Vivre comme un athlète : Callum aux Jeux olympiques de la Jeunesse

[Jour de match] Une journée dans la vie d’une équipe canadienne en demi-finale

Callum Ng mène la vie d’un athlète aux Jeux olympiques de la jeunesse à Nanjing en Chine. Voici son blogue. Vous trouverez d’autres écrits divertissants ci-dessous. Suivez-le sur Twitter.

L’air du matin est chaud et humique et l’équipe canadienne de hockey sur gazon marche d’un pas nonchalant dans la cour du village endormi.

Callum Ng mène la vie d’un athlète aux Jeux olympiques de la jeunesse à Nanjing en Chine. Voici son blogue. Vous trouverez d’autres écrits divertissants ci-dessous. Suivez-le sur Twitter.

On entend voler les mouches. Les neuf joueurs (assez pour deux changements) sont concentrés. Le premier point à l’ordre du jour est de se délier les jambes. Certains ont les muscles endoloris alors que d’autres ont juste besoin que la gravité fasse son effet après une bonne nuit de sommeil.

Ils viennent des quatre coins du pays, d’Abbotsford à Brampton. Comme dans toute bonne équipe canadienne, leurs parents et leurs grands-parents viennent d’encore plus loin et même de l’autre côté de l’océan.

Gill, Manning, Mascarenhas, Muldoon, Panesar, Pereira, Sandhu, A. Sidhu, H. Sidhu.

Ils jouent au hockey à cinq, une adaptation des Jeux olympiques de la jeunesse du hockey en salle qui se joue dehors. L’équipe composée de quatre joueurs et d’un gardien joue sur un terrain ceinturé de butoirs qui gardent la balle en jeu. C’est rapide et divertissant.

Il n’est que 9 h 45 et la demi-finale de ce soir est encore loin. Après avoir précisé ses intentions, c’est l’heure du déjeuner pour l’équipe. Balraj Panesar et Vikram Sandhu, deux jeunes de 18 ans originaires de Surrey, en Colombie-Britannique, prennent le temps de marcher avec moi. À la maison, où le hockey sur gazon est un peu plus populaire, mais pas tant que ça, ils jouent dans la même équipe. « Il n’y a pas de ligue professionnelle », dit Balraj. C’est pourquoi plusieurs joueurs de son âge abandonnent pour se consacrer à autre chose.

Ils prévoient tous les deux faire concorder leurs études postsecondaires avec le hockey sur gazon. Mais tout ça est encore bien loin. Pour l’instant, ce sont les assiettes en carton de la cafétéria qu’ils doivent étudier. L’entraîneur Inderpal (Indy) Sehmbi, le directeur Scott Sandison et le physio Elwin Lau arrivent pour manger avec l’équipe. Tout le monde s’assoit à la même table. Le capitaine Brandon Pereira est le seul joueur assis à côté d’une chaise vide. Il fait un peu de fièvre et il garde ses distances pour ne pas infecter le reste de l’équipe.

La matinée est réservée aux choses sérieuses. Le chemin du retour vers les quartiers de l’équipe canadienne passe par le centre de conférences à aire ouverte où des salles de classe entourent des cours intérieures à chaque étage. À 10 h 30 tapant, c’est l’heure de la réunion d’équipe. Yao Ming, un ambassadeur des Jeux, se trouve sur le terrain de basketball à côté. Des centaines de personnes l’observent, et un jeune joueur de basketball drible pour les caméras des médias. Une joueuse brésilienne se faufile jusqu’à Yao et vole la vedette d’une photo où elle sera finalement la seule à ses côtés. Plus tard, je demande aux joueurs de hockey s’ils ont vu Yao. « Non, nous l’avons manqué », répondent-ils. Personne n’est en retard à la réunion.

La salle est illuminée par une lumière grisâtre. C’est toujours silencieux. L’entraîneur Indy ouvre la réunion en disant qu’on est « seulement aussi bon que son dernier match ». Le Canada a battu le Pakistan en tir de barrage lors des quarts de finale qui ont eu lieu deux jours plus tôt. Après quoi, un officiel passe dix minutes à ramasser les bâtons et l’équipement qui jonche le sol.

L’entraîneur et le directeur discutent stratégie à l’aide d’extraits vidéo soigneusement choisis de l’Espagne que l’équipe affronte ce soir. Sandison me dit que c’est l’une des meilleures équipes parmi les dix en compétition. Les Espagnols n’ont subi aucune défaite et ont accédé aux demi-finales avec une victoire écrasante de 10-1 sur la Zambie. Jamais on ne prononce de synonymes de « pas les favoris ». À la place, on décortique les systèmes défensifs, et les faiblesses espagnoles sont traduites en courtes phrases que le projecteur affiche au mur.

Les jours de matchs, il y a beaucoup de repos au programme. L’équipe partage une suite avec une grande salle commune et trois chambres où les joueurs sont répartis également. L’entraîneur discute de ce que l’équipe doit faire pour protéger la santé du capitaine et éviter qu’il ne rende ses coéquipiers malades. « Brandon est notre roc », dit Sehmbi en parlant de la combativité calme du milieu de terrain et de la sagesse qu’il sait transmettre au bon moment. Il n’y a que deux changements pendant un match de 36 minutes, et le reste de l’équipe s’inquiète de sa capacité à contribuer à la fin du match.

Peu après 13 h, c’est l’heure du lunch. Dans la cafétéria principale, l’équipe occupe deux tables en retrait. Les joueurs vont et viennent en petits groupes, mais ils prennent toujours le temps de manger ensemble. Je m’assoie avec Elwin, le physio, qui demande à l’attaquant Amrit Sidhu si ça l’embête d’être assis seul à l’autre table. Ça n’a pas l’air de déranger l’adolescent.

Le départ de l’autobus de l’équipe est prévu pour 15 h 45. Il faut 20 minutes pour se rendre au Parc olympique des Jeux de la jeunesse de Nanjing. Il y a quatre sites dans le parc, ceux de volleyball de plage, de BMX, de rugby et de hockey sur gazon.

 

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Ce n’est que l’après-midi, mais les lampadaires du terrain de hockey sur gazon sont déjà ouverts. On y présente les matchs des équipes qui ne se sont pas qualifiées pour les demi-finales. On entend les spectateurs et le commentateur jusque dans le vestiaire de l’équipe canadienne. La pulsation de la musique fait vibrer les murs pendant que les joueurs prennent leur temps pour se changer. Les joueurs s’échauffent avant de revenir dans le vestiaire où ils égrèneront les minutes avant le match.

À 17 h 30, une demi-heure avant le début du match, on ouvre le terrain principal aux joueurs. D’imposants canons à eau gorgent d’eau le gazon bleu pour aider la balle de hockey, dure comme du granit, à voyager plus rapidement. Les deux équipes courent sous le jet. Les joueurs sont déjà mouillés en raison de l’humidité particulièrement élevée ce soir. Les quatre coins du terrain sont illuminés. Impossible de se soustraire aux regards. Les accros de la performance aimeront que les caméras ne ratent aucun jeu brillant ou coup en or. Alors que nous observons les joueurs dans leur chandail blanc comme neige, Sandison remarque en dessinant une vague de la main que la « réponse des joueurs est toujours intéressante. Il y a beaucoup de haut et de bas ». C’est vrai que les gars n’ont pas accès à une ligue masculine organisée, au Canada, où ils pourraient se mettre au défi. Ils n’ont jamais vu une scène aussi importante.

L’Espagne ne tarde pas avant d’attaquer le Canada. L’attaque à droite, dont l’entraîneur avait averti ses joueurs, marque à 1:38 grâce à l’attaquant Manuel Bordas Fabregas. L’Espagne porte la marque à 2-0 en moins de quatre minutes de jeu. Les joueurs espagnols sont rapides. Ils sont meilleurs en possession de la balle. Leurs bâtons travaillent plus en profondeur, et les chandails rouges contournent la défensive canadienne. Tous les joueurs sont trempés de sueur. Entre les jeux, ils essuient la transpiration qui leur coule dans les yeux en essayant de trouver un moyen de percer la muraille espagnole. À 6:25, quelqu’un y arrive. Amrit Sidhu trouve le fond du filet de Marco Giralt Ripol. Les Canadiens, revigorés en constatant le succès de leur plan, s’accrochent, et à la fin de la première période de 12 minutes, c’est 3-2 pour l’Espagne.

 

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Les dernières minutes d’un match important où les deux équipes sont nez à nez n’ont parfois rien à voir avec les périodes qui les ont précédées. Les six dernières minutes voient trois points s’ajouter au tableau. Deux d’entre eux reviennent aux Canadiens qui ont trouvé la clé d’une équipe espagnole inconfortable qui, jusqu’à présent, l’avait emporté 4 pour 1 sur ses adversaires précédents. C’est l’égalité 4-4 à la fin du temps réglementaire.

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Pour ce tournoi, les matchs à égalités sont départagés par des tirs de barrage. Le tireur commence à la ligne de 11 mètres, et le gardien de but doit être à au moins quatre mètres de lui, entre le joueur et la ligne des buts. C’est un simple un contre un.

Normalement, les joueurs font dos au filet, forcent le gardien à sortir de sa zone et manient la balle de façon à gagner de l’espace pour tirer au filet. En d’autres mots, c’est assez désordonné. Sur trois lanceurs, deux ont marqué des deux côtés. L’Espagne a usé de jeux astucieux, et le Canada a fait travailler le gardien. C’est le dernier lanceur, Amrit Sidhu, 17 ans, qui a permis aux Canadiens de se démarquer. Pour son troisième but en tir de barrage, il a été rapide à gauche du gardien en créant suffisamment d’espace pour enfoncer la balle. Il a marqué à deux reprises pendant le match. Ses coéquipiers surgissent du banc.

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« J’ai du mal à y croire », dit-iI à un journaliste de la télévision après le match en trouvant l’équilibre entre les émotions et la démonstration de sa capacité à garder son calme sous pression. « Il faut rester dans l’instant présent. On ne peut pas se mettre à penser trop », me dit-il plus tard. Je hoche la tête pendant qu’il continue à m’expliquer comment déjouer un gardien. « Tout est dans la tête », conclut-il.

Après la victoire, le groupe se dirige sur un terrain vide, loin de la demi-finale entre l’Australie et l’Afrique du Sud, et Sandison observe que certains de ses joueurs sont naturellement bons. En plus d’Amrit, il y a ses coéquipiers de Surrey, Sandhu et Panesar, qui se partagent cinq buts en temps réglementaire et en tir de barrage. Un entraîneur australien avait comparé les mouvements du gardien Liam Manning à ceux d’un gardien de but de hockey sur glace. À mon avis, si ça fonctionne…

Neuf corps marchent dans la nuit humide. Toujours ensemble après douze heures. Ils sont maintenant un peu plus liés par quelque chose d’imperceptible qui dépasse les chiffres sur le tableau d’affichage. C’est peut-être le concept qu’ils ont. « Nous voulons juste jouer notre hockey canadien », répète Sidhu aux journalistes après le match.

Notre hockey canadien a pris vie à Nanjing.

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Trois: Que sont les Jeux olympiques de la jeunesse?

Je dois admettre que les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) sont un peu difficiles à expliquer.

Il ne s’agit pas de Jeux olympiques pour ados. Et il ne s’agit pas non plus d’un ramassis de championnats du monde juniors. Dans la plupart des sports, ces championnats sont déjà clos. Le niveau de compétition est plutôt élevé dans certaines épreuves. Par exemple, Ruta Meilutyte, la championne olympique de 2012 en natation, est ici, et comme je l’ai déjà mentionné, 72 équipes ont pris part au tournoi de volleyball de plage. Les craintes entourant l’éclosion d’ebola ont empêché l’équipe masculine de Sierra Leone (et d’autres pays également touchés) de voyager jusqu’à Nanjing. Et bon nombre des meilleurs athlètes au monde dans beaucoup de sports sont absents de ces Jeux.

Les Jeux olympiques de la jeunesse comportent aussi un volet appelé Culture et éducation, rebaptisé « Compétition, apprentissage et partage ». Les organisateurs des prochains JOJ souhaitent que ce nom colle jusqu’à Lillehammer 2016. Il reflète mieux cet aspect des Jeux auquel il faut bien accoler un nom.

Alors, que sont les Jeux olympiques de la jeunesse? À mes yeux, il s’agit d’une sorte de camp d’été pour athlètes de talent. Ces athlètes ont la chance de concourir dans des installations de qualité olympique, de vivre une expérience culturelle fantastique et de profiter aussi d’une expérience éducative qui leur permet de faire des apprentissages et de partager avec la communauté internationale.

Deux : Bouffe, dodo, transpo. Répétez.

Les gestionnaires sportifs vous le diront, le succès des Jeux olympiques repose sur trois choses. De la bonne nourriture, un lit confortable et des moyens de transport fiables. Si un athlète a les trois, le reste dépend de son entraînement et de sa capacité à se montrer à la hauteur de la situation au moment opportun.

L’équipe canadienne habite l’immeuble sept et partage ses quartiers avec la Grande-Bretagne et la Jamaïque. À tous les étages, il y a des drapeaux dans les fenêtres pour repérer facilement qui habite où. Le but de l’équipe de mission était de créer un environnement confortable où les athlètes pourraient obtenir tout ce dont ils ont besoin en tout temps. Que ce soit de la physio ou un bol de céréales.

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Parlons un peu de nourriture parce que c’est un de mes sujets préférés. Les immeubles du village sont tout neufs et ont été construits spécialement pour les Jeux. Avant d’arriver au quartier résidentiel, on traverse un décor pittoresque de sentiers sinueux bordés de nénuphars et de lampes.

Pour se rendre à la cafétéria, on passe devant les activités culturelles, un McDonald’s et des commodités comme une banque, un bureau de poste et une boutique de produits des Jeux. J’ai dit McDonald’s? Je voulais dire McCafé. Il n’y a pas de Big Mac, juste du café et des pâtisseries beaucoup trop tentantes.

Le CIO a placé sa tente « Apprendre et partager » à l’entrée et à la sortie de la cafétéria. C’est un peu comme la boutique souvenir d’un musée, sauf qu’ici on propose des connaissances réparties en sections thématiques bien ordonnées. Les visiteurs sont nombreux parce que l’endroit est invitant et surtout, parce qu’il se trouve entre des adolescents affamés et leur prochain repas.

La cafétéria est un immeuble impressionnant de six étages illuminé de partout. Les quatre étages du haut possèdent deux cafétérias situées de chaque côté d’un escalier roulant qui fait défiler les athlètes comme dans un jeu vidéo gastronomique. Quand un étage est plein, l’étage suivant se remplit presque instantanément.

On y trouve une bonne variété de cuisines : continentale (en général des pâtes), chinoise, asiatique et méditerranéenne. Mais les appellations ne veulent pas dire grand-chose. Il y a du bœuf, du poulet, du poisson, des légumes, des pâtes et du riz dans une variété de combinaisons et de sauces. Pour être franc, c’est assez bon. Les athlètes peuvent parfois trouver difficile d’éviter l’huile ou le gras, mais ils peuvent se rabattre sur la section sans gras où l’on trouve beaucoup de fruits.

La section la plus divertissante est sans doute la table des assaisonnements dont l’objectif est de nous aider à manger comme à la maison. Pour les Canadiens, c’est un franc succès. Il y a du sirop d’érable du Québec (c’est ce qui écrit sur l’étiquette).

Je ne vous ennuierai pas avec une description du système d’autobus. Il fonctionne bien. On peut se rendre aux sites, plus ou moins rapidement. Il suffit de bien planifier ses déplacements. Assurez-vous d’arriver tôt pour ne pas avoir à vous asseoir sur le plancher.

Blogue : La Chine m’a toujours fascinée.

En tant qu’Occidental, et un peu comme tout le monde, je pense que la Chine est constamment d’actualité en raison de son histoire et de son énorme population. Je parie que vous pensez aussi à la Chine, d’une façon ou d’une autre, au moins chaque semaine. Les objets qui nous entourent ne sont qu’une des preuves que la Chine fait partie de notre vie de tous les jours.

J’ai plus de liens avec la Chine que la moyenne des gens. C’est que je suis à moitié Chinois. Si j’ai fait quelques escales sympathiques à Hong Kong, je n’ai jamais mis les pieds sur le continent. Jusqu’à maintenant.IMG_3709

 

Je suis à Nanjing, l’ancienne capitale de la Chine, qui se trouve à environ 300 km de Shanghai et de la côte dans le sud-est du pays. C’est là que se dérouleront les deuxièmes Jeux olympiques de la jeunesse.

VOIR AUSSI : Nanjing 2014 : L’équipe canadienne de volleyball de plage est prête pour les JOJ

Les Jeux olympiques de la jeunesse sont probablement une des compétitions sportives les plus remarquables au monde. C’est gros : il y a 3 800 athlètes en compétition, soit environ 1 000 de plus qu’à Sotchi 2014 (mais ce sont des Jeux d’été). En tout, 28 sports sont présentés, et certains sont des variations des sports traditionnels. Il y aura des compétitions de basketball 3 contre 3 sur le modèle du sport pratiqué dans la rue. Il y aura aussi des sports mixtes où les pays créeront des épreuves combinées. Mais surtout, les Jeux de la jeunesse ont un but bien précis, et le CIO nous le rappelle constamment.

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Que se passe-t-il lorsqu’on associe une vision de grandeur à un événement aussi complexe que les Jeux olympiques avec des milliers de jeunes de 15 à 18 ans? C’est ce que je tenterai de découvrir.

Je vivrai comme un athlète. Je dormirai au village, je mangerai la même chose qu’eux et j’aurai accès aux coulisses des sites. J’explorerai aussi Nanjing et ses quartiers chargés d’histoire. Qui sait, peut-être en apprendrai-je davantage sur mon héritage. Au moins, on ne pourra plus me faire remarquer que je ne suis jamais allé dans le pays de mes ancêtres pendant les soupers de famille. J’y suis maintenant.