Photo : Eric Radford / Instagram
Photo : Eric Radford / Instagram

Être « Fier de jouer », peu importe qui vous êtes

Ça y est. Vous vous êtes rendu aux Jeux olympiques. Vous vous êtes entraîné(e) toute votre vie pour ce moment.

Vous avez participé à la cérémonie d’ouverture. Vous avez concouru et peut-être même réalisé l’objectif de votre vie en vous tenant sur le podium en arborant fièrement la feuille d’érable.

Malgré tout cela, quelque chose cloche.

Vous n’êtes pas rempli(e) d’un sentiment d’accomplissement parce que même si vous avez performé sur la plus grande scène au monde, vous l’avez fait en portant un masque afin de cacher qui vous êtes vraiment. Par peur de ce que les partisans, les juges, les entraîneurs, vos coéquipiers, vos amis et votre famille pourraient penser.

C’est la peur que votre orientation sexuelle vous fasse tout perdre.

Des olympiens comme Mark Tewksbury. Anastasia Bucsis et Eric Radford connaissent très bien ce sentiment. Pendant des années, en raison de leur orientation sexuelle, ils se sont sentis seuls et gênés. Ils se sont seulement sentis libres quand ils se sont ouverts à ce sujet, tant à eux-mêmes qu’au reste du monde.

En exprimant qui ils sont réellement, ils sont devenus des modèles pour les prochaines générations, pour de futurs Olympiens qui, espère-t-on, ne ressentiront pas le besoin de cacher leur vraie identité.

Leur parcours dans le sport et au plus profond d’eux-mêmes est maintenant raconté dans un livre pour enfants, Proud to Play (« Fiers de jouer »), écrit par Erin Silver.

« Le fait que mon histoire se retrouve dans un livre spécialement destiné aux jeunes et aux jeunes adolescents me réchauffe le cœur, a-t-elle ajouté. […] Mon histoire peut continuer à les inspirer et leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls.»

– Anastasia Bucsis

Dans son livre, Silver raconte l’histoire d’athlètes et d’entraîneurs olympiques de la communauté LGBTQ+ à travers les générations, donnant aux enfants des modèles inspirants, leur montrant qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils ont une place dans le sport.

« Tout le monde devrait se sentir accepté et le bienvenu dans le sport, a dit Silver à Olympique.ca. L’essence du sport devrait être en rapport avec votre façon de jouer ou le type de coéquipier que vous êtes. Pas en lien avec qui vous aimez ou qui vous attire. Comme Canadiens, nous avons tellement de raisons d’être fiers, mais il nous reste encore beaucoup à faire aussi. »

Proud to Play débute avec l’histoire de Tewksbury. Une amorce à propos, puisqu’il a été le premier athlète olympique canadien à révéler au public qu’il était homosexuel.

« J’ai vraiment été touché quand j’ai ouvert le livre et que j’ai constaté que mon histoire était la première racontée, s’est remémoré Tewksbury. Cela m’a rappelé le chemin qui m’a mené là. Ensuite, de voir les neuf autres histoires incroyables qui suivent, qui nous mènent jusqu’à aujourd’hui, c’est magnifique. »

C’est en 1988, à Séoul, que la planète a découvert le nageur, qui a participé à deux Jeux olympiques. Il faisait partie du relais qui a remporté la médaille d’argent. À Barcelone 1992, après une performance incroyable au 100 mètres dos, le monde l’a reconnu comme un champion olympique. Ce n’est toutefois que six ans plus tard que tous ont su qui il était réellement.

À VOIR : Mark Tewksbury revit et commente sa performance en or de Barcelone 1992

« Quand je suis sorti du placard en 1998, c’était une immense décision pour l’époque, a raconté Tewksbury. Je pensais bien que cela prendrait quelques années avant que d’autres athlètes emboîtent le bas, mais il a finalement fallu attendre jusqu’à Sotchi. »

Pendant une décennie et demie, Tewksbury est demeuré l’unique Olympien canadien ouvertement gai.

En septembre 2013, la patineuse de vitesse Anastasia Bucsis, alors en pleines qualifications pour ses deuxièmes Jeux olympiques, a brisé le silence au sujet de sa sexualité et a révélé faire partie de la communauté LGBTQ+.

« Je suis sortie du placard publiquement en opposition aux lois russes anti-LGBTQ, a expliqué Bucsis. Je me disais que j’avais de la chance. J’ai été une enfant privilégiée, j’ai grandi à Calgary, j’ai une famille, des amis et des coéquipières merveilleux. Malgré cela, j’ai connu beaucoup de difficultés. Je peinais à m’imaginer ce que cela aurait été si j’avais grandi en Russie. »

Elle raconte que de cacher son orientation sexuelle à ses amis, à sa famille et à ses coéquipières l’a menée à souffrir d’anxiété, de dépression et à avoir des pensées suicidaires. Elle aimerait qu’aucun enfant ne le connaisse ce sentiment de solitude.

« Je l’admets, j’ai connu des jours sombres quand je tentais de figurer qui j’étais vraiment, quand je tentais de m’aimer et de m’accepter, a partagé Bucsis. Quand je regarde derrière, je suis tellement reconnaissante d’avoir fait du patinage de vitesse. Cela a été le plus grand amour de ma vie. Le sport est aussi ce qui m’a permis de m’apprendre à m’aimer comme je suis. »

Bucsis ne veut jamais plus que quelqu’un se sente isolé, non reconnu, entendu ou compris.

« Le fait que mon histoire se retrouve dans un livre spécialement destiné aux jeunes et aux jeunes adolescents me réchauffe le cœur, a-t-elle ajouté. […] Mon histoire peut continuer à les inspirer et leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls. »

Quatre ans plus tard, le patineur artistique Eric Radford faisait partie des Canadiens qui ont remporté l’or dans l’épreuve par équipe aux Jeux de PyeongChang 2018. Il a écrit l’histoire en devenant le premier homme ouvertement gai à se retrouver au sommet du podium aux Jeux olympiques d’hiver.

Canadian figure skating team reacts after performing
Meagan Duhamel et Eric Radford, du Canada, réagissent après avoir patiné dans l’épreuve par équipes aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018. (Photo AP / Morry Gash)

En remportant l’or tout en étant honnête envers lui-même, Radford a senti un poids s’envoler de ses épaules.

« Révéler votre orientation sexuelle crée un sentiment de soulagement, affirme Radford. Vous vous sentez plus confortable, plus léger. Je l’ai aussi ressenti sur la glace, une sensation unique alors que je performais aux côtés de Meagan [Duhamel]. Je sentais que j’étais plus libre de m’exprimer. C’était un sentiment incroyable. »

S’ils ont tous connu un parcours différent vers la reconnaissance de leur identité sexuelle, tous ces Olympiens ont un point en commun : ils espèrent être les modèles qu’ils n’ont pas eus en grandissant.

Même s’il y a encore beaucoup de boulot à abattre afin que tous sentent qu’ils ont une place dans le sport, Proud to Play démontre à quel point le monde du sport a évolué. Du moment où Tewksbury a fait sa sortie du placard en 1998 jusqu’à la publication du livre en 2021, le  progrès est encourageant.

« Je suis vraiment fier de faire partie de ce livre, car j’ai l’impression qu’un changement se produit, a dit Tewksbury, en réfléchissant à comment le monde a évolué de façon à inclure et accepter la communauté LGBTQ+. Ce livre est la preuve qu’il y a eu du progrès. »

Plusieurs sportifs ont participé au livre. Bucsis estime que cela donne la chance aux jeunes de s’identifier à des athlètes de plusieurs générations et de plusieurs sports, qui ont tous connu des expériences différentes. Bucsis explique qu’elle n’avait pas d’histoire à laquelle s’identifier dans son enfance. Grâce à Proud to Play, elle espère que les jeunes pourront voir que chaque histoire est différente.

« Je pense que ce livre offre une perspective importante à ceux qui n’avaient pas considéré cela auparavant. »

– Mark Tewksbury

« S’il y avait eu un livre comme celui-ci quand j’étais enfant, cela m’aurait donné tellement de confiance. J’aurais eu des gens à qui m’identifier et j’aurais su que je n’étais pas seul, a pointé Radford. Je pense que nous sommes plusieurs à faire notre sortie du placard parce que nous espérons changer les choses, parce que nous voulons rendre les choses plus faciles pour la prochaine génération ou pour quiconque qui a des doutes concernant son identité ou sa sexualité. »

Le livre donne un aperçu de ce que les athlètes ont traversé, de comment ils se sont relevés avec force. Il montre que tout peut s’améliorer, même si le moment présent est parfois difficile à vivre.

« Vous devez pouvoir voir les choses du point de vue des autres, a déclaré Tewsksbury. Je pense que ce livre offre une perspective importante à ceux qui n’avaient pas considéré cela auparavant. »

Si le processus d’acceptation et de progrès se poursuit dans la communauté LGBTQ+, ce livre est la preuve que tous devraient être fiers de jouer.

Proud to Play est maintenant disponible en librairies.