Ellie Black revient sur les Jeux de Paris 2024 et l’esprit olympique
Ellie Black a rejoint les rangs d’un club sélect à l’échelle mondiale en gymnastique artistique féminine, l’été dernier, quand elle a participé aux Jeux olympiques pour la quatrième fois. L’athlète qui a maintenant 29 ans a créé un précédent au chapitre de la longévité dans son sport alors qu’elle est devenue la première athlète canadienne de gymnastique artistique à participer à quatre éditions des Jeux olympiques.
À Paris 2024, Black a fini sixième du concours complet individuel, une épreuve qui a été dominée par la grande étoile américaine Simone Biles. Black a enregistré à Paris le deuxième meilleur résultat olympique de tous les temps du Canada dans cette épreuve, ayant elle-même obtenu le meilleur classement de l’histoire quand elle avait fini cinquième à Rio 2016.
En raison de son niveau d’expérience, Black était aussi un chef de file et un modèle à suivre pour ses coéquipières au sein de l’équipe canadienne féminine, qui a fini cinquième de la finale par équipes à Paris 2024.
Black fait figure de leader depuis longtemps non seulement en compétition, mais aussi en dehors de ce cadre. Un moment où on la voyait réconforter une concurrente déçue à Paris a retenu l’attention partout dans le monde et représentait un formidable exemple d’esprit olympique, à tel point que Black a vu le Comité international olympique lui remettre le Prix du fair-play.
Olympique.ca a discuté avec Black de son expérience à Paris, de cette étreinte réconfortante devenue virale et de sa participation à la tournée de gymnastique élite de Biles.
Maintenant que la poussière a eu le temps de retomber un peu, peux-tu nous parler de l’expérience que tu as vécue à Paris 2024 ?
Paris a été vraiment extraordinaire, surtout après avoir vécu les Jeux olympiques de la COVID. Être à Tokyo sans avoir nos systèmes de soutien ni nos amis ou nos familles sur place, sans spectateurs, c’était vraiment difficile, et c’était aussi très stressant dans les jours précédant ces Jeux-là.
Les semaines précédant Paris, c’était formidable de me préparer avec mes coéquipières et de savoir que ma famille et mes amis allaient pouvoir assister aux épreuves et être là pour nous encourager.
L’énergie et la fébrilité qu’il y a aux Jeux olympiques sont un élément qu’il ne faut pas négliger, et je trouve que cet aspect-là était vraiment présent aux Jeux de Paris. Les résultats que l’équipe a obtenus dans la compétition ont aussi été excellents et je suis vraiment fière de ce que nous ayons été mesure d’accomplir.
En plus des résultats, je pense que c’était spécial pour moi de participer aux compétitions à Paris parce que je connaissais un grand nombre des autres athlètes dans les différents sports que j’avais croisés au fil des ans, et je suis devenue très proche de plusieurs d’entre eux. Il y a aussi le fait d’avoir pu suivre leurs parcours, les encourager et interagir avec eux pendant les Jeux. Pas seulement les athlètes du Canada, ceux d’un peu partout dans le monde aussi; c’est là un aspect que j’ai vraiment adoré vivre, parce que je trouve que c’est là l’essence même des Jeux olympiques.
Tu as maintenant une longue expérience des Jeux olympiques. Aurais-tu un conseil à donner aux membres de l’équipe de gymnastique qui vont se retrouver aux Jeux pour la première fois, ou même aux athlètes d’Équipe Canada qui évoluent dans d’autres sports?
J’ai beaucoup d’expérience pour ce qui est de disputer les épreuves, mais je dois aussi arriver à contrôler ma nervosité. Il faut y travailler continuellement, mais c’était très spécial de faire partie d’une aussi belle combinaison de filles dans l’équipe. Il y avait quelques athlètes qui avaient déjà participé à des éditions précédentes des Jeux, et il y avait aussi quelques nouvelles.
Je me souviens qu’avant de disputer la ronde de qualification, qu’il y a eu un moment où les deux filles, Aurélie [Tran] et Cassie [Lee], qui en étaient à leurs premiers Jeux olympiques, elles ont tout simplement vécu un moment spécial. Je pouvais voir l’étincelle dans leurs yeux. Je pouvais voir à quel point elles étaient emballées, qu’elles ressentaient intensément la joie de se retrouver aux Jeux olympiques après avoir travaillé si fort pour réaliser cet objectif, la joie de vivre ce moment où elles s’apprêtaient à se présenter devant la foule et à faire ce qu’elles rêvaient de faire.
Je me souviens que j’avais alors vécu toutes sortes d’émotions, parce que je les regardais tout simplement vivre ce moment incroyable. C’était un rappel qu’il ne faut pas hésiter à se dire ‘wow!’ et avoir une pensée pour tout ce que tu as fait pour te rendre jusqu’ici, pour tout ce travail acharné, pour tous ces gens qui t’ont soutenu et de savourer le moment, d’y aller et de faire ce que tu t’es entraînée à faire.
Il y a aussi eu l’équipe canadienne masculine de gymnastique qui s’est qualifiée pour la première fois depuis 2008, alors c’était vraiment formidable d’avoir l’équipe masculine avec nous aussi, et de les voir obtenir des résultats aussi remarquables. Ils ont travaillé tellement fort pour se rendre jusque-là. J’ai vu plusieurs d’entre eux se développer au fil des ans, d’ailleurs, alors c’était vraiment spécial de vivre ces Jeux-là avec eux. Je n’avais jamais participé à des Jeux olympiques où nous avions une équipe féminine complète ainsi qu’une équipe masculine complète.
Pour poursuivre dans la même veine de ce que tu as dit sur tes coéquipières qui en étaient à leurs premiers Jeux olympiques — de quelle façon crois-tu avoir évolué comme athlète, ou tout simplement comme personne, depuis ta première participation aux Jeux olympiques?
J’ai beaucoup grandi comme athlète et aussi comme personne. Il y a beaucoup de choses que je sais maintenant et que j’aurais aimé savoir quand j’avais 16 ans et que j’en étais à mes débuts! Cependant, c’est aussi ce qui fait la beauté du sport — l’évolution, les apprentissages et les expériences que tu vis aident à façonner la personne que tu es devenue.
Tout ce que j’ai appris au fil du temps, j’essaie de le transmettre à ces filles-là, en espérant que ça leur donne une meilleure base sur laquelle s’appuyer. J’ai eu beaucoup de chance, quand j’étais plus jeune, d’avoir de formidables coéquipières pour me guider, mais c’est vrai que dans mon cas, j’ai vécu des choses particulières en ce sens que ça fait plus longtemps que je pratique mon sport. En espérant pouvoir montrer que la longévité, c’est possible, et que différentes personnes peuvent emprunter différents parcours. Si tu veux continuer à pratiquer ton sport, c’est tout à fait possible, et ce faisant tu peux continuer de t’améliorer au fil des ans.
Je dirais que j’ai appris en vieillissant que chaque athlète est différent, et que chaque athlète va avoir son propre plan et faire les choses à son propre rythme. Tu ne dois pas te comparer aux autres, tu dois vraiment accepter qui tu es et ce qui te rend exceptionnel. Aussi, si tu n’excelles pas dans quelque chose au début, tu peux t’améliorer, tu peux devenir meilleur, tu peux devenir une force — c’est ce qui m’est arrivé!
À mes premiers Jeux olympiques, je n’avais pas le droit d’aller sur les barres asymétriques du tout. Rendu à mes troisièmes et quatrièmes Jeux olympiques, c’était une des disciplines où j’obtenais mes meilleures notes. Il y a un mouvement qu’on fait sur cet appareil qui porte maintenant mon nom. Alors, je trouve qu’il s’agit d’apprendre des choses sur soi-même, de savoir ce que tu veux retirer de ton sport et comment tu dois t’adapter au fil des ans, et de définir quels sont tes objectifs.
Peux-tu nous parler un peu du moment qui t’a permis de remporter le Prix du fair-play, quand tu as réconforté une de tes adversaires ? J’imagine que tu n’avais aucune idée à ce moment-là que ça deviendrait quelque chose d’aussi gros.
Ouais, c’était vraiment une situation où j’étais entièrement dans le moment présent. Pour notre [ronde de] qualification, le Canada était dans la même sous-section que la France et Mélanie [de Jesus dos Santos] est une de mes bonnes amies, elle est tellement une magnifique personne et une remarquable gymnaste. La France avait connu une journée vraiment difficile en qualification, Mélanie surtout, et au moment où nous avons quitté la compétition, j’ai vu à quel point elle était émotive et qu’elle était dans tous ses états.
Je voulais juste lui donner un gros câlin pour lui montrer qu’elle n’était pas seule, que nous la supportions toutes et qu’elle se suffisait à elle-même et qu’elle ne devait pas se laisser définir par le sport qu’elle pratique. C’est vraiment difficile en tant que compétitrices et athlètes, parce que tout ça s’entremêle avec notre identité comme personne.
On a beaucoup parlé de moi à la suite de ce moment, mais je veux aussi que tout le monde sache et réalise qu’elle est une personne extraordinaire.
J’ai été vraiment honorée de recevoir le Prix du fair-play à ces Jeux olympiques. Il y a seulement un athlète parmi tous ceux et toutes celles qui sont aux Jeux olympiques qui peut le recevoir. Pour la communauté de la gymnastique surtout, et pour tous les Canadiens dans le monde du sport, ça vient mettre en lumière la véritable signification de ce que sont les Jeux olympiques et de ce qu’est le sport en général, et pourquoi nous faisons tout ça.
Tu as participé à la tournée Gold Over America après les Jeux. Peux-tu parler un peu de l’expérience que tu as vécue à ce moment-là ?
Oui, c’était la deuxième fois que je faisais partie du Gold Over America Tour [GOAT], une tournée organisée par Simone Biles pour en faire un événement post-Jeux en gymnastique qui se déplace un peu partout aux États-Unis. Nous l’avions fait une première fois après Tokyo. Ils ont ajouté la gymnastique masculine au programme de cette année, ce qui était formidable.
La tournée GOAT regroupe des athlètes qui ne sont pas seulement des États-Unis, mais aussi de partout dans le monde. Elle permet de présenter de la gymnastique un peu partout dans le pays à tous et à toutes ces jeunes athlètes ainsi qu’à leurs parents, dans des endroits qui n’ont pas nécessairement l’occasion de voir ce genre d’événement en personne. Ça leur donne l’occasion de voir quelques-unes de leurs idoles et des modèles à suivre dans ce sport, et ce, de très près, en chair et en os.
C’est vraiment plaisant pour nous, les athlètes, de participer à ce genre d’événement parce que nous avons rarement l’occasion de nous rassembler dans le cadre d’une situation sans tension; d’habitude, c’est seulement dans les compétitions que nous sommes tous ensemble. Alors c’est vraiment bien pour nous d’être ensemble, de pouvoir tisser de forts liens d’amitié, de simplement y aller et de s’amuser à faire de la gymnastique, en espérant pouvoir aussi inspirer la prochaine génération à poursuivre leurs rêves, à s’accepter comme personnes et à accepter ce qu’ils ont de spécial.
C’est très long comme tournée, ça se passe tout de suite après les Jeux olympiques. Nous avons présenté 32 spectacles, cinq spectacles par semaine. Tu passes tes journées dans l’autobus de la tournée, tu vis un peu comme une vedette du rock, c’est plutôt sensationnel, mais c’est un mode de vie qui est difficile, presque tous les jours tu te réveilles dans une ville différente, avec un nouveau spectacle à donner. Toutefois, j’adore livrer des performances de ce genre.
Il faudrait présenter des spectacles au Canada aussi.
C’est ce que je n’arrête pas de dire!
En rafale avec Ellie Black
Un(e) athlète que tu admires?
J’admire beaucoup Mélanie de Jesus dos Santos.
L’appareil que tu préfères utiliser pour t’entraîner?
Les barres asymétriques. J’aime la rapidité de ces questions !
Tu as vraiment évolué.
J’ai beaucoup évolué ! Je n’étais pas certaine de moi quand j’ai dit ça, mais avec les barres, il y a beaucoup de choses amusantes à apprendre, même si ça fait un peu peur. Je passe beaucoup de temps sur les barres ces derniers temps. Une fois que tu comprends comment faire sur les barres, tu as vraiment l’impression que tu voles. Alors, oui, je ne croyais pas que c’est ça qui allait sortir de ma bouche!
As-tu des rituels ou des routines en particulier avant une compétition ?
Dans mon cas, avant une compétition, ça se résume surtout à mettre de la bonne musique, à faire un peu de visualisation ou d’activation, mais sans trop penser à la gymnastique avant que ce soit le temps d’y aller.
Ton meilleur conseil pour les jeunes gymnastes ?
Mon meilleur conseil pour les jeunes gymnastes serait de savourer chaque moment, les hauts et les bas, et de faire preuve de patience à ton endroit. Tu dois réaliser que chaque personne est différente, et qu’il y a plein de parcours différents qu’il est possible de suivre. Tu ne dois pas te comparer aux autres, tu dois faire preuve de patience en ce qui concerne ton propre parcours, tu ne dois pas oublier de savourer chaque moment, parce que le temps passe vite et que tu ne peux pas faire ce que tu fais éternellement. Même s’il est vrai que tu peux le faire longtemps, ça je peux vous le dire.