Paige Crozon et Michelle Plouffe se félicitent.FIBA Basketball
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L’équipe canadienne 3×3 parle de basketball, d’humilité et de la route vers les Jeux olympiques de Paris 2024

Quelles sont les qualités nécessaires pour exceller au basketball 3×3 ? Selon la joueuse d’Équipe Canada Michelle Plouffe, il faut bien plus qu’afficher un bon niveau à 5×5. En fait, d’après Plouffe, les bonnes joueuses à 5×5 doivent adopter une approche à 3×3 où elles font preuve de ce qu’elle appelle un « esprit d’humilité ».

« Il faut voir les choses comme une évolution et se dire: ‘Voilà une occasion d’apprendre une nouvelle façon de jouer’, plutôt que d’avoir l’idée fixe que ‘je connais le basketball’ », explique Plouffe.

Quand on discute avec Plouffe, ainsi qu’avec sa sœur jumelle Katherine Plouffe et leur coéquipière Paige Crozon, il n’est pas rare d’entendre des expressions comme ‘humilité de l’esprit’ et des mots comme ‘caractère’ et ‘confiance’.

Dans le cadre d’une discipline qui ne permet qu’à trois athlètes d’évoluer sur le terrain, ne compte qu’une joueuse remplaçante sur les lignes de côté et se joue sans entraîneur, il est essentiel d’avoir une confiance inébranlable en ses coéquipières. Les Plouffes, Crozon et l’autre membre du quatuor de coéquipières, Kacie Bosch, ont tissé des liens non seulement en raison du travail d’équipe qu’elles ont réalisé sur le terrain, mais aussi de l’engagement solennel qu’elles ont pris à atteindre un objectif commun, celui de représenter le Canada aux Jeux olympiques de Paris 2024.

Comment tout a commencé

Pour bien des gens, le basketball 3×3 évoque des images de matchs improvisés plutôt que de compétitions à l’échelle internationale. Ce sont les origines urbaines et la facilité d’accès du 3×3 (le 3×3 se joue sur un demi-terrain avec un seul panier) qui ont d’abord attiré l’attention de la Fédération internationale de basketball (FIBA) et lui a fait réaliser le potentiel qu’avait cette discipline pour contribuer à la croissance du basketball dans le monde.

Michelle Plouffe, Katherine Plouffe, Paige Crozon et Kacie Bosh célèbrent sur le terrain.
FIBA 3×3

À LIRE : FAQ: Qu’est-ce que le basketball 3×3?

En 2007, la FIBA a décidé de tester cette forme alternative du basketball aux Jeux olympiques de la jeunesse de 2010. Le succès que cette discipline a connu à ces jeux a confirmé l’intérêt que démontrait la FIBA à l’endroit du 3×3 et accéléré la mise en place d’un plan pour en assurer le développement, notamment en l’intégrant au programme olympique. La Fédération a lancé une Coupe du Monde et le circuit FIBA 3×3 World Tour en 2012. À Tokyo 2020, le 3×3 a été disputé aux Jeux pour la première fois.

Entre-temps, au Canada, Crozon a donné naissance à sa fille, Poppy, en 2018. Après l’arrivée de Poppy, Crozon avait l’intention de poursuivre sa carrière en basketball 5×5. Elle a communiqué avec plusieurs clubs outre-mer, mais ceux-ci n’étaient pas entichés à l’idée d’accueillir une mère monoparentale au sein de leur organisation.

Sauf qu’avec le 3×3 qui s’amenait à titre de nouvelle discipline, peut-être qu’une occasion allait se présenter à elle au pays. Une discussion téléphonique entre Crozon et Michelle Plouffe — elles avaient été coéquipières à l’Université Utah State — a fait germer l’idée de… « nous pourrions aller aux Jeux olympiques ! »

« Elles [les Plouffe] en étaient à un tournant de leurs carrières elles aussi, alors nous avons dit OK, essayons de nous qualifier », a raconté Crozon. Les sœurs jumelles, deux athlètes de basketball à cinq contre cinq, avaient joué en France et elles avaient vu le niveau de popularité du 3×3 décupler outre-mer.

Conseillées par leur ami Steve Sir, qui joue au sein de l’équipe canadienne masculine 3×3, et le père de ce dernier, Paul Sir, directeur général de l’Association de basketball de l’Alberta, les trois joueuses ont dressé une liste de tournois qu’elles pourraient disputer. Quelques semaines plus tard, elles ont payé elles-mêmes leurs voyages un peu partout en Europe afin d’essayer de se qualifier pour les Séries féminines de la FIBA 3×3.

Michelle Plouffe, Katherine Plouffe, Paige Crozon et Kacie Bosh célèbrent avec le drapeau canadien.
Équipe Canada célèbre sa victoire en Séries féminines FIBA 3×3 ​​à Edmonton, le dimanche 24 septembre 2019. (FIBA 3×3)

Michelle Plouffe décrit l’été 2019 comme une folle aventure. « Quand nous nous sommes inscrites à notre premier tournoi, nous n’avions même pas de quatrième joueuse dans l’équipe! », lance-t-elle en riant.

Avant même de célébrer son premier anniversaire de naissance, Poppy a voyagé en Europe six fois cet été-là alors que sa mère et les autres joueuses de l’équipe ont essayé de faire de leur ambitieux objectif une réalité.

Le reste du monde en a pris bonne note. L’équipe a remporté quatre des sept tournois où elle s’était inscrite, et a accédé au podium toutes les fois sauf une. Les Canadiennes ont battu la France, classée au premier rang, au début de l’été, au moment où elles ne savaient pas vraiment ce qu’elles faisaient, et elles ont signé plusieurs victoires contre les États-Unis, une formation établie.

« Dès le départ, il fallait bien faire non seulement pour le bien de notre équipe, mais aussi pour mettre en place un programme 3×3 qui allait être durable, qui allait pouvoir continuer même après nos retraites », souligne Katherine Plouffe.

En plus d’être joueuse à 3×3, Crozon agit comme gestionnaire d’équipe pour la Ligue de basketball autochtone Living Skies, en plus de travailler comme entraîneure adjointe avec l’équipe féminine de basketball de l’Université de Lethbridge.

« Nous voyons vraiment l’influence que notre sport peut avoir sur les jeunes et les jeunes filles, ajoute Crozon. Je sais que je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui sans le sport. Je suis tellement reconnaissante aussi du fait que Poppy soit exposée à des modèles qui sont aussi inspirants et aussi forts. »

L’équipe a été comparée à la légendaire formation des Grads d’Edmonton en raison du statut de pionnières de ses joueuses au sein de cette nouvelle discipline.

Report du rêve olympique 

Sauf qu’au mois d’août, les Canadiennes ont encaissé un dur coup quand, en raison d’une combinaison complexe de règles de la FIBA, on a décrété que le Canada pouvait seulement déléguer une équipe masculine ou une équipe féminine aux Jeux. L’équipe féminine 3×3 allait se voir refuser la possibilité de se qualifier parce que le pays avait été représenté par l’équipe féminine au tournoi de cinq contre cinq à l’occasion des deux présentations précédentes des Jeux olympiques. Le Canada n’avait pas vu d’équipe masculine à cinq contre cinq participer aux Jeux olympiques depuis 2000, donc on a offert à la formation masculine 3×3 de le faire. La FIBA a par ailleurs décidé que les 100 meilleurs athlètes de chacun des genres allaient récolter des points pour leur fédération nationale. Cette règle a frustré les athlètes étant donné que les Séries féminines ne permettaient qu’à une équipe par pays de gagner des points pour sa fédération, tandis que chez les hommes, plusieurs équipes pouvaient le faire.

« Nous étions plutôt abattues parce que nous nous sommes lancées dans ce projet en pensant que ce serait faisable d’y arriver », avait déclaré Michelle dans une entrevue réalisée à l’époque .

Abattues, mais sans se décourager, et grâce au soutien accru de Canada Basketball, l’équipe s’est engagée à essayer de se qualifier pour Paris 2024.

Kacie Bosch, Paige Crozon, Katherine Plouffe et Michelle Plouffe d'Équipe Canada célèbrent après avoir remporté l'argent à la Coupe du monde 2022.
Kacie Bosch, Paige Crozon, Katherine Plouffe et Michelle Plouffe d’Équipe Canada célèbrent après avoir remporté l’argent à la Coupe du monde de basketball FIBA ​​​​3X3 2022 (Photo: FIBA 3×3)

Beaucoup de choses ont changé depuis les premiers jours. Le Canada a accru ses efforts pour assurer le développement du 3×3 et maintenant, il y a des équipes féminines U18 et U23 qui participent à des compétitions à l’échelle internationale. Les provinces investissent au niveau de la base en organisant des tournois au niveau local. Il y a trois étapes canadiennes des Séries féminines FIBA 3×3. Puis, l’équipe composée de Crozon, de Bosch et des Plouffe a ajouté une entraîneure au groupe, l’athlète de trois Jeux olympiques Kim Gaucher

En plus d’avoir des antécédents fort impressionnants à titre de joueuse (elle a notamment été la première Canadienne à participer à une finale de la WNBA), Gaucher comprend fort bien les difficultés que Crozon doit affronter en tant que mère et athlète. Gaucher a fait les manchettes à l’approche des Jeux olympiques de Tokyo quand elle s’est insurgée contre les règles empêchant les athlètes qui allaitent d’être accompagnées par leurs nourrissons aux Jeux.

Les trois joueuses affirment que l’ajout de Gaucher a permis non seulement de rehausser leur niveau de performance sur le terrain, mais aussi d’accroître leur capacité à contribuer au développement du programme dans son ensemble. 

Elles suivent un parcours qui n’a pas toujours été facile, mais les membres de l’équipe estiment que leur dur labeur va finir par porter ses fruits, et elles croient dur comme fer que ce n’est pas juste le résultat d’un match ou d’un tournoi qui compte, mais aussi le processus en soi.

« Je pense que le travail acharné en vaut la peine parce que tu vois à quel point ça te fait évoluer au bout du compte, déclare Katherine Plouffe. Tout a une signification beaucoup plus profonde quand tu passes à travers les écueils et que tu dois combattre pour passer au travers et remporter le prix que tu cherches à remporter. Ensuite, tu réalises que même si tu ne remportes pas le prix, le prix c’est aussi le fait d’avoir grandi et évolué, de voir que tu es capable d’accomplir des choses difficiles. »

Une philosophie 3×3

Quand on leur demande de nommer un élément particulier du 3×3 qu’elles souhaiteraient faire connaître aux gens, les Plouffe et Crozon donnent à toutes fins utiles la même réponse: à quel point cette discipline permet d’optimiser le développement des habiletés, de même que les qualités de leadership et la capacité à communiquer.

« J’aurais aimé pourvoir faire du 3×3 plus tôt au cours de ma carrière à cinq contre cinq, dit Crozon. Je trouve que c’est très bon pour le développement. Étant donné qu’il y a seulement trois joueuses sur le terrain, il faut que tu sois capable de faire preuve de créativité à l’attaque et de marquer des points, mais ça t’aide aussi défensivement parce que tu n’as pas de coéquipières qui se trouvent derrière toi pour t’aider. Tu dois donc vraiment apprendre à garder la joueuse adverse devant toi en tout temps quand elle se lance à l’offensive. »

Paige Crozon lève les bras dans les airs.
Paige Crozon célèbre lors de la Coupe du monde de basketball FIBA ​​3X3 2022 (Photo : FIBA)

Outre les habiletés techniques, le fait qu’aucun entraîneur ne puisse se trouver sur le terrain pendant les matchs signifie que les joueuses doivent apprendre à se soutenir et à s’encourager les unes les autres.

« Je pense qu’une des choses que j’aime le mieux avec le 3×3 et que les gens qui regardent les matchs ne savent peut-être pas, c’est que tu peux faire preuve d’autonomie sur le terrain, explique Katherine Plouffe. En raison du fait qu’on ne peut pas avoir d’entraîneur sur le terrain, il faut prendre des décisions et veiller à la façon dont il faut s’adapter en cours de match. C’est bien d’avoir cette indépendance et de pouvoir apporter quelque chose à l’équipe en tant que joueuse. »

« Parce qu’il y a seulement trois joueuses à la fois sur le terrain, le fait d’avoir cette chimie, ou ce que nous appelons de la fluidité, représente quelque chose d’important et c’est vraiment ce qui fait la différence entre les meilleures équipes et les autres », ajoute Crozon.

La chimie qu’il y a au sein d’Équipe Canada va au-delà du terrain. Le côté loufoque de Bosch fait contrepoids à l’anxiété que ressent parfois Crozon avant les matchs. Le calme affiché par Michelle Plouffe aide tout le monde à maintenir le cap.

« Je pense que ce qui a été spécial avec notre parcours, c’est que nous sommes un peu comme une famille, d’autant plus qu’il y a parfois des enfants qui nous accompagnent sur la route », souligne Michelle.

« Je suis tellement fière de Paige, ajoute Katherine Plouffe. À notre dernier tournoi, elle a amené Poppy et je pense que c’était la première fois qu’elle voyageait sans membre de sa famille pour l’accompagner et l’aider. Alors elle passait constamment du rôle de mère à celui de joueuse. Je sais que les gens le remarquent quand nous participons à nos événements, ils disent des choses comme, ‘wow, elle a un enfant et elle brille à ce point-là sur le terrain!’ C’est tellement formidable à voir. »

Crozon fait remarquer qu’il y avait beaucoup d’entraves pour les parents, surtout les mères dans le sport, dont elle ignorait l’existence jusqu’à ce qu’elle le vive à son tour. Cependant la chose qui l’a le plus aidée, c’est d’avoir pu en parler ouvertement avec Canada Basketball. Crozon déclare qu’elle se sent maintenant à l’aise de demander si elle peut emmener avec elle Poppy et une autre personne capable d’assurer la garde de son enfant aux camps d’entraînement et aux compétitions, ce qui lui permet d’éviter d’être loin de sa fille pendant de longues périodes.

Bien que les membres de l’équipe ne travaillent pas de façon particulière sur la chimie en dehors du terrain comme elles le font pour leur cohésion sur le terrain, Crozon affirme qu’elles sont toutes des personnes qui accordent de l’importance à la vie de groupe et au moment présent. « Quand nous passons du temps ensemble, nous laissons nos téléphones de côté. Nous faisons ça de façon très consciente, ce qui je pense est plutôt rare. »

« Nous n’allons pas jouer ensemble jusqu’à la fin des temps, mais le sport est une belle arène pour évoluer en tant que leaders dans nos familles, nos communautés et au-delà, et pour évoluer en tant que personnes aussi, de façon que nous puissions développer une force de caractère qui va au-delà du sport, au-delà du basketball », dit Katherine Plouffe.

La saison 2023 et la route vers Paris

Ces liens ont contribué à leurs succès dès le départ, mais aussi par la suite. Équipe Canada a décroché le titre 2022 des Séries féminines la saison dernière, ainsi que l’Americup FIBA, en plus de la médaille d’argent à la Coupe du Monde FIBA 3×3.

Jusqu’ici cette année, l’équipe a signé des victoires à l’occasion de trois étapes des Séries féminines FIBA 3×3, à Poitiers, en sol canadien à Edmonton et à Prague, en plus de finir en troisième place à Orléans et Bordeaux.

Un match de basketball féminin 3x3
Twitter/@CanBball

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« Les Jeux olympiques, c’est l’objectif général, reconnaît Katherine Plouffe, mais ça aide aussi de le diviser en objectifs qui s’attardent davantage à ce que nous devons arriver à faire de tournoi en tournoi, parce que ça nous permet d’avancer vers ça. »

La stratégie des joueuses de l’équipe est d’établir un standard, celui d’accéder au podium à chacun des tournois qu’elles disputent, afin de se placer dans la meilleure position possible en vue du tournoi de qualification olympique du printemps prochain, compétition où elles rivaliseront pour obtenir une place pour Paris 2024. Cet été, Équipe Canada prendra part à deux autres étapes des Séries féminines FIBA 3×3 au Canada — une à Québec et l’autre à Montréal, ainsi qu’à l’étapes à Debrecen, en Hongrie. Les huit équipes les mieux classées sur le circuit disputeront la finale à Oulan-Bator, en Mongolie, à la mi-septembre.

« Notre objectif et notre vision d’ensemble pour l’équipe est de mettre la main sur une médaille aux Jeux olympiques, avance Michelle Plouffe. C’est là où nous nous voyons. »