HE CANADIAN PRESS/Graham Hughes
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Prouver à nouveau : Stellato-Dudek et Deschamps prêts à marquer l’histoire une fois de plus

« Le fait que nos concurrents pensent que nous ne serons pas une menace cette année me plaît énormément, parce que j’adore surprendre les gens. »

Deanna Stellato-Dudek ne mâche pas ses mots lorsqu’on lui demande comment elle et son partenaire Maxime Deschamps ont vécu leur statut de champions du monde la saison dernière : « pas très bien ».

Remporter un titre mondial — et le faire devant une foule comble dans leur ville natale — leur a offert de nombreuses opportunités, mais aussi des défis uniques et imprévus alors qu’ils devaient s’adapter à une nouvelle réalité.

Lors des Championnats du monde de patinage artistique ISU 2024 à Montréal, Stellato-Dudek — âgée de 40 ans — est devenue la femme la plus âgée à avoir jamais remporté un titre mondial dans une discipline de patinage artistique. Quant à Deschamps, il a réalisé ce qui semblait autrefois un rêve impossible avec sa neuvième partenaire.

Deanna Stellato-Dudek and Maxime Deschamps carry a big Canadian flag on a pole on a victory lap of the ice
Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps, du Canada, célèbrent leur victoire dans l’épreuve libre en couple lors des Championnats du monde de patinage artistique ISU 2024, à Montréal, le jeudi 21 mars 2024. LA PRESSE CANADIENNE / Graham Hughes

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Soudainement, ils se sont retrouvés sous les projecteurs. Ils ont été invités à l’émission Tout le monde en parle sur Radio-Canada. Ils ont aussi fait une tournée au Japon et au Canada avec Stars on Ice.

Mais en tentant de donner suite à leur saison historique, Stellato-Dudek admet : « Je crois qu’on a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre » durant la saison 2024-2025.

Dans ce qu’ils qualifient aujourd’hui d’« erreur stratégique », ils ont décidé de modifier plusieurs de leurs éléments pour apporter de la nouveauté. Cela a cependant conduit à de nombreuses erreurs au cours d’une saison inconstante. Aux Mondiaux du printemps dernier, ils ont terminé au pied du podium, à la cinquième place.

« Après les Championnats du monde, Max et moi, on s’est assis et on a eu une conversation, et on ressentait exactement la même chose. Nous sommes passés de champions à combattants. Et c’est dans ces moments difficiles qu’on trouve l’occasion et la flamme pour se relever. Et aucun de nous deux n’a jamais été aussi motivé », raconte Stellato-Dudek, à propos de leur état d’esprit en cette saison olympique.

« On adore poursuivre les autres. C’est là qu’on est bons. Et les autres équipes n’aiment pas qu’on soit derrière eux », ajoute Deschamps.

Même s’ils savaient pertinemment qu’ils ne « défendaient » pas vraiment un titre mondial la saison dernière (« Ce n’est qu’une autre compétition », dit Stellato-Dudek), le fait qu’on leur en parle constamment a rendu la situation difficile à ignorer. Mais ils sont sans aucun doute heureux de redevenir une équipe à l’offensive.

« C’est comme ça qu’on a gagné notre titre mondial. Et maintenant, on est revenus dans ce même état d’esprit, ce qui est parfait pour nous », explique Stellato-Dudek. « S’il y a une équipe qu’il ne faut pas sous-estimer, une équipe que vous ne voulez pas sentir juste derrière vous, c’est bien Maxime et moi. »

Female skater in grey dress, male skater in black top and pants perform a death spiral on ice
Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps, du Canada, exécutent leur programme court en couple lors des Championnats du monde de patinage artistique de l’ISU, le mercredi 26 mars 2025, à Boston. (Photo AP / Charles Krupa)

Mettre en place un plan technique

Le patinage artistique est apprécié pour sa combinaison magique d’éléments techniques complexes et de présentations artistiques variées. Mais les résultats se jouent souvent sur des chiffres. Stellato-Dudek et Deschamps ont réalisé une « analyse approfondie » de leurs statistiques de la saison passée pour comprendre ce qui les mènerait vers le succès cette année.

« Par exemple, dans notre programme libre, nous avons 11 éléments. Nous étions premiers ou deuxièmes sur six d’entre eux. C’est plus de la moitié. Mais ça montre aussi très clairement où nous devons nous améliorer. Et cette année, c’était évident : c’était les sauts », explique Stellato-Dudek.

En plus de chercher à être plus constants dans leur exécution, le duo a aussi noté l’importance d’inclure une grande combinaison de trois sauts (dans leur cas, triple boucle piquée – double axel – double axel) dans leur programme libre, pour rivaliser avec les autres équipes prétendantes aux médailles.

« Max et moi, quand nous irons aux Jeux olympiques, nous voulons gagner. Bien sûr, nous aimerions décrocher une médaille. Et quand nous le ferons, nous allons marquer l’histoire. C’est notre moment. C’est maintenant. Alors nous allons faire tout le travail nécessaire pour atteindre le sommet de cette montagne », déclare Stellato-Dudek avec conviction.

Ils ont présenté leurs programmes de la saison olympique lors d’un événement de la série Challenger de l’ISU, à New York, au début de septembre. Leur programme court — sur la pièce épique Carmina Burana, où Deschamps incarne le dieu du destin éveillant Stellato-Dudek, déesse de la fortune — comprend un nouvel élément spectaculaire jamais vu aux Jeux olympiques : un backflip assisté.

Même si cet élément n’est pas noté pour sa difficulté technique, les backflips ne valent plus de déduction de deux points depuis qu’ils ont été autorisés dans les programmes compétitifs la saison dernière. Celui-ci vise à créer un moment « wow » aux Jeux de Milano Cortina 2026.

C’était une idée de Stellato-Dudek, que Deschamps jugeait au départ « folle », craignant les risques de blessure. Mais sa partenaire l’a convaincu d’essayer dans un gymnase, sous la supervision de la gymnaste olympique Rose-Kaying Woo (Rio 2016). Après un premier essai concluant, Deschamps a vite accepté de l’adapter sur patins et sur glace.

« Max et moi, presque chaque année, nous faisons quelque chose que personne d’autre ne fait. Parfois c’est imité, parfois non, mais je ne pense pas que celui-ci le sera de sitôt », affirme Stellato-Dudek.

Un regard artistique renouvelé

Leurs deux programmes de la saison ont été chorégraphiés par Lori Nichol, la Canadienne rendue célèbre pour son travail avec la star américaine Michelle Kwan à la fin des années 1990.

C’était une collaboration attendue depuis longtemps.

« J’étais censée travailler avec elle quand j’étais patineuse en simple, parce que mon entraîneure lui avait enseigné », raconte Stellato-Dudek, évoquant sa “carrière 1.0” qui lui avait valu une médaille d’argent aux Championnats du monde juniors 2000 avant qu’une blessure ne la force à prendre sa retraite. « J’ai raconté cela à Maxime lors de notre essai, et il m’a dit : “Oh, moi aussi, j’ai toujours voulu travailler avec elle.” Alors on s’est promis que si l’occasion se présentait, on le ferait. Et cette année, c’était le moment parfait. »

De ce processus chorégraphique, décrit comme une « belle collaboration », sont nés, selon Stellato-Dudek, « deux chefs-d’œuvre magiques ».

« J’ai toujours voulu créer des programmes comme ceux des danseurs. Avec les bons danseurs, on cligne des yeux et leur programme est déjà terminé. Quatre minutes dix secondes passent en un éclair. Et j’ai toujours voulu que ce soit la même chose pour les couples en patinage artistique », explique-t-elle.

Leur programme libre est intitulé “Amor Dulce Muerte”, une pièce de musique espagnole du guitariste flamenco Vicente Amigo.

« Nous incarnons deux amants qui patinent sur sa musique. Et sa musique s’inspire du poète espagnol Rafael Alberti », raconte Stellato-Dudek. « Il y a beaucoup de puissance et de passion dans ce programme, mais le fil conducteur, c’est l’amour — l’amour guide chaque pas. »

Tout faire pour réussir

Pour Deschamps, le travail qu’ils accomplissent avant une compétition est tout aussi révélateur du succès que les résultats eux-mêmes. Pour Stellato-Dudek, qui est revenue au sport de haut niveau à 33 ans après 16 ans d’absence, cela a signifié tracer un chemin qu’aucun autre patineur artistique n’avait emprunté avant elle.

« J’ai dû faire beaucoup d’essais et d’erreurs par moi-même, parce qu’il n’existait aucun modèle sur la façon de gérer ça — quoi faire à l’entraînement, à la maison, comment atténuer les douleurs », explique-t-elle. « J’ai fait beaucoup de recherches, acheté plusieurs dispositifs, testé beaucoup de choses, et maintenant j’ai trouvé une méthode quasi scientifique. Je n’élimine pas complètement les douleurs de mon corps de 42 ans, mais je parviens à les contrôler pour être aussi en forme que possible chaque matin — pour mon équipe, mes entraîneurs, et surtout pour moi-même. »

Aussi longtemps qu’elle compétitionnera, son âge fera toujours partie de la conversation. Mais c’est un sujet qu’elle aborde volontiers, surtout si son parcours peut inspirer d’autres personnes.

« Les jeunes filles et surtout les femmes dans la quarantaine comme moi, on s’attend souvent à ce qu’elles abandonnent leurs ambitions, leurs rêves, leurs passions, et qu’elles prennent moins de place dans le monde », réfléchit-elle. « J’aimerais décrocher une médaille et gagner, pour envoyer ce message au monde entier : ne reculez pas, tenez bon. Restez fidèles à vos rêves et à vos passions, croyez en vous — car vous aussi, vous pouvez réussir à tout âge. »

« Le message que je veux envoyer à toutes mes copines quadragénaires, c’est : prenez toute la place, prenez toute la place. »

Questions olympiques express avec Deanna et Maxime

Quel est votre premier souvenir des Jeux olympiques ?

Maxime : « En 2002, je regardais Elvis Stojko, Jamie Salé et David Pelletier. Et c’est à ce moment-là que je me suis dit : c’est là que je vais être un jour. »

Deanna : « Pour moi, c’était les Jeux olympiques de Lillehammer en 1994. Ekaterina Gordeeva et Sergei Grinkov sont revenus et ont remporté l’or en couples. Notre entraîneure, elle, avait coaché Isabelle Brasseur et Lloyd Eisler, qui ont gagné le bronze. Et c’est aussi là qu’Oksana Baiul a remporté l’or et Nancy Kerrigan l’argent. Quelques années plus tard, quand j’étais junior, j’ai participé à un Grand Prix junior à Lillehammer, dans cette même patinoire, et je suis montée sur le même podium que les Olympiens. J’ai remporté cet événement et j’y ai vu un signe que de belles choses m’attendaient. »