« Nous sommes là l’un pour l’autre » : Hannah Schmidt et son frère Jared ont des objectifs communs au ski cross en vue des Jeux de Milano Cortina 2026
L’équipe canadienne de ski cross est une force sur laquelle il faut compter à l’échelle mondiale, elle qui a l’habitude de livrer de grandes performances aux Jeux olympiques.
Non seulement l’équipe de ski cross a-t-elle de la profondeur, elle a aussi la particularité relativement peu commune d’aligner un frère et une sœur en Jared et Hannah Schmidt, qui ont tous deux terminé parmi les 10 meilleurs aux Jeux de Beijing 2022. Ils ont grandi en faisant du ski alpin sur les pentes du Mont-Tremblant avant de commencer à disputer des courses de ski cross.
La saison dernière a été un énorme succès pour les deux membres de la famille Schmidt. Hannah a décroché cinq podiums sur le circuit de la Coupe du monde de la FIS — signant notamment la victoire à trois reprises — en plus de finir quatrième au classement général de la Coupe du monde et ce, malgré une blessure à la cheville qui l’a forcée à s’absenter à compter de février. Jared a accédé au podium trois fois (toutes des victoires!) la saison dernière et a terminé huitième au classement général de la Coupe du monde de ski cross masculin. Vers le début du mois de décembre, l’an dernier, ils ont même été les auteurs d’un balayage de la première marche du podium alors qu’ils ont tous deux remporté leurs courses respectives à la Coupe du monde de ski cross de la FIS d’Arosa, en Suisse.
Olympique.ca s’est entretenu avec les Schmidt, pendant qu’ils participaient à un camp d’entraînement d’avant-saison, dans le but de savoir quel bilan ils font de la dernière saison, quels sont leurs objectifs en vue de cette campagne qui commence et comment ça se passe quand on fait partie d’Équipe Canada en compagnie de sa sœur aînée/de son frère cadet. [Avis de divulgâchage : il y aura quelques gentilles taquineries entre frère et sœur ainsi qu’une explication sur la pertinence d’avoir des bas porte-bonheurs.]
O.ca : Vous avez tous deux connu une excellente saison, l’hiver dernier. Je sais que pour toi, Hannah, il y a eu cette blessure à la fin, mais vous avez tous les deux décroché plusieurs podiums. À l’approche de la nouvelle saison, que retenez-vous de la dernière campagne?
Hannah : Je trouve que nous avons tous deux connu une saison remarquable. Je peux le dire, même s’il y a eu ma blessure dans mon cas. Les blessures, ce sont des choses qui arrivent dans notre sport; je ne peux pas laisser ça faire ombrage aux aspects positifs et à mes podiums, la façon dont je skiais et tout ça.
Je pense que tous les deux, nous avions cette confiance qui nous permettait d’entreprendre la saison en nous disant que nous allions être là et que face aux meilleurs, nous allions rivaliser pour la première place, pour une place sur le podium à chacune des courses. Cette confiance, je l’ai portée en moi tout au long de la saison.
Jared : Quand je pense à la saison dernière, je me dis qu’il y a eu des résultats formidables, des records personnels, des réalisations historiques aussi. Nous étions sur une lancée et bien concentrés sur la tâche à accomplir. Je pense aussi que nous avons vécu beaucoup de plaisir en même temps parce que nous étions entourés par une équipe tout à fait remarquable. Il faut dire bravo à nos coéquipiers, à nos entraîneurs et aux techniciens de ski. Sans nos coéquipiers, nous ne travaillerions pas si fort à repousser nos limites tous les jours; sans nos entraîneurs, nous n’aurions pas tous ces conseils techniques; tandis que nos techniciens de ski sont ceux qui nous permettent d’être incisifs et rapides tout au long de la saison. C’est donc un énorme effort d’équipe. En bout de ligne, les médias ne voient que le résultat de tout ça, mais c’est le reflet de l’excellence de notre équipe.
O.ca : À quoi avez-vous le plus hâte cette saison?
Jared : Voilà que tu m’as ramené tout plein de souvenirs de la saison dernière! [rires] Nous avons eu tout l’été pour nous entraîner en gymnase, en fait c’est dans ce sens-là que nous travaillons depuis deux étés. Personnellement, j’aime ça parce que ça me permet de passer plus de temps à la maison, plus de temps pour décompresser, mais en même temps ça me donne le temps d’y aller de bons blocs d’entraînement en gymnase et de vraiment voir les progrès que je fais en termes de forme physique et tous ces aspects-là de notre sport.
Nous nous sommes entraînés sur neige au Chili en septembre, puis il y a eu des camps en Europe, alors nous avons eu droit à de bonnes périodes d’entraînement, où nous avons pu travailler à repousser nos limites. J’ai vraiment hâte à cette saison. Je trouve que tout le monde travaille vraiment fort.
Hannah : Dans mon cas, après avoir récupéré de ma blessure, je suis retournée sur la neige au Chili, où j’ai fait des exercices plus lents, ce genre de choses là. Je me sens clairement plus en confiance sur mes skis à ce camp-ci en Suède.
J’ai hâte de revenir à la compétition. Quand tu reviens d’une blessure, tu as toujours ça en tête : « Je veux recommencer à disputer des courses ». J’ai donc hâte d’être de retour au cœur de l’action et de retrouver cette mentalité de compétition qu’on a dans un contexte de course.
O.ca : Hannah, aurais-tu un conseil à donner à quelqu’un qui vient de subir une blessure ou qui est actuellement en voie de récupérer d’une blessure?
Hannah : Dans mon cas, j’aime rester branchée à la communauté du ski. Nos coéquipiers sont comme des membres de la famille, alors j’essaie de rester connectée à notre famille du ski cross et d’avoir cette communication, par exemple au moyen de textos ou en regardant de la vidéo. J’ai continué à regarder quelques-unes de leurs vidéos d’entraînement la saison dernière. J’ai continué de participer au groupe de discussion.
Je pense aussi que ça peut être une bonne chose de prendre un peu ses distances du sport et de se concentrer sur la guérison, mais… quelle serait la meilleure façon de le dire… c’est ta vie, pas vrai? Tu ne dois pas te laisser définir par ton sport, mais en même temps c’est ton travail, et tu veux réussir, mais tu veux aussi prendre tes distances [pour protéger ta santé mentale]. Il faut trouver le bon équilibre entre les deux.
O.ca : Vous y avez fait allusion un peu, mais qu’est-ce que ça vous fait de faire partie d’une équipe canadienne qui a vraiment beaucoup de profondeur en ski cross? Quelle est l’ambiance dans l’équipe et quels sont les espoirs du groupe dans son ensemble cette saison?
Hannah : Tout le monde dans l’équipe est assez solide pour être sur le podium à un moment ou l’autre, ce qui par le fait même nous incite à se pousser les uns les autres pour atteindre et maintenir un tel niveau. Nous n’en serions pas là sans nos coéquipiers, et inversement. Et quand j’ai du succès, ou quand d’autres membres de l’équipe connaissent du succès, nous sommes là pour eux, nous sommes contents pour eux. Évidemment, tu ressens un peu la défaite, mais tu es quand même content — nous sommes une famille. Tout le monde est content pour les autres, et nous sommes tristes pour les autres aussi parfois.
Jared : Le niveau de talent dans cette équipe est sans égal. Nous avons eu, par le passé, des médailles olympiques, des podiums de la Coupe du monde [de bons résultats] au classement général de la Coupe du monde, des Globes [de cristal], il y a tellement d’athlètes extraordinaires dans cette équipe. Nous avons aussi des athlètes qui vont être de retour cette saison, comme Kris Mahler, mon coéquipier, qui s’est malheureusement blessé la saison dernière, et il a travaillé vraiment très fort pour revenir sur les pentes. Il y a aussi Reece Howden, deuxième au monde la saison dernière.
Quand je pense au moment où j’ai été retenu dans l’équipe pour la première fois, j’admirais des athlètes comme Brady Leman et Chris Del Bosco, et je me rappelle que je me disais, « Wow, ces gars-là sont super cools. » Aujourd’hui, j’imagine que je suis un peu un de ces gars-là!
Quelqu’un m’a posé la question suivante cet été : Qu’est-ce que le Jared de 13 ans penserait du Jared d’aujourd’hui? J’ai répondu, « Eh bien, je pense qu’il serait pas mal content! » Alors oui, c’est vrai que c’est cool de faire partie de cette équipe en ce moment, elle qui compte pas mal de personnes intéressantes, des athlètes très talentueux et compétitifs.
O.ca : Pour vous deux, comment c’est d’être membres d’Équipe Canada ensemble?
Hannah : Quand nous voyageons à l’étranger, c’est un peu comme prendre congé de Jared, parce que nous vivons ensemble à Calgary aussi [rires]! Je pense que nous deux, nous nous entendons plutôt bien pour deux personnes qui sont frère et sœur. Évidemment, ça ne va pas toujours bien, mais nous sommes très proches en ce sens-là. En voyage, c’est bien, les gars vivent ensemble et les filles vivent ensemble, la plupart du temps. Ça nous fait une petite pause, mais en même temps c’est bien de savoir qu’il y a un vrai membre de ma famille sur la route avec moi. Si j’ai besoin de quelque chose, ou s’il a besoin de quelque chose, nous sommes là l’un pour l’autre.
Jared : Ouais, c’est une belle petite pause [rires]. Pas que je n’aime pas vivre avec ma sœur! C’est vraiment plaisant d’avoir tous ces souvenirs en commun et de vivre toutes ces expériences avec un membre de la famille. Ils ne sont pas nombreux ceux qui peuvent dire ça.
O.ca : Dans quelle mesure estimez-vous avoir évolué comme athlète, ou simplement comme personne, au fil de votre carrière? Et dans quelle mesure avez-vous vu l’autre évoluer pendant ce temps?
Jared : Je pense que j’ai beaucoup évolué du simple fait d’avoir fait partie de cette équipe. J’ai appris tellement de choses à mon propos et j’espère pouvoir appliquer plus tard tout ce que j’ai appris en tant qu’athlète. Je suis encore aux études à l’université, je vais bientôt obtenir mon diplôme à Mount Royal, mais je réalise déjà que je peux aller puiser dans mes compétences sportives au moment de passer un examen, par exemple.
Ensuite, j’ai vu Hannah grandir énormément.
Hannah : De combien de pouces? [rires]
Jared : À titre de membre de cette équipe, tu vois des athlètes subir des blessures et connaître des moments difficiles. Tu vois des gens à leur meilleur et tu les vois aussi dans les moments où leur moral est à son plus bas. Quand tu te blesses, tout dépendant de la nature de la blessure, bien souvent tu repars à zéro, ou disons à 15 sur 100, et tu dois tout rebâtir, tu vois cette personne remettre sa force de caractère et sa force physique d’aplomb. En observant Hannah, mais aussi d’autres membres de l’équipe, tu les vois progresser, au plan de la force physique et de la force mentale, et c’est cool d’assister à ça comme frère, parce que dans bien de cas, des frères et sœurs, ça ne vit même pas dans la même ville ou dans le même pays, n’est-ce pas?
Hannah : Je trouve qu’il a tout à fait raison, parce que je dirais que dans mon cas, j’ai beaucoup travaillé ma force mentale et celle-ci s’est améliorée au fil des blessures, des résultats, des progrès que j’ai faits, toutes ces choses-là. Je pense que j’ai gagné en force mentale parce que j’ai réussi à mieux comprendre ou à mettre en perspective ce que j’ai vécu.
Le fait de voir Jared, je me souviens encore de l’époque où il était tout petit, quand il skiait à Tremblant, à la recherche de tous les petits sauts pour pouvoir aller dans les airs. Je l’ai vu évoluer là-dedans, et s’amuser à le faire. Je pense que je le vois chaque fois qu’il prend le départ d’une course de ski cross, je le vois avoir cette mentalité stratégique de dévaler la pente, tout en savourant chaque moment de sa descente.
O.ca : Hannah, tu es une athlète de haute performance qui est diabétique. Pourrais-tu nous en parler un peu? Aurais-tu des conseils pour les jeunes sportifs qui sont diabétiques?
Hannah : Ce n’est pas facile. Plus jeune, j’étais toujours active. J’ai reçu le diagnostic à l’âge de 12 ans. Ç’a été un choc. Je pense que ma mère était particulièrement sous le choc. Moi, j’étais comme, « Hé, maman, c’est correct, il ne faut pas t’en faire », elle était en larmes à l’hôpital. Dès le premier jour, je me suis dit que ça n’allait pas m’empêcher d’être qui je suis et qui je veux devenir. Ce qui fait que j’ai toujours eu la mentalité que ça n’allait pas m’arrêter. Ça rend peut-être les choses plus difficiles, mais je vais passer au travers et me prouver à moi-même que je peux le faire. Je ne ressentais pas le besoin de le prouver à qui que ce soit d’autre.
Je pense que c’est sans doute là un élément important pour les athlètes qui ont un diabète de type 1, ou les enfants qui veulent continuer à faire du sport même s’ils sont diabétiques — vous n’avez pas besoin de le prouver aux autres, mais vous pouvez le prouver à vous-même que vous pouvez tout faire quand même. Vous pouvez briser les barrières, vous pouvez aller courir un marathon, vous pouvez faire toutes ces choses-là. C’est juste que ça va prendre un peu plus de travail, mais il s’agit de s’atteler à la tâche.
En rafale avec Hannah et Jared Schmidt
Un(e) athlète que vous admirez?
Hannah : Je dirais ma coéquipière Britt Phelan.
Jared : Quand j’étais tout jeune, mon idole était Erik Guay, je pense que c’est tout simplement parce qu’il vient de Tremblant et il avait des liens avec le club de ski, alors on le voyait de temps en temps. Je me disais, « Ce gars-là est super cool ».
Votre endroit favori pour vous entraîner?
Hannah : Mont-Tremblant.
Jared : Ouais, Tremblant.
Hannah : S’entraîner chez soi, c’est toujours quelque chose de plutôt spécial. Alors chaque fois que nous pouvons passer du temps là-bas, c’est formidable.
Avez-vous des rituels ou des habitudes d’avant-course?
Hannah : En fait, j’ai réalisé la saison dernière que j’en avais une. Je pense que nous faisons tous les deux des choses semblables avant les courses — tapoter les bâtons, puis tirer sur le casque. J’ai l’impression que tu [Jared] fais quelque chose de similaire, je l’ai remarqué quand j’étais blessée, je te regardais à la télé et je m’étais dit, « Attends, c’est ça que je fais moi aussi! »
Je dirais cependant que c’est probablement la seule chose. Je ne suis pas du tout superstitieuse. Alors je ne fais rien de particulier, dans aucun ordre particulier. Par contre, ma liste de chansons pour me motiver avant une course, c’est une habitude bien ancrée.
Jared : J’ai une routine, comme Hannah le disait, bâton droit, bâton gauche, le casque et ensuite juste une grande respiration. Il y a quelques petites choses que je fais. J’y vais habituellement avec la botte gauche avant la botte droite.
J’ai des bas qui sont vraiment très rapides et que je mets à toutes mes courses de la Coupe du monde. Ils sont vraiment très rapides parce que d’habitude, je ne les lave qu’une fois par année, et ensuite, ils deviennent de plus en plus rapides.
Ça peut sembler bizarre, mais la façon dont ça fonctionne dans ma tête, c’est qu’ils deviennent plus rapides. J’ai une nouvelle paire de bas et je travaille actuellement à les rendre plus rapides.
Hannah : Ils ne se retrouvent jamais au lavage?
Jared : Ouais, le bloc avant Noël la saison dernière. C’était ma faute qu’ils se soient fait laver et ils ont perdu un peu de vitesse. Puis ils en ont repris un peu avant la fin de la saison.
Votre meilleur conseil pour les jeunes athlètes?
Hannah : Toujours éprouver du plaisir. Allez-y et amusez-vous. Skiez avec des amis, skiez avec vos parents, allez faire des sauts, des bosses, tout ce que vous voulez, mais allez-y et amusez-vous. N’allez pas skier parce qu’on vous force à skier. Si vous n’adorez pas ça, ne le faites pas. Je pense que nous avons un peu grandi avec cette mentalité-là, nos parents ne nous ont jamais forcés à faire quoi que ce soit, ils nous disaient de choisir nous-mêmes l’aventure que nous voulions vivre et de faire ce qui nous rend heureux.
Jared : Je pense que les jeunes athlètes, de façon générale, devraient éprouver du plaisir, qu’ils devraient essayer toutes sortes de sports. Je pense qu’ils devraient jouer au soccer, au football, au baseball, je ne sais pas trop, tout ce que vous voulez, comme au pickleball, mais il ne faut pas hésiter à en faire l’essai. Il ne faut pas le prendre trop au sérieux. Ensuite, si vous trouvez quelque chose que vous adorez, continuez. Si ça ne fonctionne pas, vous allez quand même être une personne merveilleuse.