Photo : La Presse Canadienne

Jasey-Jay Anderson est en quête de perfection

Jasey-Jay Anderson ne visera pas seulement à gagner lorsqu’il s’élancera en fin de semaine sur les pentes à Stoneham (Québec) à l’occasion des Championnats du monde de surf des neiges. Médaillé d’or olympique de 2010 en slalom géant parallèle et quadruple champion du monde, il est grandement reconnu comme le surfeur de neiges le plus décoré de l’histoire canadienne du surf des neiges.

Mais à 37 ans, l’athlète originaire de Mont-Tremblant (Québec) est honnête lorsqu’il dit qu’il n’est peut-être pas prêt à concourir à Stoneham contre les meilleurs du monde, ou même les battre. Du moins pas pour le moment.

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Jasey-Jay Anderson montre sa médaille d’or après avoir remporté l’épreuve masculine de slalom géant parallèle de surf des neiges à Cypress Mountain, West Vancouver (C.-B.) à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver. LA PRESSE CANADIENNE/Darryl Dyck

Jasey-Jay Anderson avait presque officiellement pris sa retraite après son retour victorieux à Vancouver où il a rattrapé le retard de 0,75 seconde qu’il avait derrière l’Autrichien Benjamin Karl, alors classé au premier rang mondial du surf des neiges, pour atteindre «  La Mecque  » athlétique. C’est pendant cette courte retraite qu’il a décidé de réorienter son attention sur la création et la fabrication de planches à neige, passion qu’il a transformée en quête pour la perfection.

«  L’équipement, c’est à la base de tout  », dit-il. «  Si ma planche, mes plaques, mes fixations et mes bottes sont au rendez-vous, je le suis aussi. Je n’ai fait que concevoir des planches pendant les quelques derniers mois. J’ai essayé de demander à un fabricant de faire mes planches, mais ça ne me convenait pas. Je m’y suis donc mis et je les fabrique maintenant moi‑ même.  »

Jasey-Jay Anderson croyait qu’en prenant sa retraite à 34 ans, ce serait un bon moment pour cesser de faire de la compétition et pour se réinvestir d’une nouvelle façon dans le monde du surf des neiges. C’est donc vers l’équipement qu’il s’est tourné, mais il a vite découvert qu’il ne pouvait trouver personne possédant son expérience pour tester les planches qu’il créait.

Sa passion pour la fabrication l’a vite forcé à reprendre la compétition. Mais en cherchant à créer la planche parfaite, il a constaté que sa capacité à s’entraîner physiquement avait diminué et qu’elle ne reprendrait pas avant d’avoir trouvé la combinaison parfaite de vitesse et de précision pour ces conceptions.

«  Pour l’instant, ma priorité consiste à trouver la bonne planche  », explique-t-il. «  Tout démonter et partir de la base. Les gens ne réalisent pas jusqu’à quel point les planches et l’équipement ont de l’importance. Si vous voulez avoir un peu d’avance, il vous faut pousser un peu plus que tous les autres. C’est le seul endroit où je concentre mon énergie pour le moment. Je jette les bases pour Sotchi. Je dors en moyenne de 4 à 5 heures tous les soirs et je passe le reste de mon temps à étudier, à travailler sur les planches et à planifier.  »

La fin de semaine qui s’en vient en est un exemple parfait. Jasey-Jay Anderson n’est pas certain s’il est réaliste de miser sur lui pour remporter les Championnats du monde, mais il sait qu’il s’agit d’une merveilleuse occasion de tester sa planche et son équipement contre les surfeurs des neiges d’élite à l’occasion de l’épreuve la plus prestigieuse après les Jeux olympiques.

Et s’y rendre a été difficile pour l’athlète qui admet ne pas avoir eu la chance d’entraîner son corps physiquement de la façon qu’il le faisait auparavant et qu’il le devrait puisqu’il passe presque 95  p.  100 de son temps à perfectionner son art de fabrication.

«  Il y a deux jours, j’ai fait quatre heures de route depuis la maison pour arriver ici à quatre heures du matin  », raconte-t-il. «  J’ai fait mon entraînement et j’ai réalisé qu’il manquait quelques éléments clés. Je suis retourné à la maison le jour même, j’ai fabriqué une planche pendant la nuit, et je suis revenu. Voilà ce que je fais depuis deux mois.  »

Les sacrifices ne font pas peur à Jasey-Jay Anderson. Toutes les victoires et toutes les défaites sont survenues parce qu’il avait à repousser ses limites et peut-être même repousser d’autres choses ou les mettre de côté pendant un moment.

«  Les gens me demandent comment j’y arrive (à gagner)  », dit-il. «  Il faut investir en soi, avec détermination. Je n’ai pas remporté la victoire en 2010 parce que je pensais que ce serait amusant. Ça ne l’a pas été. C’était exténuant. Le périple est difficile à apprécier quand on sacrifie tout, du moment où l’on se lève à chaque sous que l’on a, en passant par tout le côté personnel, les relations, les amitiés.  »

Sa médaille d’or et ses expériences olympiques, il participé à quatre Jeux en tout, Jasey-Jay Anderson ne les échangerait contre rien au monde et ne les oubliera pas de si peu. Il a vécu le sommet des sommets et le creux des creux.

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Huit ans avant de remporter l’or à Vancouver, Jasey-Jay Anderson a vécu un des plus difficiles moments de sa carrière lorsqu’il a terminé au dernier rang à Salt Lake City. LA PRESSE CANADIENNE/André Forget

La médaille d’or de 2010 est devenue une expérience des plus enrichissantes pour lui, parce qu’il sait maintenant ce que c’est que de terminer à l’autre extrémité du spectre.

«  Je suis arrivé dernier en 2002 aux Jeux olympiques  », explique-t-il. «  Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation, mais c’est horrible. Vous savez dans votre for intérieur que vous avez tout ce qu’il faut. J’ai été dernier et j’ai été premier, à huit ans d’intervalle. En 2010, le périple m’a redonné de la modestie et je l’ai accepté comme réussite personnelle, l’accomplissement de l’objectif que je m’étais fixé.  »

Sa participation à Vancouver l’anime encore aujourd’hui. Il raconte qu’il n’a jamais été aussi fier d’être Canadien et qu’il n’aurait pas pu exister de meilleur site olympique.

«  Rien ne peut battre la victoire à domicile  », raconte Jasey-Jay Anderson. «  Je ne crois pas qu’il y aura d’autres Jeux aussi fantastiques qu’à Vancouver. Même si je gagne à Sotchi, ce sera de sang, de sueurs et de larmes et ce ne sera jamais aussi gratifiant qu’à Vancouver. Impossible à battre. Les Jeux étaient d’une telle beauté. La ville était si vibrante, c’est impossible à répéter. Je me compte très chanceux d’avoir vécu cette expérience. Très peu de gens ont la chance de remporter une médaille d’or et je fais partie des chanceux qui y sont parvenus. Je dois maintenant travailler encore plus et me fixer de nouveaux objectifs.  »

Au nombre de ses objectifs  : se préparer pour les nouveaux défis à Sotchi et défendre son titre. Il croit que tout sera prêt pour Sotchi, son équipement tout comme son corps.

En vieillissant, il a réorienté sa façon de penser sur comment et quand il doit s’entraîner. En ayant le contrôle sur son équipement qui est presque au point comme il le souhaite, il peut commencer à se réinvestir et faire les petites choses nécessaires, comme se rendre régulièrement au gym et peaufiner sa technique.

«  On ne s’attend pas à ce que je gagne aux prochains Jeux  », affirme-t-il. «  Toutefois, je vais faire tout le travail que je me suis fixé et je vais contrôler mon environnement. Un vrai athlète tire profit de l’adversité et il faut être un vrai athlète pour y arriver. Je serai prêt pour 2014. Je peux miser contre moi et quand même remporter une course. La médaille d’or de 2010 représente les réalisations personnelles. J’ai vu de quoi j’étais fait.  »

Il est maintenant temps pour le monde et pour Jasey-Jay Anderson de voir de quoi il est fait sur la scène olympique à ce que serait sa cinquième participation comme membre de l’Équipe olympique canadienne.

Ne vous attendez pas à ce que cet athlète chevronné perde de vue ce que pourrait signifier ce moment à ses yeux ou pour le sport.

«  Les Jeux olympiques ne feront jamais partie de la vieille histoire  », affirme-t-il. «  L’expérience est tellement enrichissante et tellement importante pour nous tous les quatre ans. Les joueurs de football on leur Super Bowl tous les ans. Les joueurs de hockey visent la Coupe Stanley. Et pour les surfeurs des neiges, les Jeux olympiques sont à un autre niveau. Celui où le monde rend hommage au sport.  »

– George Fadel