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Quand l’été appelle l’hiver

Malgré les jours ensoleillés de juin, c’est déjà l’hiver pour ceux qui cherchent à être les meilleurs au monde. Un athlète ne vit pas au rythme des saisons, mais bien au rythme de ses cycles d’entraînement, et l’été n’est rien de plus qu’une série de cases sur le calendrier.

« On est toujours à la recherche de neige », affirme Jan Hudec, l’un des membres fondateurs des Cowboys Canadiens et vice-champion mondial en ski alpin.

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Jan Hudec. Photo : La Presse Canadienne

Pour plusieurs d’entre nous, l’été est synonyme de prendre un verre sur la terrasse avec des amis. Pour les athlètes comme Hudec, il s’agit plutôt d’être créatif, ou de passer à autre chose. Par exemple, la saison de Coupe du monde de ski alpin commence au mois d’octobre, et la dernière course se déroule au mois de mars, ce qui veut dire environ six mois de compétitions chaque année.

Et ça, c’est seulement les compétitions.

Le reste de l’année (la saison morte) constitue la période pendant laquelle les athlètes se plient à l’entraînement foncier requis afin de préparer leur corps pour les rigueurs exigées par la préparation olympique. Ceci veut dire trouver le bon endroit ou le bon moyen pour pouvoir accomplir du travail de qualité.

« Quelques semaines ici et là sont mes seuls répits de l’hiver », ajoute Hudec. « Même en été, on est à courir après la neige en Amérique du Sud, en Suisse ou sur les glaciers… En ce qui me concerne, c’est toujours l’hiver. »

Cette manière de faire constitue le lot de tout athlète qui vise les honneurs, peu importe la saison. Le médaillé d’or olympique Simon Whitfield, porte-drapeau du Canada aux Jeux de 2012 à Londres et olympien à quatre reprises, dit de cette période que c’est celle où il « fend du bois et charrie de l’eau »… c’est-à-dire qu’il s’échine au travail et qu’il doit oublier ses amis qui se la coulent douce sur une terrasse.

« Il faut faire beaucoup de sacrifices », a déclaré le double médaillé olympique en natation, Ryan Cochrane, alors qu’il se préparait pour Londres. Au début de l’année olympique, il nageait de 80 à 100 km par semaine en piscine. « Il faut sacrifier beaucoup de sa vie sociale, mais aussi le côté académique. Mais ce sont les milliers et les milliers de kilomètres que l’on nage qui nous inculquent le rythme… c’est un feeling extraordinaire de savoir que son corps a surmonté tant d’obstacles et que l’on s’est transformé pour le mieux. »

C’est un état d’esprit qui ne connaît pas de saison.

« Notre vie se passe dans la neige. L’hiver, c’est notre réalité. »

« C’est un très gros contrat. Mais il s’agit des Jeux olympiques, et à ce niveau, il est possible de voir des choses extraordinaires chez tous les athlètes, quels qu’ils soient. Et c’est ce que j’attends de moi. Ça va être douloureux, mais si tu veux gagner une médaille olympique, c’est ça que ça prend », ajoute Cochrane avec conviction.

Quel que soit le sport, s’entraîner en vue des Jeux signifie être au travail toute l’année, où que vous soyez et quelle que soit la température. Pour certains, cela veut dire avoir l’environnement compétitif à portée de main : sauna, tapis roulant, rouleau de vélo, trampoline ou l’omniprésent aréna, par exemple.

Pour l’étoile montante en ski acrobatique, le sauteur Travis Gerrits, de Milton, en Ontario, déjà titulaire d’un titre de vice-champion mondial, c’est l’eau. Il est tellement concentré sur le travail à accomplir, qu’il suit sa routine quotidienne, quelles que soient les circonstances, et comme tout vrai Canadien, il n’hésitera pas à grelotter s’il le faut.

Durant l’été, il pratique ses sauts sur une rampe d’eau près de la ville de Québec, et il continue tout l’automne, jusqu’à ce qu’il se réveille un matin avec du givre sur son auto, une couche de glace sur la rampe de saut et de l’eau glacée dans la piscine.

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Certes, la température change, mais pas l’état d’esprit.

Les sports de glisse connaissent également peu de répit pendant les mois d’été. Malgré les incroyables installations que l’on retrouve au Canada, il est difficile de faire une piste de glace en plein milieu du mois de juillet. Il faut donc innover.

« Nous passons beaucoup de temps durant l’été à nous entraîner sur glace, mais à l’horizontale », explique le lugeur olympique Sam Edney, double médaillé aux Championnats du monde. « En fait, nous pratiquons toutes les phases du départ sur la glace, mais à l’horizontale, ce qui nous permet de nous concentrer totalement sur notre technique, sans avoir à se préoccuper de la descente comme sur une vraie piste de luge. Nous faisons des blocs d’entraînement où nous sommes sur une glace horizontale, et nous visons essentiellement à parfaire tous les aspects techniques du départ. »

Les Canadiens ont la chance de pouvoir jouir de quatre saisons. Nous sortons les meubles de patio au mois de mai, endossons nos manteaux d’hiver à l’Halloween et devons souvent porter des sous-vêtements longs en février. Durant les mois d’été, on se croirait dans les Tropiques.

Pour les athlètes canadiens, il n’y a que deux saisons : celle des compétitions et celle de l’entraînement. Dans moins de neuf mois, lorsque les athlètes canadiens et leurs partisans vibreront ensemble au cœur de l’hiver russe, nous célébrerons la température et l’état d’esprit qui habite nos athlètes… tout au long de l’année.

« Notre vie se passe dans la neige », dit le Cowboy Canadien Manny Osborne-Paradis, neuf fois médaillé en Coupe du monde et double olympien. « L’hiver, c’est notre réalité. »

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