Tessa Virtue et Scott Moir : « Les autres patineurs sont incapables de les imiter »

La danse sur glace comporte son lot de moments magiques. Le plus grand d’entre eux étant peut-être le programme libre sur l’air du Boléro des Britanniques Jayne Torvill et Christopher Dean récompensé par des notes parfaites lors des Jeux olympiques d’hiver de 1984 à Sarajevo.

Dans le cœur de bon nombre de Canadiens, le plus grand moment de l’histoire de la danse sur glace est la prestation de Tessa Virtue et Scott Moir aux Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver.

Le duo médaillé d’or n’est cependant pas satisfait. Les deux patineurs ont entrepris de changer le visage de la danse sur glace.

Photo: Mike Ridewood

Photo: Mike Ridewood

L’histoire commence quand elle avait sept ans et lui neuf ans.

Près de deux décennies plus tard, ils caressent le rêve de remporter une deuxième médaille d’or olympique consécutive. Pour y arriver, le tandem parfait a façonné ce qu’il espère être le programme parfait. Choix de circonstance en vue de Sotchi, les compositeurs de la musique de leur programme libre sont les Russes Alexander Glazunov et Alexander Scriabins. Son titre : Les Saisons.

« Nous voulions raconter les saisons de notre relation. Toutes les relations traversent différentes saisons, des changements et des hauts et des bas. Le programme nous fait revivre les 17 dernières années », explique Tessa Virtue.

« La fin du programme est notre partie préférée parce qu’elle représente notre passage à Sotchi. Pendant les 30 dernières secondes, nous vivons le moment présent à Sotchi. C’est vraiment cool de s’exercer à danser ce programme parce qu’il nous rappelle notre objectif et notre but tous les jours », ajoute Scott Moir.

Les Saisons n’étaient pas un choix évident, mais tout le monde savait que le duo veillerait à sortir de l’ordinaire.

Printemps

Saison de renaissance et de renouveau, le printemps représente l’arrivée de Tessa et Scott sur la scène internationale sénior au moment où la danse sur glace avait grand besoin de renouveau.

Dans les années 1980 et 1990, les prestations théâtrales étaient la norme. Le style classique tiré du ballet et de l’opéra des Européens était alors considéré supérieur au style athlétique et jazzy des Nord-Américains, comme celui des Canadiens Tracy Wilson et Rob McCall qui ont remporté le bronze aux Jeux olympiques de 1988 à Calgary, et Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz qui ont terminé au pied du podium olympique à deux reprises.

Quand le système de notation de l’ISU a remplacé le système des 6.0 points dans la foulée du scandale des Jeux de Salt Lake City, une nouvelle façon de noter la danse sur glace fait son entrée. Tracy Wilson, maintenant analyste et entraîneuse, est persuadée que Tessa et Scott auraient connu du succès sous l’ancien régime, mais elle se réjouit que le nouveau système de notation mette fin aux irrégularités de l’arbitrage. Lors de sa première participation aux Championnats du monde en 2007, la paire a terminé au sixième rang.

Leur ascension fulgurante n’a rien d’une surprise. Dès leurs débuts, lorsqu’ils étaient si petits que leur tête ne dépassait pas la bande, Tessa et Scott possédaient des qualités exemplaires.

http://youtu.be/Wy38EleBZ2s&start=163s

« Ils sont d’une aisance et d’un naturel hors du commun. Ils ont une fluidité et un rythme dans les mouvements du genou qui donnent l’impression qu’ils survolent la patinoire. On n’entend pas le frottement de leurs patins contre la glace parce que leur équilibre est parfait. Leurs mouvements sont parfaitement synchronisés, et ils arrivent à créer des lignes et à bouger à l’unisson », explique Tracy Wilson.

Le monde du patinage les a découverts en 2008 quand ils ont décroché la médaille d’argent lors de leur deuxième participation aux Championnats du monde où ils ont remporté le programme libre au passage.

« L’exécution est parfaite et je suis soufflé par certaines des figures et des transitions vers les portés. Leur prestation m’a coupé le souffle et je reste sans voix. » – Nicky Slater

Été

Si l’été est normalement la saison chaude, pour plusieurs athlètes du Canada, dont Tessa et Scott, ce sont 17 jours en février 2010 qui ont réchauffé les amateurs de sports.

« Je me souviens de les avoir vu patiner quand ils n’étaient encore que des enfants et je peux vous assurer qu’ils ont changé le visage de la danse sur glace. Ils ont dépoussiéré la discipline et lui ont insufflé un degré supérieur d’athlétisme. Ils sont parfaits. Ils sont extraordinaires. » – Dylan Moscovitch, patineur en couple canadien

Une nouvelle ère en danse sur glace a commencé avec leur victoire. Âgés de 20 et 22 ans, ils sont la plus jeune équipe à avoir remporté une médaille d’or en danse sur glace. Ils étaient aussi le premier duo de vainqueurs non européens. Leur victoire a ouvert la porte à la suprématie nord-américaine qui dure depuis trois ans.

« Tessa et Scott se démarquent par leur athlétisme et leur technique. Ils sont aussi de grands artistes. J’ai parfois du mal à croire qu’ils arrivent à accomplir de telles prouesses et en même temps, ils me font vivre de grandes émotions », explique Tracy Wilson.

Automne

L’automne est la saison du changement tout comme les années entre les Jeux olympiques ont été marquées par les transformations.

« Après les derniers Jeux, on nous demandait souvent pourquoi on continuait à patiner parce que gagner était notre seule option. Nous sommes évidemment toujours capables de gagner, mais nous voulions surtout repousser nos limites et celles de la discipline. Nous croyons que c’est notre obligation d’athlètes, mais aussi d’artistes. Nous devions trouver quelque chose de nouveau. La norme n’est pas pour nous. Ce n’est pas notre style », explique Scott.

« Nous adorons relever de nouveaux défis en créant de nouvelles figures pour faire avancer notre sport. C’est l’une des particularités de la danse : on doit susciter des émotions et donner un ton. Je ne veux pas qu’on regarde nos programmes en se disant que c’est du déjà-vu », ajoute Tessa.

L’innovation est certes leur mot d’ordre.

En 2009, ils ont rompu avec la tradition en patinant sur la musique de Pink Floyd. En 2011, ils sont revenus à la danse de salon avec un programme libre d’inspiration latine. En 2012, ils ont amené Broadway sur la patinoire avec la trame sonore du film Drôle de frimousse.

« Ça n’avait pas l’air d’une compétition. Tout simplement génial. » – Chris Howarth

En 2013, ils ont choisi le très populaire opéra Carmen qu’ils ont revampé en empruntant à la danse moderne pour rendre le drame et la passion. « C’est l’une des chorégraphies les plus enlevantes que j’ai jamais vues », se souvient Tracy Wilson.

http://youtu.be/AicVw3FzAeU

« Pour faire avancer le sport, il faut savoir sortir de sa zone de confort. Pour eux, ce peut être le ballet romantique auquel nous avons assisté à Vancouver. Ils ont su repousser les limites de la danse sur glace en prenant des risques. Ils auraient très bien pu s’asseoir sur leurs lauriers et viser systématiquement la victoire en se disant “faisons ce qui fonctionne, ne nous mettons pas en danger et évitons les erreurs”. Ils ont choisi une autre approche », pense Tracy Wilson.

Hiver

L’hiver prochain représentera bien plus que l’apothéose d’une année de préparation. C’est toute leur carrière que Tessa et Scott mettront en jeu à Sotchi et ceci soulève des questions sur leur héritage.

« Quand on repense à la carrière de Tessa et Scott, on revoit une multitude de styles, de formes et de textures. C’est ce qui fait avancer le sport et c’est pourquoi dans 10 ou 20 ans, on les verra d’abord et avant tout comme des pionniers », dit Tracy Wilson.

Ils ont haussé la barre pour les autres danseurs sur glace canadiens en motivant ceux qui se classent derrière eux à faire preuve d’une éthique de travail et d’un dévouement inébranlables pour espérer un jour les surpasser.

Le tandem est une source d’inspiration pour la prochaine génération de patineurs.

« Aurons-nous d’autres patineurs comme Tessa et Scott? On ne sait pas. Nous avons énormément de chance de les avoir dans notre équipe en ce moment, et leurs exploits donnent un coup de pouce à la croissance de la danse sur glace au Canada », dit Mike Slipchuk, directeur de la haute performance de Patinage Canada.

Tessa et Scott suscitent le respect bien au-delà de nos frontières.

Tracy Wilson indique que « Tessa et Scott ont conquis des entraîneurs que j’ai connu dans les années 1980 et qui sont des sommités en danse sur glace. Pour moi, ça signifie énormément. »

L’entraîneur russe et double médaillé olympique Alexander Zhulin fait partie des admirateurs du duo. À plusieurs occasions, il a parlé de la magie et du raffinement dont ils sont capables sur la patinoire et il considère que leur style « est l’incarnation de la relation entre un homme et une femme ».

Le programme court que Tessa et Scott présenteront cette saison a été encensé par le danseur sur glace finnois et double médaillé des Championnats du monde Petri Kokko, créateur du Finnstep avec sa partenaire Susanna Rahkamo, un pas imposé que tous les patineurs doivent exécuter.

« Nous sommes très chanceux au Canada parce qu’on ne compte plus les duos qui ont connu du succès en danse glace, mais Tessa et Scott sont certainement ceux qui ont eu le plus d’impact. Leur talent, leur interprétation et leur capacité à repousser les limites sur le plan technique les placent dans une classe à part. Ils feront sans aucun doute office de référence », affirme Slipchuk.

La saison olympique commence en grande pompe le week-end prochain avec la participation de Tessa et Scott à leur premier Grand prix de l’année aux Internationaux de Patinage Canada à Saint John, au Nouveau-Brunswick.

TSN, CTV et RDS diffuseront la compétition à compter du vendredi 25 octobre.