Le planchiste autochtone Liam Gill a une influence déterminante sur les jeunes du Nord et sur sa propre vie grâce à un projet inspirant
La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation commémore l’histoire tragique et douloureuse du système des pensionnats au Canada et de leurs séquelles durables. Cette journée est une occasion de commémoration, de réflexion et de réconciliation. En procurant un espace où les athlètes autochtones peuvent partager leurs histoires, nous créons un environnement qui respecte et met en valeur les liens substantiels qu’il y a entre les peuples autochtones, leurs terres ainsi que les activités sportives qui mettent en lumière leur résilience, leur force et leurs aptitudes.
Liam Gill, un planchiste spécialiste de demi-lune, incarne l’honneur, la générosité et la persévérance. Athlète olympique de la Première Nation Łı́ı́dlı̨ı̨ Kų́ę́ et fier représentant des Dénés du Deh cho, son parcours démontre non seulement son talent exceptionnel, mais fait aussi écho à la grande importance qu’il accorde au développement des relations et à ses racines culturelles.
Liam a triomphé de l’adversité à plusieurs reprises, bravant les stéréotypes et traçant la voie pour les générations futures. Soutenu par sa famille dévouée, ses amis et ses pairs athlètes, son extraordinaire réalisation, le programme Liam & Friends, inspire et donne notamment naissance à un esprit où tout est possible.
« L’histoire de Liam est ce qui a amené la naissance de Liam & Friends »
Liam & Friends est un programme, mais surtout une passion, qui permet aux jeunes Autochtones des Territoires du Nord-Ouest, en particulier ceux de Fort Smith et de Fort Simpson, d’être invités à participer à un parcours de snowboard mené par Liam. Le programme, dont la première activité a eu lieu au début du mois de mai, a pour but d’éliminer un obstacle de taille qui est souvent présent dans la pratique de sports tels que le snowboard.
« L’idée était de faire ce voyage sans aucun obstacle financier. Nous voulions tout simplement l’effacer complètement, comme si ça n’existait pas », a expliqué Joanna Gill, la mère de Liam et la principale organisatrice de la logistique pour Liam & Friends.
Liam a personnellement vécu des situations où des obstacles financiers ont limité les possibilités de pratiquer son sport et il a constaté à quel point cela peut être décourageant pour un ou une jeune athlète.
« Quand j’avais 14 ans, on m’a invité pour aller en Nouvelle-Zélande en vue des Mondiaux juniors et j’avais dû refuser. Ce fut une décision vraiment difficile. Je me souviens que ma mère pleurait quand elle m’a dit que ce ne serait pas possible. Cette journée-là, je lui ai dit que si j’avais du succès un jour, j’allais chercher à aider les enfants qui ne pouvaient se le permettre financièrement pour qu’ils puissent avoir accès à la pratique du snowboard. »
Liam ne savait pas à l’époque ce que lui réservait l’avenir ni qu’il finirait par réaliser ses rêves.
Pour Liam, le snowboard a toujours été une source de paix et de bien-être qui lui donnait un sentiment d’appartenance. Il a eu sa première planche à l’âge de quatre ans et c’est en regardant son père Lance faire du snowboard qu’est née chez lui la motivation de commencer à pratiquer ce sport.
« Quand j’avais à peu près sept ou huit ans, j’ai reçu un diagnostic de trouble du traitement du langage et de dyslexie. J’avais de la difficulté à écouter, à suivre les directives et même à m’exprimer à l’école. Chaque fois qu’il était question de langage, je me sentais perdu et incompris. Avec le snowboard, je comprenais le langage non verbal et la notion d’équilibre. Quand j’étais sur la neige, il n’y avait aucune confusion, c’était juste moi et ma planche, j’avais enfin le sentiment d’être à ma place. »
La présence d’une communauté soutenante au sein de son club, avec notamment des entraîneurs qui comprenaient de quelle façon Liam parvenait à apprendre et qui savaient ce dont il était capable, lui a permis de ressentir ce sentiment d’inclusion.
« Parce que nous vivions à Calgary, je pouvais l’emmener sur les pentes après l’école. Nous avons remarqué que ça lui donnait tellement confiance parce qu’il était naturellement bon sur la neige et ça lui donnait l’énergie nécessaire pour retourner à l’école le lendemain, s’est souvenue Joanna avec tendresse. Pour Liam, le snowboard c’était la liberté, la créativité et la tranquillité. C’est devenu une voie qui lui permettait de se prouver à lui-même qu’il pouvait exceller dans quelque chose. »
À partir de ce moment-là, Liam s’est mis à progresser. Un jalon important dans le cadre de son parcours est survenu à l’été 2020 quand il a eu l’occasion de participer à son premier camp d’entraînement en demi-lune.
« C’était la première occasion qu’on me donnait de m’entraîner tous les jours en demi-lune », a-t-il dit, en soulignant le fait qu’il y a seulement une poignée d’installations de demi-lune aux dimensions olympiques dans le monde. Ce qui veut dire que pour avoir accès à un entraînement de qualité, il faut souvent voyager, ce qui mène à d’importants coûts financiers. C’est au cours de ce camp qu’il a décidé de façon définitive de se spécialiser en demi-lune, ce qui lui a éventuellement permis de participer aux Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022 à l’âge de 18 ans seulement.
« À cause de ce voyage-là, je sais à quel point l’accès aux camps d’entraînement et aux installations peut avoir une incidence dans la vie d’un athlète, a-t-il noté. La participation de Liam comme seul athlète masculin autochtone canadien aux Jeux de Beijing 2022 met en relief la dure réalité de la sous-représentation des athlètes autochtones dans le sport, autant à l’échelle nationale qu’internationale. Les athlètes comme Liam qui sont fiers de leur culture contribuent activement à la transformation de l’univers sportif, cultivant un environnement plus inclusif pour tous et pour toutes.
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Une semaine après avoir participé aux Jeux de Beijing, Liam s’est rendu dans les Territoires du Nord-Ouest, où il a consacré du temps à de jeunes Autochtones en leur enseignant et en les guidant sur les pentes.
« Nous n’étions pas certains s’il était en mesure de leur rendre visite, c’était tout de suite après les Jeux olympiques, mais nous avons appelé sa mère Joanna et elle nous rassuré en disant, ‘Oh oui, il sera là’ », a indiqué Cynthia White, mère de trois jeunes athlètes de Fort Smith et entraîneure du Slide Zone Shredderz club, qui a rencontré Liam pendant sa tournée des T.-N.-O., un périple qui a laissé de profondes traces chez les jeunes.
« Ils ont alors vu un Olympien qui leur ressemble et une personne qui leur donne le sentiment qu’ils sont moins à part des autres, le sentiment qu’ils ont quelqu’un qui les représente et qui leur montre qu’ils peuvent être comme ils sont. Ils ont vu une personne qui peut aider à définir toute une génération d’athlètes. »
Cette tournée a aussi été un moment charnière pour Liam.
« J’ai réalisé le potentiel que représente le fait de pouvoir offrir bien plus qu’une simple visite. Voir les enfants défaire les sangles de leurs planches et retourner sur la pente en courant m’a rappelé ce que j’ai vécu. La fébrilité et la véritable passion qu’ils avaient pour le snowboard, compte tenu des conditions dans lesquelles ils se retrouvent, en passant des heures sur leurs planches avec seulement un feu pour les réchauffer, sans chalet ni toilette… »
Il a reconnu que les communautés et les athlètes autochtones rencontrent d’innombrables difficultés — trop nombreuses pour en faire la liste — mais un de leurs points communs, c’est le manque d’accès et de possibilités d’entraînement. Il a vu tout ça comme une façon de faire la différence.
« Ils le voient agir et ils voient les possibilités »
Tout a changé pour Liam quand la station de ski Sunshine Village à Banff, en Alberta, lui a offert la possibilité de mettre en place un partenariat qui lui permettrait d’organiser n’importe quel événement de son choix. Liam n’a pas eu besoin de beaucoup de temps pour décider comment il allait profiter de cette occasion.
« Il a tout de suite dit, ‘Je sais ce que je vais faire, je vais emmener les enfants du Nord ici », a raconté Joanna. Cette offre s’est avérée le déclencheur de ce qui allait devenir Liam & Friends. Selon son père Lance, la Subvention Héritage d’OLY Canada qu’il a reçue du Comité olympique canadien, le printemps dernier, a rendu le tout possible.
« Une fois la subvention [d’OLY Canada] reçue, c’est devenu un projet concevable et mesurable. C’est le commutateur qui a tout allumé et nous a fait réaliser que c’était vrai, que ce n’était pas juste un espoir. Ce n’était plus qu’un simple rêve, c’était en voie de se réaliser et le projet a commencé à voler de ses propres ailes. »
À partir de là, les membres du réseau de soutien de Liam, composé d’amis, de sa famille, d’entreprises, de fondations et d’autres athlètes, ont offert de leur temps bénévolement ainsi que des ressources pour faire en sorte que le projet destiné aux jeunes autochtones se réalise.
« On entend toujours les gens dire qu’il suffit qu’une personne pose un premier geste pour que d’autres suivent et l’appuient, et c’est exactement ce qui est arrivé. Il a suffi que Liam exprime ses idées et plein de gens ont embarqué et fait savoir à quel point c’était important, que c’était quelque chose de beau. On a littéralement vu une communauté se rassembler et réaliser quelque chose de spécial pour les enfants », a affirmé Joanna.
Bien que Liam ait grandi à Calgary, un milieu urbain qui compte de nombreuses installations de qualité remarquable, il sait ce que ce genre de possibilité représente pour les enfants qui vivent dans le Nord, dans des communautés éloignées. En plus des barrières financières qui existent quand on veut faire du snowboard, il existe des défis plus importants encore.
« C’est quelque chose de très personnel et j’ai une connaissance de première main des défis que les enfants doivent relever au sein de leur communauté. On reconnaît l’importance de ces questions et nous sommes directement impliqués », a noté Lance, qui a passé une bonne partie de son enfance à Fort Simpson, là où réside la Première Nation Łı́ı́dlı̨ı̨ Kų́ę́, dont il fait partie.
Cynthia a vu une différence perceptible dans le niveau de confiance affiché par les enfants après qu’ils aient passé du temps avec Liam.
« Ils le voient agir et ils voient les possibilités. Quand Liam est là, ils veulent essayer des choses. Les Jeux olympiques ne sont pas quelque chose auxquels ces enfants-là aspirent parce que pour eux, c’est inimaginable. La présence de Liam et le fait de voir sa mère et son père aussi fiers de sa culture, de son histoire, ça leur fait vraiment comprendre le message qu’il est possible pour eux aussi de réaliser de belles choses. »
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Au sein de l’univers du sport, honorer la culture autochtone revêt énormément d’importance. C’est une plateforme pour reconnaître les connaissances, valeurs et aptitudes traditionnelles que les athlètes autochtones apportent dans leurs disciplines respectives.
« Cela n’a pas seulement transformé la vie des enfants, mais la mienne aussi »
Les enfants qui ont participé au programme Liam & Friends ont eu droit à une expertise de niveau olympique en matière de snowboard, suivant notamment une clinique sur la façon de cirer et de préparer leur planche qui a été donnée par un ami proche de Liam, Ian Scherrer, mais ils ont aussi eu droit à quelque chose de bien plus profond. Liam a fait des pieds et des mains pour tisser des liens significatifs avec chacun des enfants. Il a inventé des poignées de main secrètes, raconté des histoires et expliqué les traditions des siens, et joué à des jeux avec eux dans tous les temps libres qu’ils ont eus pendant la semaine.
« Liam se levait le matin et se rendait aussitôt à l’endroit où se trouvait le groupe. Du moment que les enfants se réveillaient et commençaient à prendre le petit déjeuner, Liam était avec eux jusqu’au moment où ils devaient aller au lit », a raconté Joanna.
Bien que sa présence aura assurément un effet durable sur les enfants, il est tout aussi vrai que les jeunes qui étaient au camp l’ont inspiré de son côté aussi.
« Nous avons filmé des entrevues avec les enfants à la fin. On pouvait vraiment voir la différence dans leur niveau de confiance entre la première journée et la dernière. C’était inspirant. Je me souviens de mes premières entrevues (dans ma carrière). J’étais super mal à l’aise et j’étais tellement inspiré par le courage qu’ils affichaient en se mettant devant la caméra pour parler de leur vécu », a raconté Liam.
Il retient aussi les liens personnels qu’il a tissés avec les enfants durant le temps qu’il a passé avec eux.
« Dans les entrevues, un des enfants a dit à quel point il trouvait que c’était calme et paisible en montagne, que c’était un endroit réconfortant où il pouvait trouver un refuge. C’était un exutoire pour évacuer son stress et ses soucis, exactement comme que je le faisais avant et comme je le fais toujours aujourd’hui. À mesure que la semaine avançait, je regardais tout ça arriver en même temps. Ça n’a pas seulement transformé la vie des enfants, mais la mienne aussi. »
Il a constaté qu’il avait bouclé la boucle quand il a réalisé qu’il avait donné à ces enfants la capacité de se libérer et de s’exprimer par l’entremise du sport, quelque chose qui l’avait aussi profondément marqué au cours de son enfance.
Dans le temps qu’ils ont passé ensemble, il y a eu des transformations remarquables.
« Nous avons vu de petites choses comme un enfant qui a décidé d’enlever son capuchon, qu’il avait pourtant toujours gardé sur la tête, ou bien des enfants qui étaient restés silencieux se mettre à ricaner tout le temps », a dit Joanna des moments où elle a vu des enfants commencer à sortir de leur coquille. Bien que de simples détails en apparence, ces petits moments représentaient en fait d’énormes percées, faisant montre d’un désir d’être vu plutôt que de rester caché dans son coin.
Liam & Friends est devenu une merveilleuse occasion d’échanger des connaissances et des traditions. Au moment où Liam leur enseignait différentes aptitudes, une des filles lui a rendu la pareille en lui montrant l’art de faire de la bannique, une agréable expérience traditionnelle qui a permis à Liam d’approfondir ses liens avec sa culture. Des histoires sur leurs vies d’Autochtones se sont mises à fuser tout naturellement, alors qu’il y a eu des discussions animées sur la chasse et des moments passés avec leurs parents.
« Confiance, partage et rapprochements ont été les fruits de cet événement », a dit Joanna des principaux éléments à retenir de cette expérience d’une semaine.
Bien que Liam ait assurément tissé des liens durables avec tous les enfants, un cas en particulier ressort du lot. Un participant de Fort Simpson a demandé à Liam de se faire prendre en photo avec lui pour qu’il puisse ensuite la montrer à sa grand-mère. Quand Liam lui a demandé quel était le nom de sa grand-mère, l’enfant a alors donné sans le savoir un petit renseignement qui a permis de découvrir qu’ils étaient des petits-cousins. Réalisant ce que cela représentait comme rapports entre les générations, le père de Liam a partagé une photo de la grand-mère de l’enfant prise au moment où elle tenait Liam dans ses bras, à l’époque où ce dernier n’était âgé que de trois semaines.
« Ce sont là des liens réels que tu ne peux pas inventer, qui montrent aux enfants dans quelle mesure ils sont connectés », a expliqué Joanna en évoquant la puissance de tels moments.
Bien que le camp soit terminé pour cette année, Liam sait que les participants, inspirés par ce qu’ils ont vécu, retourneront avec empressement dans leurs communautés à Fort Smith et Fort Simpson, prêts à montrer les aptitudes qu’ils ont apprises, la confiance qu’ils affichent et les connaissances qu’ils ont acquises.
Quand on lui a demandé quel conseil il donnerait à un enfant qui cherche à réaliser un rêve ou un objectif, Liam a répondu: « Le plus important, c’est de s’entourer de gens qui croient vraiment en toi et qui te soutiennent. N’abandonne pas en raison des difficultés et des contretemps parce que dans les faits, ce sont des choses qui te rendent plus fort. Continue de faire ce que tu aimes faire. »
Observer quelqu’un comme Liam, qui non seulement excelle dans la voie qu’il a choisie, mais qui incarne aussi la compassion, l’empathie et la résilience, permet de constater que tout est possible. C’est véritablement transformateur, souligne Cynthia. « Nous pouvons vraiment nous servir de Liam au cœur de notre réussite, que ce soit comme athlète ou médecin, ça va au-delà du sport. Ça prouve aux enfants que tu peux accomplir n’importe quelle chose que tu veux accomplir. »
Dès la fin du voyage du programme Liam & Friends, Liam a travaillé avec l’Association de snowboard de l’Alberta afin d’aider à organiser une clinique pour des élèves de maternelle.
« Quand je me suis présenté, j’ai dit que dans mes temps libres, j’aime essayer d’inspirer les jeunes. C’était la première fois que je disais quelque chose du genre ‘voici ce que je fais et ceci fait partie de qui je suis’ », dit-il. Liam est fier de ses racines Łı́ı́dlı̨ı̨ Kų́ę́ et il s’engage à mettre le tout à l’avant-plan dans le cadre du travail qu’il continue de faire à titre d’athlète olympique.
« Il sait maintenant qu’il a la capacité d’être un leader et un modèle à suivre, et c’est un beau sentiment d’avoir ce genre de responsabilité, a indiqué Joanna. Les réalisations et les succès d’une personne autochtone permettent de promouvoir les succès de tous les peuples autochtones dans leur ensemble. »
Au moment de souligner la Journée nationale des peuples autochtones, nous rendons non seulement hommage au travail accompli par Liam, mais aussi au travail que font les autres personnes autochtones partout au Canada afin d’apporter fierté et joie à ce patrimoine culturel.