Gilmore Junio posant avec Denny Morrison, tenant le drapeau canadien(Photo : THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld)
(Photo : THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld)

Les plus grands moments d’esprit sportif olympique

Sur la scène internationale, aux Jeux olympiques, les athlètes peuvent facilement se laisser emporter par l’intensité de la compétition en quête du podium et perdre de vue l’essentiel.

Les olympiens nous ont cependant prouvé encore et encore que le sport, c’est bien plus que des médailles. Se montrer bon joueur, avoir l’esprit d’équipe et faire preuve de compassion sont parfois beaucoup plus importants. Grâce à leurs prouesses athlétiques, leur dévouement et leur esprit sportif, les athlètes et entraîneurs suivants nous rappellent ce que représentent réellement les Jeux.

Si la plupart des exemples qui témoignent de l’esprit sportif ne sont pas une question de vie ou de mort, il existe au moins une exception à cette règle.

Lawrence Lemieux – Séoul 1988

Le marin canadien Lawrence Lemieux a donné son sens au terme « esprit d’équipe » lorsqu’il a abandonné en pleine course pour porter secours aux Singapouriens Joseph Chang et Shaw Her Siew dont le 470 avait chaviré en raison des vents qui soufflaient à 35 nœuds.

Le duo était alors à la merci de la mer. Lawrence, en voie d’obtenir la deuxième place de la course du jour en Finn a renoncé à ses chances de médaille afin de les aider. Il s’est battu contre les forts courants et les vents violents pour sauver Joseph et Shaw.

Dans bien des sports, l’équipement est aussi crucial que l’entraînement de l’athlète. Lorsque cet équipement fait défaut, l’athlète ne peut qu’espérer recevoir un coup de main, comme ce fut le cas des athlètes suivants.

Justin Wadsworth – Sotchi 2014

Anton Gafarov de la Russie tombe avec un ski brisé lors de la demi-finale du sprint en ski de fond aux Jeux olympiques d'hiver de 2014

Anton Gafarov de la Russie tombe avec un ski brisé lors de la demi-finale du sprint en ski de fond aux Jeux olympiques d’hiver de 2014, le mardi 11 février 2014, à Krasnaya Polyana, en Russie. (AP Photo / Matthias Schrader)

Justin Wadsworth était l’entraîneur-chef de l’équipe de ski de fond canadienne à Sotchi 2014. Alors qu’il assistait à la demi-finale du sprint masculin, il a aperçu le Russe Anton Gafarov tomber à maintes reprises à cause d’un ski brisé. L’entraîneur canadien se trouvait en bordure de piste avec une paire de skis de rechange pour Alex Harvey, qui n’avait malheureusement pas atteint la demi-finale.

Témoin des difficultés du Russe, il s’est précipité à sa rencontre, s’agenouillant au milieu du parcours pour remplacer le ski brisé. Sans ce geste de bonté, Anton aurait difficilement franchi la ligne d’arrivée la tête haute comme il l’a fait.

Bjørnar Håkensmoen – Turin 2006

Justin Wadsworth n’était certainement pas le premier entraîneur à faire preuve d’autant d’esprit sportif face à ses rivaux. À Turin 2006, l’esprit olympique de l’entraîneur norvégien Bjørnar Håkensmoen a permis à la Canadienne Sarah Renner de mettre la main sur la médaille d’argent au sprint par équipes de ski de fond avec Beckie Scott. Après qu’une rivale eut brisé le bâton de Sarah en l’accrochant, Bjørnar lui en a tendu un nouveau.

Il était peut-être un peu trop grand pour elle, mais il lui a permis de terminer sa portion de la course. Le duo canadien a mis la main sur l’argent alors que l’équipe norvégienne terminait au pied du podium en quatrième place. L’esprit sportif de Bjørnar aurait donc coûté la médaille à sa propre équipe.

Eugenio Monti – Innsbruck 1964

Le bobeur italien Eugenio Monti a été le premier récipiendaire de la médaille Pierre-de-Coubertin pour l’esprit sportif, et avec raison. Pendant les Jeux olympiques d’hiver d’Innsbruck 1964, il a aidé non pas une, mais deux équipes en détresse. Son premier geste d’esprit sportif est survenu durant l’épreuve de bob à deux lorsque les Britanniques Tony Nash et Robin Dixon ont cassé un boulon d’essieu lors de leur première descente.

Eugenio, le meilleur des pilotes de son temps, leur a alors prêté un de ses boulons de rechange. Les Britanniques ont par la suite remporté la médaille d’or, alors qu’Eugenio et son partenaire ont terminé au troisième rang. Comme si ce n’était pas assez, lors de l’épreuve de bob à quatre, le bob canadien, piloté par Vic Emery a subi des dégâts à son essieu arrière.

Eugenio a donc offert l’aide de ses mécaniciens à l’équipe canadienne pour qu’ils réparent le bob. Tout comme à l’épreuve de bob deux, les Italiens ont terminé troisièmes, alors que le Canada a remporté la médaille d’or.

Parfois, c’est leur corps qui lâche au mauvais moment. S’ils sont chanceux, le coup de main tant attendu mènera les athlètes jusqu’à l’arrivée.

Abbey D’Agostino et Nikki Hamblin – Rio 2016

Un des moments les plus mémorables à Rio 2016 n’était pas une médaille remportée à la suite d’une performance extraordinaire. Il s’agit plutôt de l’exploit de l’Américaine Abbey D’Agostino et de la Néo-Zélandaise Nikki Hamblin lors de la ronde préliminaire du 5000 m. Les rivales en étaient à quatre tours et demi de la fin de la course lorsque Nikki a trébuché et est tombée, entraînant Abbey dans sa chute.

Plutôt que de partir à fond de train après s’être relevée, Abbey a aidé Nikki à se relever et l’a encouragé à terminer la course. Le duo a donc continué sa course jusqu’à ce qu’Abbey tombe une seconde fois à cause d’une blessure causée par la première chute. Nikki lui a rendu la pareille, faisant une croix sur ses chances d’atteindre la finale, en l’aidant à se relever.

En terminant, elles se sont fait l’accolade. Le duo improbable a ainsi démontré l’importance de l’esprit sportif. Elles ont ensuite reçu le prix du Comité international du « fair-play » pour leurs gestes.

Derek Redmond – Barcelone 1992

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Le sprinteur britannique Derek Redmond et son père ont prouvé au monde, lors des Jeux de 1992, que terminer ce que l’on entreprend est plus important que le résultat final. Lors de la finale du 400 m masculin, Derek était un des plus sérieux prétendants à la médaille d’or, jusqu’à ce qu’il se déchire l’ischio-jambier pendant la course, entraînant une chute et la perte de tout espoir de médaille.

Plutôt que de terminer la course sur une civière, il s’est relevé et s’est mis à tituber vers la ligne d’arrivée, visiblement en douleur. Son père l’a alors rejoint en courant sur la piste pour l’aider. Ensemble, ils ont franchi la ligne d’arrivée sous les encouragements de la foule.

Parfois, le coup de main prend la forme d’un bon conseil.

Luz Long et Jesse Owens – Berlin 1936

Cette photo de 1936 montre Jesse Owens en action en préliminaire du 200 mètres aux Jeux olympiques d’été de 1936 à Berlin. Photo / fichier AP)

L’incroyable performance de quatre médailles d’or de l’Américain Jesse Owens aux Jeux olympiques de Berlin 1936 n’aurait peut-être jamais eu lieu sans les bons mots de son adversaire allemand Luz Long au saut en longueur. Les deux premiers essais de qualification de l’Américain pour la finale se sont soldés par des fautes, laissant son rêve d’atteindre le podium tenir à un cheveu.

Avant son troisième essai, Luz lui a suggéré de déposer une serviette au sol devant la planche d’appel et de s’élancer de quelques centimètres plus loin pour éviter la faute. Jesse a suivi ce conseil qui l’a mené au succès. Il a plus tard remporté la médaille d’or, alors que Luz se tenait à ses côtés avec la médaille d’argent.

À cette époque caractérisée par les tensions politiques et culturelles, Luz a pris énormément de risque en offrant ses conseils à Jesse. Il nous a toutefois rappelé que faire ce qui est juste doit rester la priorité.

Il est aussi important de se rappeler qu’ensemble, nous sommes plus forts que seuls.

Gilmore Junio et Denny Morrison – Sotchi 2014

Les patineurs de vitesse canadiens Denny Morrison et Gilmore Junio à la suite d’une conférence de presse lors des Jeux olympiques d’hiver de Sochi dimanche 16 février 2014 à Sotchi, en Russie. LA PRESSE CANADIENNE / Adrian Wyld

À Sotchi 2014, le patineur de vitesse Gilmore Junio a surpris tout le monde en se désistant de l’épreuve du 1000 m pour laisser sa place à son coéquipier Denny Morrison. Mais pourquoi? Gilmore croyait que Denny avait de meilleures chances de remporter une médaille pour le Canada que lui. Lors des essais nationaux, Denny était seulement à 50 m d’une qualification au 1000 m, lorsqu’il a chuté après avoir accroché un de ses patins.

On lui a offert une chance de se rattraper, mais il n’avait plus la même énergie. Le 1000 m était la spécialité du double champion du monde, alors que Gilmore était meilleur au 500 m. Dans l’intérêt du pays, Gilmore a reconnu l’évidence et a cédé sa place. Un geste bénéfique, car Denny a finalement remporté l’argent.

Parfois, l’esprit sportif ne se manifeste pas dans les gestes que l’on pose, mais plutôt dans ceux que l’on ne pose pas.

Evan Dunfee – Rio 2016

Evan Dunfeelo pendant l’épreuve de 50 km de marche aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, vendredi le 19 août 2016. (AP Photo/Robert F. Bukaty)

L’athlète canadien de marche rapide Evan Dunfee ne s’est pas plaint après avoir échangé la médaille de bronze avec le Japonais Hirroki Arai plusieurs fois. Les deux athlètes étaient nez à nez lors de l’épreuve de 50 km de marche rapide lorsque Hirroki a bousculé Evan, qui a perdu son rythme en titubant. Hirroki s’est donc faufilé en troisième place.

Après un appel et une vérification, Hirroki a été disqualifié, ce qui a élevé Evan au troisième rang. Un contre-appel du Japonais lui a ensuite permis de reprendre le bronze. Evan pouvait donc choisir de porter l’appel en Cour d’arbitrage sportif. Il s’est finalement abstenu de le faire, gardant la tête haute en acceptant sa quatrième place, fier de ses efforts. Un geste digne d’un champion.

Dans certains cas, même si les livres ne peuvent jamais être réécrits, la médaille change de main. 

Shawn Crawford – Beijing 2008

Dans cette photo du 18 août 2008, Shawn Crawford des États-Unis participe aux préliminaires du 200 mètres lors des Jeux olympiques de Beijing 2008. (AP Photo / David J. Phillip, File)

La finale du 200 m aux Jeux olympiques de Beijing 2008 a vu Usain Bolt faire la une en remportant la médaille d’or et en réalisant un nouveau record du monde en 19,30 secondes. Mais, ce qui se passait derrière lui était tout aussi intéressant.

Churandy Martina des Pays-Bas a franchi l’arrivée en deuxième place devant l’Américain Wallace Spearmon. Cependant, après une analyse de la course, Churandy et Wallace ont été disqualifiés pour avoir dépassé leurs lignes de corridor. Ainsi, les Américains Shawn Crawford et Walter Dix se sont retrouvés en deuxième et troisième places. Shawn, qui était passé du quatrième au deuxième rang, a difficilement accepté cette issue.

Après les Jeux il a choisi d’envoyer sa médaille d’argent olympique à Churandy avec ce message : « Churandy, je sais que rien ne peut te rendre le moment, mais j’aimerais que tu aies ceci, car je crois sincèrement qu’elle te revient de droit. » 

Les Médailles de l’éternelle amitié – Berlin 1936

Les athlètes japonais de saut à la perche Shuhei Nishida et Sueo Oe ont choisi de prendre en main l’issue des résultats en coupant en deux leurs médailles olympiques obtenues en 1936 et en les soudant afin de créer des médailles à la fois d’argent et de bronze. Mais pourquoi? Le duo a participé à un bris d’égalité à trois pour la deuxième et la troisième position avec l’Américain Bill Sefton.

Après l’élimination de ce dernier, le bris d’égalité a pris fin apparemment parce que les officiels Japonais ont choisi d’intervenir en remettant à Shuhei les médailles d’argent et celle de bronze à Sueo. Les raisons qui expliquent une telle décision seraient le fait que Shuhei était plus âgé, et le fait qu’il ait réussi à franchir la barre des 4,25 m lors de son premier essai, alors que Sueo n’avait pas fait de même. Cette explication ne suffisait pas pour les deux compétiteurs. À leur retour au Japon, ils ont coupé leurs médailles en deux afin de se créer des Médailles d’éternelle amitié.