Merci, Papa, d’avoir su ne rien dire

L’athlète de marche rapide Evan Dunfee a fait les manchettes à Rio 2016 lorsqu’il avait été promu au bronze après avoir été bousculé lors de l’épreuve du 50 km marche par Hirooki Arai. Après contestation, le Japonais fût réinstitué pour le bronze et Dunfee avait été relayé au quatrième rang. Le Canadien avait quelque chose de spécial à dire à son père en cette journée de fête des pères.

Difficile de m’imaginer la vie sans sport… D’aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours été actif au point d’en être énervant. Toute ma vie, que ce soit dans des sports organisés ou dans des jeux non structurés, l’appui de ma famille, tout particulièrement celui de mon père pratiquement omniprésent, demeurait inconditionnel.

Evan Dunfee célèbre avec son frère et son père après l’épreuve du 50 km marche aux Jeux olympiques de Rio. (COC Photo/David Jackson)

Notre relation s’est construite grâce au sport, et au fil des années, mon père m’a énormément appris. C’est grâce à lui si je sais rester digne malgré la défaite, mais aussi si je suis capable d’être aussi insolent avec mes adversaires. Deux leçons quasi contradictoires.

Bien sûr, ma mère et lui ont parcouru le globe pour me voir concourir et m’encourager, mais mon père prenait aussi la route en pleine nuit pour me voir jouer au hockey dans une ligue récréative à 1 h du matin.

Ce que j’essaie de te dire, par la bande, c’est « merci, Papa ». Merci de m’avoir toujours encouragé dans mes sports et de m’avoir appris à n’imposer aucune limite à mon potentiel.

Au risque de paraître étrange, plus que tout, merci pour toutes ces années où tu n’as pas essayé de jouer à l’entraîneur avec moi.

Evan Dunfee enfant. (Photo : Twitter/Evan Dunfee)

Quand j’étais jeune, toutes ces histoires à propos des nageurs que tu as aidé à entraîner jusqu’aux Jeux olympiques et ton séjour à Munich m’ont fait voir les Jeux comme quelque chose de normal. Je ne les ai jamais mis sur un piédestal comme quelque chose d’inatteignable, réservé aux autres et dont je serais exclu. D’une certaine façon, tu m’as aidé à croire que j’y avais ma place et que je pouvais me mesurer aux meilleurs de la planète, tout en sachant exactement quand me laisser prendre mes propres décisions.

Tu savais que ma passion devait se réaliser d’elle-même, que je devais trouver ma place. Tu savais depuis longtemps que je ne m’entraînais pas assez, que je me contentais de faire le minimum et que je gaspillais mon potentiel. Tu as donc décidé d’agir contre tes habitudes, tu t’es contenté d’observer sans intervenir. Tu as choisi de t’abstenir d’agir en entraîneur et tu m’as laissé faire.

Evan Dunfee lors de l’épreuve du 50 km marche aux Jeux olympiques de Rio. (COC Photo/David Jackson)

Tu m’as laissé tirer mes propres conclusions en temps et lieu. C’était sur le tard et ça m’a probablement coûté quelques succès précoces. Mais de constater par moi-même que mes objectifs allaient se réaliser au prix d’efforts immenses m’a insufflé une passion sans réserve pour le sport.

Evan Dunfee lors de l’épreuve du 50 km marche aux Jeux olympiques de Rio. (COC Photo/David Jackson)

Si dix ans plus tôt tu m’avais poussé à en faire plus, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui. Au fond de moi, je crois que l’adolescent de 16 ans que j’étais se serait probablement rebellé et aurait abandonné le sport. En ce jour de la fête des Pères, j’aimerais te remercier de ne pas avoir essayé d’être mon entraîneur probablement au prix d’efforts surhumains à combattre ton instinct. J’ai eu énormément de plaisir à vivre cette expérience avec toi et je crois sincèrement qu’avoir fait les choses autrement n’aurait jamais mené à de meilleurs résultats.

Joyeuses fêtes des Pères

Je t’aime,

Evan

L’olympien Evan Dunfee a participé à Rio 2016, où il a été acclamé pour son esprit sportif tout en se classant au 4e rang du 50 km marche, la meilleure performance canadienne de l’histoire à cette épreuve. Il a remporté la médaille d’or du 20 km marche aux Jeux panaméricains de 2015 à Toronto. Son père Don a été entraîneur de natation à Munich 1972.