu’il y a des aspects que je peux encore améliorer. » 

Une chose est sûre, Liendo ne se repose pas sur ses lauriers.