Ana Padurariu : faire face aux défis sans fin de 2020
Je savais que 2020 serait une année remplie de défis. Ce dont je ne me doutais pas, c’était le nombre de défis auxquels j’allais faire face.
J’amorçais cette année avec une cheville gauche qui avait besoin d’une chirurgie, ainsi que des entorses à mon autre cheville et à l’orteil. Les médicaments antidouleur et moi étions devenus de bons amis.
Peu importe. J’étais pour endurer ces blessures jusqu’à ce que je réalise enfin mon rêve olympique.
Puis, le monde a commencé à vivre une catastrophe que personne n’avait traversée avant. Toutes les compétitions qui devaient être disputées dans un avenir rapproché ont été annulées et – je ne vais pas mentir – j’étais soulagée.
Je me suis dit que la pandémie allait durer environ un mois et que pendant ce temps, j’utiliserais des matelas plus mous pour pratiquer mes routines. Cela allait donner à mon corps et à mon esprit le repos nécessaire pour rester en forme jusqu’aux essais olympiques à la fin du mois de mai.
Le soir du 22 mars, alors que j’étais allongée dans mon lit afin de me préparer pour une autre longue journée d’entraînement, j’ai reçu un message texte expliquant que le Comité olympique canadien avait pris la décision de ne pas participer aux Jeux olympiques de Tokyo si ceux-ci se déroulaient comme prévu cet été.
Dans les jours qui ont suivi, il a été annoncé que les Jeux étaient officiellement reportés jusqu’en 2021.
Ce qui a commencé comme une marée d’incrédulité, de frustration et de tristesse est devenu une grosse vague qui m’a engloutie.
Pendant des jours, j’ai coulé.
Je recevais des messages de soutien de mes entraîneurs et de mes coéquipières, mais je voulais fuir tout cela, prétendre que rien n’était arrivé. Je ne pouvais pas croire que tout le dévouement et les efforts de notre équipe étaient emportés par quelque chose qui était hors de notre contrôle.
Mentalement, j’étais prête à prendre une pause de l’entraînement, après avoir passé d’innombrables heures au gym pendant plusieurs années, sans jamais prendre de vacances.
J’ai aussi appris à apprécier la valeur des petites choses que j’avais.
J’ai repris des passe-temps auxquels je n’avais pas consacré d’attention depuis un moment, comme le piano et le dessin.
Je suis restée en contact avec plusieurs personnes. Mon entraîneure Elena Davydova a mis sur pied un programme de conditionnement spécialement conçu pour que nos corps soient encore en bonne forme au moment où nous allions revenir au gym.
Nous avons fait des appels vidéo hebdomadaires avec mon groupe d’entraînement et plusieurs réunions avec Gymnastique Canada. Ceux-ci nous ont permis de travailler sur notre créativité, de faire des séances de Pilates, de travailler sur l’aspect mental de l’entraînement, de parler de nutrition et, aussi, de faire des jeux amusants. Nous avons eu des soirées quiz, un spectacle de variétés, des concours de cheveux les plus fous. Chaque entraîneur de l’équipe nationale a aussi jumelé une gymnaste junior à une gymnaste senior pour des séances d’entraînement. C’était vraiment une façon géniale d’apprendre à connaître toutes les super filles qui font partie de notre équipe.
Mes chevilles ont aussi eu du temps pour guérir. Je les ai laissées au repos pendant environ deux semaines, puis j’ai repris l’entraînement doucement. Maintenant, je cours le matin afin de conserver mon endurance. On m’a donné une petite poutre que j’utilise pour pratiquer certaines figures, mais c’est vraiment plus difficile de s’entraîner sur un chemin ou sur le gazon que sur un plancher qui rebondit!
J’ai recommencé les vrais entraînements récemment, et j’ai retrouvé mon amour et ma motivation pour ce sport. Bien sûr il y a des règles strictes en place, puisqu’on doit être à distance des quelques filles qui ont le droit d’être au gym en même temps, et les entraîneurs font un travail génial pour désinfecter l’équipement plusieurs fois par jour.
C’était définitivement très étrange de retourner sur les engins, surtout les barres asymétriques puisque c’est l’épreuve la plus difficile à pratiquer à la maison. Étant donné que je grandis encore, je dois constamment m’ajuster à mon corps qui change. Après la première journée de retour à l’entraînement, je n’ai presque pas dormi les deux premières nuits tellement mes muscles étaient endoloris. Par contre, la mémoire musculaire fait son travail chaque fois que j’essaie pour la première fois un mouvement déjà appris. Je m’ennuyais de la poussée d’adrénaline qui vient avec l’essai de quelque chose de nouveau qui est un peu effrayant, mais que tu complètes avec succès.
Pendant les derniers mois, j’ai discuté avec plusieurs personnes à savoir si j’allais ou non fréquenter UCLA cet automne afin de poursuivre mes études, ce qui était initialement prévu avant le report des Jeux olympiques. Toutes ont démontré leur soutien et m’ont dit que cela dépendait de mon désir, ce dont je suis très reconnaissante.
Il y a vraiment beaucoup de variables à considérer. Cependant, j’ai décidé que j’allais me joindre au programme d’élite de gymnastique et à la NCAA.
La gymnastique est plus facile dans la NCAA, puisque l’objectif principal est d’obtenir une note parfaite de 10. Donc, il y a aussi beaucoup moins d’entraînement que ce à quoi je suis habituée. Je me suis entraînée plus de 30 heures par semaine au cours des sept dernières années dans le but de participer aux Jeux olympiques, mais selon les règles de la NCAA, les gymnastes peuvent s’entraîner au maximum 20 heures par semaine. Je vais devoir demander mon propre programme d’entraînement si j’estime que je dois en faire plus afin de conserver mon meilleur niveau dans les figures les plus difficiles que je dois réaliser dans les compétitions d’élite.
Peu importe, je sais que les entraîneurs à UCLA sont tous très expérimentés à tous les niveaux de gymnastique et qu’ils ont l’ambition d’aider chaque fille à réaliser son rêve.
Il existe aussi un support académique incroyable qui m’aidera à ne pas être débordée avec tous les entraînements et les cours que je devrai suivre afin d’accomplir mon rêve de devenir une ingénieure biomédicale.
Ce sera un défi d’être loin de ma famille et de mes amis pour les quatre prochaines années, mais je suis fébrile à l’idée d’être aux côtés d’athlètes olympiques et de professeurs qui ont remporté des prix. Des gens qui m’ont inspirée sur le plan académique et de la gymnastique depuis plusieurs années.
Je suis tellement privilégiée de faire partie d’une équipe nationale qui mise sur des entraîneurs incroyables, qui détiennent des décennies d’expérience dans ce sport et qui ont aidé toutes ces filles à devenir non seulement d’incroyables gymnastes, mais aussi des êtres humains géniaux. Notre esprit d’équipe a tellement grandi au fil des années que nous passons notre temps à rire ensemble, à nous motiver et à nous supporter tant dans les bonnes que dans les mauvaises expériences.
Chaque personne apporte un aspect unique à l’équipe, qui la rend si diversifiée et spéciale. Ellie est la « maman cool », Victoria agit comme la grande sœur et toutes les deux, elles prennent soin de notre groupe. Shallon est excentrique, tandis que Brooklyn et Rose apportent du calme et de l’élégance. J’aime être la blagueuse qui adore porter des bas originaux.
Le travail d’équipe continuel et l’assiduité à l’entraînement de notre groupe, qui inclut toutes les personnes qui travaillent dans l’ombre, ont fait en sorte que les dernières années ont été les meilleures de la gymnastique canadienne. Chaque jour, je suis reconnaissante d’avoir l’occasion de représenter ce beau pays, de créer des amitiés et des souvenirs que je conserverai toute ma vie.
Ana Padurariu a fait ses débuts aux Championnats du monde en 2018, remportant la médaille d’argent à la poutre et aidant le Canada à terminer quatrième dans l’épreuve par équipe, le meilleur résultat de son histoire. Un an plus tard, elle faisait partie de l’équipe qui a qualifié le Canada en gymnastique artistique pour les Jeux de Tokyo 2020, où elle espère faire ses débuts olympiques après sa première année avec les Bruins de UCLA.