Piper dans une robe rouge, Paul la soulève de la glace.THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson
THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson

Piper, Paul et Evita : Un programme de danse devenu réalité une décennie plus tard

Where do we go from here?

This isn’t where we intended to be

(Que fait-on maintenant?
Ce n’est pas à ça qu’on voulait en arriver )

Piper Gilles et Paul Poirier avaient tout prévu ce qui allait arriver la saison dernière.

En tant que médaillés de bronze des Championnats du monde, ils avaient publiquement fait savoir que leur but était d’accéder au podium olympique à Beijing 2022. Leur programme de danse libre au son de la musique de « The Long and Winding Road » pouvait être considéré comme leurs adieux au patinage artistique de compétition, une célébration du parcours qui leur avait permis de devenir une des meilleures équipes de danse sur glace au monde.

Mais les choses ne se sont pas déroulées selon les plans. À des Jeux hors norme, sans spectateurs en raison de la COVID-19, s’ajoute le fait qu’ils n’ont pas livré les performances dont ils se savaient capables et ont dû se contenter de la septième place. Ils ont ensuite été incapables de fouler le podium aux Mondiaux quelques semaines plus tard, terminant alors au cinquième rang.  

Leur rêve d’accrocher leurs patins après avoir atteint tous les objectifs qu’ils avaient établis ne s’était pas matérialisé. Ce qui les a déstabilisés, au point de ne plus savoir qu’elle était la prochaine étape à suivre.

Certainties disappear

What do we do for our dream to survive?

How do we keep all our passions alive,

As we used to do?

( Les certitudes disparaissent
Que fait-on pour que notre rêve survive?
Comment conserve-t-on toutes nos passions
Aussi vives qu’avant? )

Piper Gilles et Paul Poirier à genoux sur la glace.
Les Canadiens Piper Gilles et Paul Poirier pendant leur danse libre de la compétition de danse sur glace aux Internationaux de Patinage Canada à Mississauga, Ont., le samedi 29 octobre 2022. THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson

Comme ils le font chaque printemps, ils ont participé à la tournée nationale Étoiles sur glace.

« Nous avions un plaisir fou à offrir des performances pour les gens. Cela nous a donné le goût de peut-être recommencer à patiner, mais même le simple fait d’en parler a été très difficile parce que nous étions tellement dans le registre, ‘Je ne sais pas, suis-je prête, suis-je capable de le faire encore?’, raconte Gilles. Je pense que les moments où nous avons fait de la création pour la tournée des Étoiles, les moments que nous avons passés avec la distribution, nous avons réalisé que nous adorons vraiment ça et qu’il y avait la possibilité que nous puissions continuer à adorer ça. Il s’agissait de prendre le temps de réinitialiser, d’être humains, pour ensuite revenir et voir si nous voulions le faire. »

Après une pause de six semaines loin de la patinoire — la plus longue qu’ils ne s’étaient jamais accordée — leurs entraîneurs ont commencé à leur demander s’ils allaient revenir. Gilles et Poirier en avaient seulement parlé entre eux dans les jours précédents.

« D’habitude, en janvier, nous avons des idées de musique en vue de la saison suivante, si bien qu’au moment de commencer, nous savons ce que nous faisons, nous avons un plan, a indiqué Poirier. Nous sommes retournés sur la glace à la deuxième semaine de juillet et, en quelque sorte, nous nous sommes présentés les mains vides, rien n’avait été organisé, il n’y avait pas de plan, pas d’idées de musique. Nous n’en avions pas parlé du tout. Nous nous sommes permis de juste patiner au cours de cette première semaine-là. »

En décidant d’adopter une approche nouvelle — une approche qui n’était pas tant axée sur les Jeux olympiques qui allaient suivre dans quatre ans, mais plutôt sur le désir de savourer le moment présent —, ils ont décidé que le moment était venu d’incarner les personnages d’Eva Peron et du Che sur la glace.

Piper Gilles s'accroche à Paul Poirier.
Les Canadiens Piper Gilles et Paul Poirier pendant leur danse libre de la compétition de danse sur glace aux Internationaux de Patinage Canada à Mississauga, Ont., le samedi 29 octobre 2022. THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson

Dès les premiers moments où ils ont commencé à patiner ensemble, il y a un peu plus d’une décennie, ils avaient évoqué plusieurs fois la possibilité de patiner au son de la musique d’Evita. La comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber et du parolier Tim Rice raconte l’histoire de l’ancienne première dame d’Argentine, qui était d’origine modeste, mais était devenue actrice avant de rencontrer et d’épouser le colonel Juan Peron, l’homme qui a ensuite été élu président du pays en 1946. Tout au long du spectacle, le personnage fictif du Che agit comme narrateur et guide intérieur pour Eva.

« On dirait que ce n’était jamais le bon moment, estime Poirier à propos de cette longue gestation avant de mettre Evita en vitrine. Nous avons commencé à travailler avec un montage musical pendant la saison 2020-2021, la première saison de la pandémie et puis, à mesure que notre temps de préparation diminuait, nous avons jugé qu’il n’y avait pas assez de temps pour développer ce programme-là de la façon qu’il fallait le faire pour que ce soit convaincant et pour lui rendre justice. Alors, il a fallu remettre ça sur les tablettes pendant un petit bout de temps encore. »

Étant donné qu’ils sont retournés sur la glace un peu tardivement l’été dernier, le temps pressait alors que la saison suivante allait bientôt commencer. Bien qu’il n’était pas question de précipiter les choses, ils ont dû finir par prendre une décision à propos de la musique à utiliser. Ils ont fini par se mettre d’accord sur cette œuvre qu’ils avaient toujours eue à l’esprit au fil des ans.

« L’histoire d’Evita, en fait, c’est Eva qui essaie de trouver sa voie et de déterminer ce qu’elle va faire, qui elle va devenir et quels principes elle va défendre », affirme Poirier, en faisant remarquer qu’à peu près tous les patineurs artistiques doivent faire la même chose au fil de leurs carrières. « Alors, bien que ce soit l’histoire d’Evita et que nous dépeignions l’histoire de ces personnages, il y a peu de nous là-dedans aussi. »

Il y a de nombreuses chansons marquantes dans la comédie musicale — notamment l’emblématique « Don’t Cry For Me Argentina », qu’ils utilisent en conclusion de leur programme libre. Cependant, ils ont aussi tenu à choisir la chanson « You Must Love Me », qui a été écrite pour le film qui met en vedette Madonna et dont les paroles sont très émouvantes.

« Nous voulions vraiment commencer par cette chanson-là parce que ça donnait le ton pour le programme, ça donnait le ton pour l’état dans lequel nous nous trouvions au moment où nous avons créé ce programme, a affirmé Poirier. Quand tu racontes une histoire, il y a l’histoire que tu racontes, mais il y a aussi la façon dont les gens peuvent s’identifier à cette histoire. »

Étant donné que rien n’avait été fixé à l’avance quand ils ont commencé à se préparer pour la saison actuelle, ils ont pu jouer avec les différentes composantes de leur chorégraphie au moment de l’élaborer, en étant créatifs d’une façon différente. Les niveaux de difficulté des différents éléments de leur programme ne représentaient pas leur seule priorité au moment de créer. Ils ne ressentaient pas non plus la pression du temps comme cela avait été le cas dans le passé.

« Nous ne nous sentions pas obligés d’être entièrement prêts pour le camp de haute performance (au début du mois de septembre). Nous savions que nous n’allions pas participer à une compétition de la série Challenger. Je pense que nous avions même prévu la possibilité de ne pas être prêts pour la série du Grand Prix si les programmes ne donnaient pas les résultats escomptés. Nous voulions vraiment prendre le temps qu’il fallait pour s’assurer que tout soit comme nous le voulions », a indiqué Poirier.

« Nous savions, quand nous avons commencé à chorégraphier ce programme, que ça allait être quelque chose de spécial », a dit Gilles, ajoutant qu’à certains moments, elle avait l’impression que le programme se chorégraphiait tout seul. « Le moment venait; il s’agissait juste d’essayer de créer ces moments. Je pense que ça nous a donné la confiance nécessaire à l’approche de notre première compétition. Nous nous sommes reposés, nous sommes mentalement solides, tout est comme il faut que ce soit. »

Paul Poirier et Piper Gilles posent avec leur médaille d'or
Les médaillés d’or en danse sur glace du Canada Piper Gilles et Paul Poirier ont mis le paquet lors des cérémonies de remise des prix aux Internationaux Patinage Canada à Mississauga, en Ontario, le samedi 29 octobre 2022. THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson

La première présentation d’Evita n’aurait pu mieux se dérouler. Sans avoir eu l’occasion de recevoir les commentaires préliminaires des juges à l’occasion de compétitions précédentes, ils ont remporté haut la main la médaille d’or aux Internationaux Patinage Canada. La seule chose qu’ils veulent maintenant, c’est de continuer à captiver les gens.

All you have to do is look at me to know

That every word is true

( Tout ce que tu dois faire est de me regarder pour savoir
Que chaque mot (que j’ai dit) est vrai )