« Il faut tout un village » : Cassie Sharpe, médaillée olympique, de retour à la compétition après être devenue maman
Le parcours de la skieuse acrobatique Cassie Sharpe est marqué par de nombreuses réussites. En plus de ses deux médailles olympiques en ski demi-lune féminin, dont l’or à PyeongChang 2018 et l’argent à Beijing 2022, son palmarès inclut cinq médailles aux X-Games et deux médailles de Championnats du monde.
En août 2023, Sharpe a franchi une étape importante aux côtés de son conjoint Justin Dorey, qui est aussi un athlète olympique, en donnant naissance à leur fille Lou. Lorsqu’elle a appris qu’elle était enceinte, elle a d’abord pensé que la retraite était inévitable. Cependant, plus elle y réfléchissait, plus elle réalisait que la compétition n’était pas encore terminée pour elle.
Après deux saisons loin de la compétition, Sharpe a effectué son retour à la demi-lune en septembre dernier lors de la Coupe du monde de la FIS à Cardrona, en Nouvelle-Zélande. Elle a ainsi rejoint de plus en plus d’athlètes canadiennes qui font leur retour au sport de haut niveau après la maternité.
Olympique.ca a rencontré Sharpe pour discuter de son retour à la compétition, de l’intégration de Lou dans son horaire d’entraînement et de voyage, ainsi que de ses attentes pour Équipe Canada cette saison.
Comment as-tu vécu ton retour à la compétition ?
Quand je suis tombée enceinte, je me suis dit « voilà, c’est la fin ». À ce moment-là, il n’y avait aucune chance qu’un tel scénario [le retour à la compétition] puisse se produire. Je me disais : « Je ne peux pas faire ça. Je ne suis pas une superhéroïne. »
J’ai toutefois continué à regarder des compétitions et je me suis dit : « Oh, peut-être que je n’en ai pas fini. J’ai peut-être envie de continuer. »
Mon retour a été un peu chaotique. Je suis arrivée à la compétition en me disant : « Je veux simplement réussir une descente et me rendre en finale. » Puis je me suis mis en mode compétition et je me suis dit : « Non, c’est le moment de tout donner. Je fonce. »
Pendant la compétition, j’ai toutefois dû faire face à certains défis à l’extérieur de la piste. Il y avait beaucoup de cas d’influenza en Nouvelle-Zélande et Lou est tombée malade avant la compétition, si bien qu’elle a dû être hospitalisée la veille des qualifications. De mon côté, je combattais une infection aux poumons et de la fièvre. Il y avait donc plusieurs obstacles qui se présentaient à la fois.
Je n’ai pas très bien réussi ma première descente, mais quand je suis arrivée en bas, toute la foule s’est mise à crier même si j’avais raté ma descente. À ce moment-là, je me suis dit : « Whoa, je suis vraiment en train de le faire ! » C’était vraiment agréable.
C’est beaucoup de choses à gérer pour un retour à la compétition.
Définitivement. Honnêtement, c’était un de ces moments où il y a tellement de choses que tu ne peux pas contrôler et où tu dois simplement faire de ton mieux.
On voit de plus en plus de femmes dans différents sports reprendre la compétition de haut niveau après avoir donné naissance à des enfants, mais ce processus n’est pas sans poser d’immenses défis. Peux-tu nous parler un peu de ton retour à l’entraînement ?
Quand on dit qu’il faut vraiment tout un village… C’est énormément de travail et de temps. Je suis très reconnaissante d’avoir un entraîneur qui me soutient de cette manière et qui prend aussi le temps de s’occuper de ma fille. Quand elle était toute petite, on avait installé son sautoir sur l’un des supports à squat. Pendant que je m’entraînais, elle sautait.
Nous trouvons donc différents moyens d’y arriver, mais cela exige beaucoup plus de planification. Comme tous les parents le savent, avant d’avoir un enfant, on suit son propre programme, on fait ce qu’on veut. Puis tout d’un coup, on se dit : « Bon, je veux faire telle chose, mais il va me falloir 20 minutes de plus pour y arriver parce que je dois lui mettre ses chaussures. Oh, il faut changer sa couche. Oh, elle a faim ».
J’aime bien l’image de Lou faisant sa propre séance d’entraînement dans son sautoir. J’ai l’impression que c’est un peu l’équivalent d’un appareil de cardio pour bébés.
Oui, exactement. Je me disais : « Tu sais quoi ? Elle peut aussi dépenser de l’énergie ! » Et puis, dès qu’on rentrait à la maison, elle s’endormait à tout coup.
Le fait d’être devenue maman a-t-il changé ton attitude à l’égard du sport et de la compétition d’une manière ou d’une autre ?
Quand je réfléchis à ce que je fais, je pense que la chose la plus importante est que j’évalue les risques différemment. Je ne m’attendais pas vraiment à ce changement. Ce n’était pas ce qui me préoccupait le plus en revenant au ski, mais j’ai définitivement changé ma façon de penser à la prise de risques et au fait d’être dans la demi-lune. Si je me blesse, j’ai encore un enfant dont je dois m’occuper. Cet élément ne change pas.
C’est comme si cela ajoutait — je ne dirais pas un poids sur mes épaules — mais plutôt une prise de conscience d’avoir un enfant qui a besoin de moi. J’ai bien l’intention de participer à nouveau aux Jeux olympiques et, bien sûr, d’être à mon meilleur à ce moment. Je veux aussi être capable de me montrer indulgente si quelque chose ne va pas, de ne pas ressentir l’obligation de pousser au-delà de mes limites, alors qu’auparavant, j’étais toujours dans une dynamique de « go, go, go », avec l’idée qu’il fallait tout faire rapidement et parfaitement.
Je ferai tout du mieux que je peux, mais je pense que cela change ma perspective sur les étapes qui me permettront d’être au sommet de ma forme.
Changeons un peu de sujet. Qu’est-ce qui te rend fébrile quand tu penses à cette prochaine saison ?
Une année de qualification olympique est toujours l’une des plus stressantes, mais après avoir passé deux ans à la maison, j’ai pris l’habitude d’avoir ma routine. J’ai donc hâte de voyager et de retourner dans mes endroits préférés. J’aime ce que mon sport me permet de faire.
Le fait que ma mère puisse m’accompagner partout pour m’aider à m’occuper de mon enfant présente quelques inconvénients, mais il y a aussi beaucoup de belles choses dans cette complicité. Ça fait 10 ans que je vais à Wanaka (Nouvelle-Zélande) pour m’entraîner, mais c’est la première fois que ma mère vient avec moi pour m’aider avec Lou et tout le reste. C’était la première fois qu’elle mettait les pieds en Australie et en Nouvelle-Zélande. J’ai pu lui montrer mes endroits préférés, la ville et les endroits où j’ai passé tout ce temps.
Il y a donc des moments vraiment plaisants, qui sont vraiment, vraiment spéciales. C’est donc quelque chose que j’attends avec impatience et que je veux faire vivre à Lou, bien sûr! Elle arrive à un âge où elle commence à être vraiment amusante. Elle voit des choses, elle est excitée par des choses et elle commence à dire des mots. C’est vraiment plaisant.
Comment perçois-tu la force de l’équipe canadienne dans son ensemble à l’approche de cette saison ?
Je confirme… c’est un très haut niveau. En Nouvelle-Zélande, Rachael [Karker] est montée sur le podium, Brendan [Mackay] est monté sur le podium, et un autre de mes coéquipiers, Andrew Longino, a très bien fait en montant sur le podium pour la première fois de sa carrière. Nous avons donc amorcé l’année avec d’excellentes performances. Je pense que le slopestyle devrait aussi exceller. Je fais de la musculation avec un groupe de filles de l’équipe de ski de bosses et elles sont en forme, fortes et prêtes pour la saison.
Questions en rafales avec Cassie Sharpe
Ton meilleur souvenir de ski ?
J’essaie de penser à autre chose que « gagner les Jeux olympiques ». Je dirais toutefois que c’est la seule réponse qui me vient en tête…
Quel(le) athlète admires-tu ?
C’est une réponse classique, mais je dirais Sarah Burke. Elle a été une pionnière pour notre sport et elle s’est vraiment battue pour nous. Je pense qu’elle est l’une des principales raisons pour lesquelles notre sport est aux Jeux olympiques depuis toutes ces années. Si je pense aux athlètes sur le circuit actuellement, je dirais [le skieur acrobatique américain] Alex Ferreira. Il a une éthique de travail incroyable et il est super talentueux. J’aspire à avoir autant de motivation que lui.
Si tu n’avais pas été athlète olympique dans ton sport, quel autre sport aurais-tu aimé pratiquer ?
Le tennis de table ou la gymnastique rythmique !
Tu m’as demandé ce que je voudrais faire, mais je répondrais aussi à une autre question amusante. Dans quel sport vais-je inscrire Lou ?
J’y ai déjà réfléchi longuement et je crois que je vais l’inscrire à l’escrime. D’abord, j’ai choisi l’escrime parce que je trouverais ça amusant de voir un tout petit enfant pratiquer l’escrime. Ensuite, j’ai vu le Canada obtenir sa première médaille en escrime cette année, alors je me suis dit : « Ça m’inspire! » Il me semble que c’est quelque chose que nous devrions essayer.