Un trio talentueux d’amies et coéquipières prêt à disputer les Mondiaux de luge à domicile
En regardant les Jeux olympiques d’hiver, nombreux sont ceux qui se tournent vers leur voisin de divan en demandant : « Pourquoi ça t’intéresse de suivre ce sport? »
Souvent, il s’agit d’un sport que nous n’avons jamais vu de près—comme la luge, où les athlètes glissent pieds devant sur un traîneau, dévalant une piste glacée à plus de 140 km/h.
Puisque les Jeux de Vancouver 2010 nous ont notamment laissé en héritage le Centre des sports de glisse de Whistler, les Canadiens sont en mesure de comprendre comment un sport comme la luge peut gagner des adeptes.
Dans le cas de Trinity Ellis, qui a maintenant 22 ans et a grandi tout près à Pemberton, c’est une sortie scolaire au Centre de glisse de Whistler qui lui a permis de découvrir ce sport. Elle a tout de suite adoré : « Je n’ai juste jamais arrêté d’y retourner ».
Pour Embyr Lee Susko, 19 ans, qui vit à Whistler, la luge a commencé à faire partie de sa vie plus tôt encore.
« J’ai commencé à en faire à l’âge de six ans, à l’occasion d’une sortie des Louveteaux. Mes deux frères l’ont fait en même temps et j’ai toujours trouvé que tout ce qu’ils faisaient était amusant. Alors j’ai pensé que pour être plaisant moi aussi, il fallait que je fasse de la luge. J’ai fini par aimer ce sport, à force d’en faire durant ma jeunesse ».
Une autre résidente de Whistler, Caitlin Nash, 21 ans, a elle aussi commencé à pratiquer ce sport à cause des frères de Susko : « Il y a eu une soirée de recrutement d’amis et de membres de la famille, et j’y suis allée avec mon père. J’ai fait une descente et j’ai tout de suite été accrochée ».

Ellis, Susko et Nash sont maintenant parmi les meilleures lugeuses au Canada. Elles avaient toutes les trois moins de 10 ans quand les Jeux olympiques ont eu lieu en ville. Maintenant, elles incarnent parfaitement l’héritage laissé par ces Jeux-là. La piste de Whistler a non seulement favorisé leur parcours sportif jusqu’ici, elle a aussi été le tremplin pour les profonds liens d’amitié qu’il y a entre elles.
Olympique.ca s’est entretenu avec les trois au moment où elles étaient à Winterberg, en Allemagne, pour une étape de la Coupe du monde de la FIL. Elles se sont toutes les trois installées devant un ordinateur portable dans une chambre d’hôtel. Derrière elles se trouvait la représentation en peinture d’un énorme vélo, un fait insolite qu’elles [et aussi la personne qui conduisait l’entretien] trouvaient extrêmement drôle dans le contexte d’une entrevue qui portait sur un sport très différent.
Il s’agit d’une saison particulièrement spéciale pour ces trois athlètes, non seulement parce que nous ne sommes plus qu’à un an des prochains Jeux olympiques, mais aussi parce que cette année, les Championnats du monde de la FIL seront disputés chez elles, sur la piste de Whistler.
« Je dirais que nous trois, pour cette génération d’athlètes — la première issue de Whistler — nous sommes probablement celles qui ont fait le plus de descentes à vie sur la piste de Whistler », a noté Nash.
Selon Ellis, le fait que cette piste leur soit particulièrement familière leur donnera d’autant plus confiance aux Championnats du monde.
« Quand tu participes à une compétition à la maison, la pression et les attentes sont encore plus élevées. Alors c’est une bonne chose de pouvoir aller puiser dans ce niveau de confiance supplémentaire. Nous connaissons toutes cette piste dans ses moindres détails. C’est une question de mémoire musculaire à ce stade-ci ».
À l’issue des sept premières étapes de la saison de la Coupe du monde, Nash occupe la 21e place au classement de l’épreuve individuelle féminine tandis qu’Ellis se trouve un rang plus loin. Susko a rejoint les deux femmes qu’elle considère maintenant comme de grandes sœurs en vue des trois plus récentes courses à l’horaire après avoir évolué au sein du circuit junior. Elle complétera maintenant la saison avec l’équipe senior.

Bien que la luge ait occupé une place importante dans leurs vies, ça reste un sport qui est parfois mal compris. Nash, Susko et Ellis sont toutes d’accord pour dire que l’idée reçue la plus répandue sur la luge est que tu ne fais que t’étendre et laisser la force gravitationnelle effectuer le travail — ce qui n’est absolument pas le cas.
« C’est vrai qu’on a l’impression que tu restes tout simplement couchée, a reconnu Ellis. Mais ça prend tellement de précision et de finesse pour piloter et ça, les gens n’en sont pas conscients ».
Quand les athlètes disputent une course, ils dirigent leur traîneau en transférant leur poids corporel ainsi qu’en pressant les patins de la luge avec les pieds. En dévalant le virage relevé d’une piste, les athlètes peuvent ressentir une force de traction qui équivaut à cinq fois la force gravitationnelle.
« J’aime dire que si on a l’impression que la personne ne fait rien, alors cette personne est très bonne », a lancé Nash en éclatant de rire.
Malgré leur jeune âge, les trois jeunes femmes affichent déjà une sagesse qui trouvera sans doute un écho chez les athlètes de tous les sports : il y a un avantage à garder les choses simples, à éprouver du plaisir et à reconnaître le fait que le travail qu’on a investi pour réussir jusqu’ici est tout aussi important que de rêver à des objectifs futurs.
« Je trouve que chaque weekend, la luge m’enseigne qu’en faire plus, ce n’est pas toujours synonyme de mieux. Il s’agit d’apprendre à maîtriser la base et à avoir confiance que tu pourras bien mettre à exécution les éléments que tu as appris, sans chercher à en faire trop — d’ailleurs, c’est là quelque chose qu’on peut appliquer à bien des entraves qu’il y a dans ma vie », a souligné Nash.

Nash a écrit une page d’histoire à la luge en 2019 quand Natalie Corless et elle sont devenues les premières femmes à disputer une course de double à la Coupe du monde. À l’époque, l’épreuve de double était ouverte aux deux sexes, mais seuls des hommes y avaient participé jusque-là.
Susko affirme que cette réalisation de Nash et Corless a été son moment favori en tant que partisane de luge, et que ce moment a été une source d’inspiration. C’est là une affirmation qui a amené Nash à avoir les larmes aux yeux devant l’écran, donnant lieu à un moment touchant sous l’œil bienveillant de la représentation du vélo qui se trouvait au mur.
Susko, qui a remporté une médaille d’argent aux Championnats du monde juniors 2024, a appris à avoir la même joie de vivre que l’enfant de six ans qui a commencé à faire de la luge.
« Je trouve que c’est facile de se laisser emporter par le tourbillon des courses et des entraînements, mais quand tu es dans le moment présent, tu ne dois pas oublier de savourer chacun des moments que tu vis, que c’est pour ça que tu as fait tout ce travail. J’ai eu beaucoup de plaisir cette saison et, pour être bien honnête, c’était un de mes objectifs — de faire tout ça le cœur léger, parce que c’est trop facile de t’apitoyer sur ton sort ».
Pour Ellis, il s’agit de se souvenir d’apprécier ce qu’elle a déjà accompli au moment de penser à ses objectifs pour le futur. Elle a participé à ses premiers Jeux olympiques à Beijing en 2022, où elle a été la meilleure Canadienne dans l’épreuve individuelle chez les femmes en vertu d’une 14e place. Ellis a aussi fait partie de la formation du relais canadien qui a fini sixième. En 2024, elle a pris la cinquième place aux Championnats du monde U23.
« Je suis encore très jeune dans le contexte du monde de la luge, je pense que je vais bientôt en être à ma sixième saison en Coupe du monde, c’est fou. C’est quand même plaisant de pouvoir regarder en arrière et de réaliser ce que j’ai été en mesure d’accomplir à un très jeune âge. J’ai essayé de puiser dans ce niveau de confiance que j’ai accumulé ces dernières années, en me disant que je suis capable d’en faire plus qu’on pourrait bien le penser, et en m’inspirant de ces preuves de succès du passé ».
Elles incarnent l’héritage des Jeux olympiques de Vancouver 2010, mais Nash, Susko et Ellis sont aussi celles qui ouvrent la voie sur la piste pour la prochaine génération de lugeurs et lugeuses, en leur montrant que les succès sportifs représentent quelque chose de formidable, mais que c’est encore mieux de chérir les liens que tu tisses en cours de route.
Ou, comme Nash le dit : « Ce sont des liens d’amitié qui vont durer toute une vie ».
En rafale avec Trinity, Embyr et Caitlin
O.ca : Avez-vous des rituels ou des routines d’avant-course?
Embyr : Je mets mon gant droit puis mon gant gauche et ensuite, je mets mon bidule pour le pouce gauche et je remonte la fermeture éclair, puis je mets mon bidule pour le pouce droit et je remonte la fermeture éclair. C’est là quelque chose d’immanquable comme routine.
Caitlin : Quand on regarde vers elle, on la voit qui trace un ‘L’ (pour ‘left’) pour vérifier sa gauche et sa droite! Dans mon cas, j’ai dû mettre fin à mes superstitions… c’était rendu hors de contrôle. En fait, ma superstition, c’est de ne pas avoir de superstition.
Trinity : J’ai ma routine pour l’échauffement et tout ça, mais c’est tout.
Caitlin : OK, il y en a une qui m’est venue à l’esprit. Ce n’est pas avant une course, mais pour la saison. Nous avons une visière et nous mettons du shampooing dessus pour éviter qu’elle soit embuée. Je suis d’avis qu’il ne faut jamais laver sa visière. Tu ne peux pas la rincer, parce ce que ça va enlever toute l’expérience qui s’y est imprégnée.
Embyr : J’ai la même optique pour ce qui est de laver les combinaisons. D’habitude, je lave ma combinaison à la fin de la saison seulement, parce que je crains que les connaissances acquises partent au lavage.
O.ca : Quel(le) athlète admirez-vous?
Embyr : Marielle Thompson. Je l’admire depuis un bon moment. Maintenant, je m’entraîne en gymnase avec elle, alors c’est vraiment spécial.
Caitlin : Moi, c’est la même réponse qu’Embyr. C’est Marielle. Je l’ai toujours admirée et, en plus, c’est une athlète locale. Son père enseignait à notre école secondaire et elle est aussi impliquée dans la communauté. J’avais mentionné Marielle dans une entrevue l’an dernier et j’ai affiché cette entrevue [sur Instagram]. Je n’avais pas réalisé qu’on pouvait m’entendre dire que Marielle était mon athlète favorite et elle a répondu à mon affichage en écrivant, « Un instant, tu as vraiment mentionné mon nom? »
[Salutations à Marielle Thompson si tu lis ceci!]
Trinity : Dans mon cas, c’est aussi une athlète en ski cross, Brittany Phelan. J’imagine que dans notre cas, étant donné que ce sont des athlètes de Whistler, nous avons grandi en les suivant de près. Il n’y a pas vraiment de lugeurs ou de lugeuses d’ici que nous pouvons admirer.
O.ca : C’est toutefois vous qui serez les athlètes que les autres pourront admirer! Quel est votre endroit favori pour disputer une course?
Trinity : Mon endroit favori pour les courses est Whistler, chez moi. Ma piste favorite est celle du Königssee, qui n’était plus fonctionnelle, mais sera de retour.
Embyr : Ma piste favorite est celle de Whistler. Mon endroit favori pour disputer des courses est La Plagne, dans les Alpes françaises.
Caitlin : Ma piste favorite est celle de Königssee, comme Trin. Mon endroit préféré est Oberhof. Il y a deux ans, nous étions là pour les Championnats du monde et la foule qui s’était présentée ne ressemblait en rien à ce que j’avais vu auparavant. Les gens étaient serrés les uns sur les autres d’un bout à l’autre de la piste. C’était vraiment spécial de voir un tel niveau de soutien et d’aussi fervents partisans. En plus, ils ont des saucisses bratwurst.
Vous pouvez vous procurer des billets pour regarder Trinity Ellis, Caitlin Nash, Embyr Lee Susko et le reste d’Équipe Canada compétitionner en personne aux Championnats du monde de la FIL 2025 qui se dérouleront du 6 au 8 février à Whistler, en Colombie-Britannique.