La plongeuse Margo Erlam a toujours choisi de foncer tête première face aux défis
Pendant cinq années, les parents de Margo Erlam ont douté de leur décision de laisser leur fille de 16 ans quitter la maison pour se consacrer au plongeon de haut niveau. La réalisation de son rêve en valait-il à ce point la peine qu’elle doive s’éloigner autant de sa famille? Allaient-ils tous le regretter un jour?
Au mois de mai dernier à l’occasion des Essais canadiens de plongeon tenus à Windsor, en Ontario, ces doutes se sont dissipés alors qu’Erlam a remporté l’or au tremplin de 3 m féminin, s’imposant notamment devant l’athlète de deux Jeux olympiques et multiple médaillée des Championnats du monde Pamela Ware, pour ainsi obtenir sa nomination au sein d’Équipe Canada en vue des Jeux olympiques de Paris 2024.
Erlam a commencé à faire du plongeon à l’âge de quatre ans, alors qu’elle a cherché à imiter sa soeur aînée Martine, celle-ci ayant attrapé la piqûre du plongeon au moment de suivre des cours de natation.
« J’ai commencé à aller au cours de ma soeur avec elle. Ensuite j’ai tout simplement réalisé que j’adorais me retrouver dans l’eau et sauter du tremplin. C’est là que mon histoire d’amour avec le plongeon a commencé », raconte Erlam.
Martine et Margo avaient toutes deux en elles une des qualités qu’il est primordial d’avoir au départ quand on fait du plongeon : l’absence de peur.
« Je n’avais aucune crainte et je ne pensais pas du tout aux conséquences possibles, lance Erlam en riant. Nous adorions l’adrénaline toutes les deux. Nous avons grandi au Montana en faisant du bateau et de la randonnée pédestre chaque été. Nous adorions toutes les deux aller au lac, faire du wakeboard et du ski nautique, et aussi faire du ski alpin. Nous avons grandi en pratiquant des sports qui offrent une bonne dose d’adrénaline. »
L’intrépide petite fille de quatre ans qui aimait plonger tête première dans tout ce qu’elle entreprenait a graduellement monté les échelons et a éventuellement commencé à disputer des compétitions à l’échelle provinciale. C’est quand Erlam a vu sa bonne amie Caeli McKay être retenue au sein de l’équipe nationale junior pour la première fois, et donc porter la feuille d’érable, qu’Erlam a réalisé qu’elle voulait elle aussi faire partie d’Équipe Canada.
Ce qui a mené à la décision de quitter sa ville d’origine de Calgary et d’aller s’installer à Saskatoon, où elle allait pouvoir s’entraîner avec l’athlète olympique devenue entraîneure Mary Carroll.
« Mes parents n’étaient pas très heureux de la situation, mais ils étaient prêts à en faire l’essai », explique Erlam.
Elle a d’abord été hébergée par la famille de son coéquipier Rylan Wiens, pour ensuite habiter dans son propre appartement à 17 ans. Vivre seule à un si jeune âge a obligé Erlam à faire preuve de davantage d’indépendance et de résilience que la plupart de ses camarades.
« J’ai effectivement eu l’impression de devoir grandir très, très vite, reconnaît Erlam. J’ai dû apprendre comment faire les choses par moi-même — il a fallu que j’appelle ma mère souvent! »
Erlam n’a pas seulement dû apprendre à prendre soin d’elle-même, il lui a aussi fallu apprendre à gérer la pression qui accompagne la pratique d’un sport de haut niveau.
« J’avais l’habitude de devenir très agitée durant les compétitions. Je me souviens qu’à mes premiers Championnats du monde à Budapest, j’ai fait une dépression nerveuse avant la compétition, se souvient Erlam. Depuis ce temps, j’ai appris comment contrôler ce genre de nervosité. J’avais l’impression que c’était là un moment décisif dans ma vie, que ça passait ou ça cassait, mais dans le fond ça ne l’était pas vraiment. Ce n’est pas ça qui allait définir une fois pour toutes qui je suis comme personne. »
Maintenant qu’elle s’apprête à disputer ses premiers Jeux olympiques, y a-t-il quelque chose qu’Erlam aimerait pouvoir dire à la version plus jeune d’elle-même?
« Je me dirais probablement de ne pas prendre toutes les choses à ce point au sérieux, de ne pas laisser les commentaires des autres te jouer dans la tête. Il y a beaucoup [d’observations de ce genre] dans le sport à propos de l’image corporelle. Pour les jeunes adolescentes surtout, grandir avec ça est difficile. Quand tu as 16 ans, tu prends les commentaires de tout le monde à coeur. Alors je dirais de lâcher prise pour plusieurs de ces choses-là. »
Erlam a fini parmi les cinq meilleures avec Mia Vallée au 3 m synchro féminin lors des Championnats du monde de World Aquatics en 2022, où elle s’est aussi hissée parmi les 10 meilleures au tremplin de 1 m. C’était, de loin, la plus importante compétition à laquelle elle avait participé jusque-là dans sa carrière. Erlam et Vallée ont ensuite remporté le bronze du 3 m synchro aux Jeux du Commonwealth 2022, où Erlam a par ailleurs fini cinquième dans l’épreuve individuelle de 3 m.
Erlam a affiché des résultats constants en 2024, mais reste qu’elle n’était pas considérée comme la favorite pour terminer première aux Essais canadiens. La nomination d’Erlam au sein d’Équipe Canada lui offrira maintenant une plus grande plateforme en tant qu’athlète métisse — une identité qu’elle est elle-même toujours en voie de découvrir.
« J’ai appris il y a quelques années seulement que j’avais des racines métisses. Nous avons commencé à creuser ça un peu plus parce que mon arrière-grand-mère a été adoptée par une famille blanche, ce qui fait que nous n’étions pas au courant de ses origines, explique Erlam. Alors le fait d’en apprendre plus là-dessus et de pouvoir évoluer à ce niveau-ci [dans le sport], ça fait en sorte que c’est vraiment important pour moi maintenant de pouvoir parler de la culture autochtone à plus de gens et, je l’espère, obtenir une plus grande reconnaissance pour les enfants autochtones dans le sport. »
Erlam affirme qu’en apprendre davantage sur son historique familial et ses origines culturelles a été transformateur pour elle. Plusieurs athlètes d’origine autochtone comme elle feront le voyage à Paris avec Équipe Canada.
D’ici le début des Jeux, Erlam se consacrera entièrement à son entraînement, dans le cadre d’un horaire qui s’étend sur une période d’environ sept heures et demie de préparation par jour. La moitié du travail se fait dans l’eau et l’autre moitié, sur la terre ferme. L’équipe canadienne de plongeon se rendra à Édimbourg, en Écosse, pour un camp d’entraînement qui précédera les Jeux.
Au niveau national senior, les plongeurs se consacrent surtout à peaufiner les plongeons qui font partie de leur répertoire, plutôt que d’en apprendre de nouveaux. Erlam dit ne pas avoir appris de nouveau plongeon depuis cinq ans environ, mais elle se souvient clairement de ce qu’on ressent à ce moment.
« Apprendre un nouveau plongeon, ça fait très peur. Il n’y a rien qui puisse vraiment t’aider à t’y préparer, explique Erlam. Nous avons un système de ceinture qui fait que quelqu’un peut te tirer à l’aide de cordes, mais il n’y a rien de vraiment comparable à le faire réellement. Il faut juste faire confiance à ta conscience du corps dans les airs. Nous avons des systèmes de bulles qui éclatent à la surface de l’eau et qui peuvent aider à ne pas se faire mal si tu n’atterris pas de la bonne façon. Toutefois, il n’y a pas vraiment de façon de simuler cette sensation d’apprendre un nouveau plongeon. »
Bien qu’elle ressente davantage une saine sensation de peur qu’à l’époque où elle n’avait que quatre ans, Margo Erlam continue de plonger tête première face aux défis qui se présentent — le prochain étant sa participation aux Jeux olympiques.
En rafale avec Margo Erlam:
Si tu n’étais pas une plongeuse, quel sport pratiquerais-tu?
M. E. : Probablement la gymnastique. Cependant, j’aimerais bien être une joueuse de tennis, parce qu’elles font pas mal plus d’argent que moi!
Ton plongeon favori?
M. E. : Le plongeon retourné périlleux double et demi carpé! C’est le numéro 405B.
L’athlète ou l’équipe d’Équipe Canada que tu as le plus hâte de voir à Paris?
M. E. : L’équipe de gymnastique! Je serai là. Vous allez me voir dans les gradins.
Ton moment olympique préféré?
M. E. : Je dirais Meaghan [Benfeito] et Roseline [Filion] quand elles ont remporté le bronze à Londres. Je les regardais en boucle aux Jeux olympiques. Ç’a été un grand moment pour moi quand j’étais plus jeune.