Sarah Mitton effectue un lancer du poids.(AP Photo/Matthias Schrader)
(AP Photo/Matthias Schrader)

La lanceuse de poids Sarah Mitton parle de ses objectifs olympiques et d’inspirer la prochaine génération

En 2022, Sarah Mitton a attiré l’attention du monde entier, car, après des années de travail acharné, elle s’est imposée comme l’une des meilleures lanceuses de poids au monde.

Cette saison-là, elle a remporté trois médailles en Diamond League, a terminé quatrième aux Championnats du monde World Athletics et a décroché une médaille d’or aux Jeux du Commonwealth. Elle est aussi devenue la première Canadienne à dépasser la barre des 20 mètres au lancer du poids. 

Puis, au cours de la saison 2023, Mitton s’est illustrée encore davantage en remportant sa première victoire en Diamond League ainsi que deux médailles d’argent. Toutefois, sa plus grande percée fut de remporter la première médaille du Canada de l’histoire en lancer du poids féminin aux Championnats du monde, lorsqu’elle a mis la main sur la médaille d’argent à Budapest.

Sarah Mitton sourit.
Sarah Mitton réagit à un lancer en route vers sa victoire au lancer du poids aux Jeux du Commonwealth à Birmingham, en Angleterre, le mercredi 3 août 2022. THE CANADIAN PRESS/Andrew Vaughan

Mitton sera sans contredit une athlète à surveiller aux Jeux olympiques de Paris 2024. Après avoir été considérée pendant des années comme une négligée, la jeune femme de 27 ans originaire de Brooklyn, en Nouvelle-Écosse, accepte son nouveau statut avec humilité et grâce. Aux côtés de la perchiste Alysha Newman, Mitton sera la capitaine de l’équipe canadienne aux Championnats du monde en salle de World Athletics 2024, qui se dérouleront du 1er au 3 mars à Glasgow, en Écosse.

Nous avons rencontré la fière athlète originaire de la côte Est pour discuter de son incroyable trajectoire de performance, de ses objectifs en vue de ses deuxièmes Jeux olympiques et de ce que cela signifie pour elle d’inspirer une jeune génération de lanceurs canadiens.

O.ca : Qu’est-ce que cela représente d’avoir le soutien et l’amour d’une petite ville et de ta province?

S. M. : C’est un amour inconditionnel, en quelque sorte. La plupart des habitants de ma ville natale connaissent mes parents, ils m’ont gardée, ils m’ont entraînée ou m’ont enseigné, ou ils m’ont fait payer à l’épicerie, alors j’ai l’impression qu’ils ont tous participé à cette aventure avec moi et qu’ils m’ont vue grandir.

Quand la saison 2021 ne s’est pas déroulée comme je l’aurais voulu, quand je suis rentrée chez moi pour une visite, j’ai malgré tout été accueillie avec un positivisme et un enthousiasme absolu. C’était presque renversant, car je ne me sentais pas forcément comme ça. Leur soutien au cours des 26 dernières années est incroyable.

Tu étais si près du podium aux Championnats du monde de World Athletics en 2022 qu’il a fallu recourir au bris d’égalité! Comment ce résultat a-t-il influencé ton état d’esprit et ta préparation en vue de 2023?

S. M. : Ce fut un moment très intéressant pour moi, car j’avais participé l’année précédente [aux championnats du monde] et j’étais [classée] près de la 30e place aux Jeux olympiques. Je suis donc passée d’une personne qui ne s’était pas qualifiée pour la finale à une personne qui s’est qualifiée automatiquement au deuxième lancer. C’est une grande différence. 

Après la compétition, quelqu’un m’a dit : « Oh, la quatrième place! » et j’ai réalisé que j’étais censée être un peu triste suite à ce résultat. Ce n’est cependant qu’après coup que j’ai compris, parce que j’étais tellement fière de mon parcours.

Sarah Mitton lance un poids.
La lanceuse de poids canadienne Sarah Mitton lance lors du tour de qualification du groupe A aux Jeux olympiques de Tokyo 2020, le vendredi 30 juillet 2021. Photo de Mark Blinch/COC

En 2023, tu remportes ta médaille aux Championnats du monde et une médaille d’or aux Jeux panaméricains. En quoi cela modifie-t-il, encore une fois, ta perspective en ce qui a trait à tes objectifs à atteindre en 2024?

S. M. : Aux Championnats du monde de 2023, je visais la médaille d’or. Puisque je n’avais jamais gagné de médaille aux Championnats du monde, j’étais heureuse de repartir avec l’argent. J’ai une médaille d’or des Jeux du Commonwealth, une médaille d’or des Jeux panaméricains, alors je veux les médailles d’or des Championnats du monde et des Jeux olympiques pour compléter l’ensemble!

Toutefois, je pense que le fait d’être deuxième cette année a été une sorte de bénédiction. Je ne défends rien. J’ai prouvé que je n’étais plus une négligée, mais j’ai encore beaucoup d’objectifs à atteindre.

Qu’est-ce que cela signifie d’être une athlète qui a écrit une page d’histoire du sport canadien?

S. M. : Les Championnats du monde World Athletics 2023 ont été des mondiaux vraiment historiques pour le Canada. En voyant  Camryn Rogers et Ethan Katzberg se présenter et dominer la compétition, je me suis dit : OK, allons-y, les lanceurs! Je voulais faire partie de l’histoire des lancers qui était en train de s’écrire.

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Le seul moyen d’y parvenir était d’aller sur le terrain et de réaliser la meilleure performance de ma vie.

J’ai été tellement inspirée par les performances de Camryn et d’Ethan, et puis j’étais sur le terrain, au plus fort de la course au classement, et soudain, Marco Arop passe à toute vitesse et gagne la médaille d’or au 800 m masculin.

J’ai regardé mon entraîneur et il m’a dit : à toi de jouer. Beaucoup de mes coéquipiers m’inspirent.

Sarah Mitton, du Canada, remporte la médaille d’or dans la finale du lancer du poids féminin lors des Jeux panaméricains de Santiago 2023, le jeudi 02 novembre 2023. Photo par Thomas Skrlj/COC

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui regarde le lancer du poids pour la première fois?

S. M. : C’est une question intéressante. Je dirais que si vous regardez les qualifications, il y a une ligne appelée ligne de qualification automatique. Si vous la franchissez, vous êtes automatiquement qualifié pour la finale. Peu importe qu’il s’agisse de votre premier ou de votre troisième lancer. Parfois, les gens sont un peu perdus quand, tout à coup, la moitié du peloton ne lance plus.

Mon deuxième conseil serait de surveiller les lancers exceptionnels et les célébrations. La quantité d’énergie et d’efforts nécessaires à la réalisation d’un gros lancer est énorme, mais parfois, regarder la célébration qui suit le lancer est encore plus amusant. Nous sommes tous un peu excentriques, les lanceurs, alors parfois ils sont un peu ridicules et amusants, mais il y a tellement d’énergie et d’enthousiasme. Nous donnons vraiment un bon spectacle.

À quel moment sais-tu si tu as réussi un bon lancer?

S. M. : Immédiatement. Je sais si c’est un bon lancer et je sais si c’est un mauvais lancer. Vous savez que c’est un bon lancer quand vous sentez que le poids pousse et pousse sur le bout de vos doigts, puis il sort d’un mouvement vif et il est parti. C’est une sensation tellement homogène. Par contre, si vous forcez trop votre lancer, vous avez l’impression que seul votre bras projette le poids. 

Sarah Mitton effectue un lancer.
Sarah Mitton du Canada participe à la finale du lancer du poids féminin aux Jeux panaméricains de Santiago 2023, le jeudi 2 novembre 2023. Photo par Thomas Skrlj/COC

Personnellement, en ce moment, qu’est-ce que tu considères comme un bon lancer?

S. M. : Je dirais que tout ce qui dépasse les 19,80 [mètres] pour moi, en ce moment, je pense que c’est un bon lancer. Si je lance au-dessus de 19,50, je suis contente, je sais que je peux bâtir là-dessus, surtout si c’est dans les premiers tours. À l’approche de Paris, j’espère cependant être plus proche des 20,50 mètres, voire plus, en fonction de mes progrès à l’entraînement. Mon but est de créer un autre moment historique à Paris!

Quand l’entraînement est difficile et semble être une corvée, qu’est-ce qui te motive à persévérer?

S. M. : Hmm. Je dirais que je suis partagée entre la motivation et la discipline. Je ne suis certainement pas motivée tous les jours… Je ne suis pas motivée pour faire la plupart de mes séances d’entraînement tous les jours – elles sont vraiment difficiles! Pour moi, la motivation vient des petites choses que les gens m’ont dites au fil des ans sur l’effet que, aussi fou que cela puisse paraître, ce poids que je lance a eu sur eux.

L’une des choses que j’aime entendre, c’est qu’une jeune fille veut essayer le lancer du poids à cause de moi. Ce sport a été dominé par les hommes pendant si longtemps et entendre cela me motive.

C’est super inspirant de voir de plus en plus de jeunes filles dans n’importe quel sport, mais dans mon propre sport, qui est un sport de force et de puissance, entendre de jeunes filles dire qu’elles veulent être comme moi, ou comme Camryn, me donne vraiment l’impression de voir les fruits de mon travail.