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Une série de victoires hors du commun

Dans le domaine du sport, une série de victoires réussit à captiver les spectateurs autant que les médias. On pense immédiatement aux statistiques de sportifs tels que Joe DiMaggio et sa série de 56 matchs avec coups sûrs ou Cal Ripken et sa série de 2 632 matchs consécutifs.

Une bobeuse de 27 ans originaire de Calgary écrit maintenant son nom au livre des records avec sa propre série historique. La médaillée d’or olympique de 2010 et championne du monde en titre Kaillie Humphries s’est imposée comme celle que l’on peut considérer la meilleure pilote de bobsleigh au monde.

Mais elle connaît bien la victoire.

Depuis qu’elle est montée sur le podium à une compétition de la Coupe du monde à Whistler en février, avec sa partenaire d’alors Emily Baadsvik, Kaillie Humphries reste invaincue. Elle a récemment célébré sa huitième victoire d’affilée à La Plagne, en France, avec la freineuse recrue Chelsea Valois, sa coéquipière des cinq dernières courses.

« Tout peut arriver dans notre sport », a déclaré humblement Mme Humphries après sa dernière victoire. « Je prends les choses une descente à la fois. Ce n’est que le début de ma collaboration avec Chelsea [Valois] et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. »
Partenaires par hasard

Kaillie Humphries et l’athlète de 25 ans originaire de Zenon Park (Saskatchewan) sont devenues coéquipières par hasard. L’été dernier, Chelsea Valois se demandait quels défis elle pourrait relever après une carrière fructueuse de cinq ans en athlétisme multisport à l’Université de Regina, au cours de laquelle elle a remporté 10 médailles de l’Association sportive universitaire de l’Ouest canadien et deux médailles des Championnats de sport interuniversitaire canadien (SIC).

Certains de ses coéquipiers des « Cougars » de Regina avaient fait des essais avec Bobsleigh Canada l’année précédente et l’ont poussée à s’essayer elle aussi. Le résultat a surpris tout le monde, y compris l’entraîneur en chef de l’équipe nationale, Tom De La Hunty.

« Je n’oublierai jamais le jour où nous l’avons rencontrée », affirme M. De La Hunty. « Elle était grande et élancée, mais tranquille et modeste. Nous l’avons amenée dans la Ice House afin de lui montrer les techniques de base et, une heure plus tard, elle s’est lancée et a réussi à égaliser les temps de nos meilleurs freineurs. Nous avons tout de suite su qu’elle était une jeune femme très spéciale. Elle continue de s’améliorer et je suis certain qu’elle deviendra l’une des meilleures au monde. »

Chelsea Valois jonglait alors avec l’idée de s’essayer avec l’équipe depuis plus d’un an. Sa carrière en athlétisme universitaire était terminée, mais elle avait encore envie de pratiquer des sports de compétition et voulait tester ses limites en essayant quelque chose de nouveau.

« Je croyais avoir les qualités qu’ils recherchaient », explique Mme Valois. « J’ai acquis de la puissance, de la force et de la vitesse pendant ma carrière de course sur piste. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais j’étais certaine que je ne voulais pas abandonner le sport. L’occasion qui m’a été donnée est tout ce que j’espérais et plus encore. »

Kaillie Humphries a terminé la saison 2011-2012 en remportant avec la freineuse Jennifer Ciochetti deux descentes consécutives, y compris un championnat du monde, un titre prestigieux qu’elles étaient les premières Canadiennes à remporter en duo.

Mme Ciochetti est toutefois devenue la pilote du bob « Canada 2 » pendant la saison morte, après que la pilote médaillée d’argent de 2010, Helen Upperton, a pris sa retraite. Mme Humphries devait alors se trouver une nouvelle partenaire et a été jumelée à Chelsea Valois après que cette dernière a obtenu des résultats impressionnants aux tests physiques.

Mme Valois détient maintenant elle aussi un record puisqu’elle a remporté ses cinq premières courses de la Coupe du monde en carrière, le plus grand nombre de descentes remportées par une recrue. Kaillie Humphries a fait l’éloge de sa nouvelle partenaire et l’a déjà comparée à la freineuse qui l’a aidée à remporter la médaille d’or à Vancouver, Heather Moyse, et à la freineuse médaillée d’argent Shelley-Ann Brown.

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À Whistler (C.-B.), Kaillie Humphries, à droite, et sa coéquipière olympique Heather Moyse célèbrent leur médaille d’or aux Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver. LA PRESSE CANADIENNE/Mathew McCarthy

« Quand elle (Chelsea) a commencé, elle a démontré un grand potentiel et semblait très prometteuse, tout comme Shelley-Ann Brown et Heather Moyse il y a quelques années », a précisé Mme Humphries. « Il y a encore beaucoup d’aspects à améliorer, mais on peut voir quelle devient plus forte et l’équipe que nous formons progresse bien. »

Mme Valois donne tout le crédit à sa coéquipière de l’avoir prise sous son aile et de l’avoir aidée à s’améliorer comme athlète de glisse.

« C’est une athlète incroyable et je l’admire beaucoup », a déclaré Chelsea Valois au sujet de sa partenaire. « Elle a eu une grande influence sur ma courbe d’apprentissage et n’a pas perdu de temps avant de m’enseigner les moindres détails du sport. Elle est fantastique et c’est une excellente coéquipière. »

Place à l’amélioration
Tom De La Hunty, Britannique d’origine et lui-même ancien bobeur olympique, est entraîneur de l’équipe canadienne depuis 2010. Il a participé à huit Jeux olympiques à titre d’athlète ou d’entraîneur, mais il affirme que peu de choses ont changé dans le sport depuis sa participation pour l’équipe de la Grande-Bretagne aux Jeux olympiques d’hiver de 1984 et de 1988.

« Il faut trois choses essentielles pour créer une bonne équipe de bobsleigh », explique-t-il. « Évidemment, il y a tout d’abord le bob et les souliers utilisés. Puis, il y a la vitesse au départ. Et enfin, il y a les compétences du pilote et l’habileté du freineur derrière lui. Avec ces trois conditions gagnantes, il est possible de dominer. »

Même si Chelsea Valois et Kaillie Humphries se sont imposées cette année, les athlètes et leur entraîneur croient qu’il y a de nombreuses améliorations à apporter, y compris à la poussée de départ, une section de la course où les Américaines ont dominé pendant toute la saison.

Suivant une récente tendance dans le domaine du bobsleigh, l’équipe des États-Unis est allée chercher des adeptes d’athlétisme pour les convertir en bobeurs et bobeuses d’élite. Toutefois, les Américains ont choisi des champions olympiques tels que la médaillée d’or de 2012 Tianna Madison et la double championne du monde aux haies, Lolo Jones.

« L’équipe américaine est formée de médaillés d’or des Jeux olympiques de 2012 à Londres qui ont décidé de s’essayer au bobsleigh », poursuit M. De La Hunty. « Que Chelsea obtienne des résultats similaires à eux et qu’elle soit capable de concourir avec les meilleurs athlètes au monde est très impressionnant. Chelsea et le reste de l’équipe ne feront que s’améliorer à mesure qu’elle devient plus forte et plus rapide. L’équipe canadienne pourra ensuite dominer. »

Surmonter la pression
Tom De La Hunty n’avait aucune inquiétude à l’idée de jumeler une recrue comme Chelsea Valois avec une bobeuse accomplie, et il ajoute que la nouvelle venue n’a pas du tout cédé à la pression d’être dans un bob avec une championne olympique et championne du monde en titre.

Il affirme aussi que Kaillie Humphries saurait très bien réagir à une pression supplémentaire sur ses épaules puisqu’elle est selon lui une professionnelle accomplie qui ne vit que pour le bobsleigh et cherche toujours à s’améliorer.

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Les Canadiennes Kaillie Humphries et Chelsea Valois en pleine course à l’épreuve de bobsleigh féminine de Coupe du monde qui a eu lieu le vendredi 23 novembre 2012 à Whistler (C.-B.). LA PRESSE CANADIENNE/Darryl Dyck

« Il semble que je réagisse bien à la pression », ajoute Mme Humphries. « Mais il n’y a pas de pression plus grande que celle que je place sur moi-même. Je veux gagner pour moi, mon équipe et notre personnel de soutien. On pourrait avoir plus de pression, mais ça ne serait rien comparativement à ma participation aux Jeux olympiques dans mon propre pays ou à un championnat du monde en tant que championne en titre. Je sais que les autres athlètes m’ont à l’œil puisque je suis aussi la championne olympique. »

Le duo est encore dans sa phase d’apprentissage, ce qui est bien normal puisque les bobeuses ont été jumelées tout juste avant le début de la saison. Les deux athlètes ont été félicitées par leur entraîneur pour leur éthique de travail exceptionnelle et elles ont pu compter sur les conseils de leurs coéquipiers et du personnel de soutien pour faciliter la transition.

« Comme pilote, j’ai l’impression de finalement arriver à un stade où je peux être plus constante », a déclaré Mme Humphries. « Je veux prouver que je suis l’une des meilleures au monde. Je ne suis pas encore au niveau où je voudrais être, alors je dois continuer à travailler fort. Je continue à apprendre de mes coéquipiers et en observant mes adversaires. »

De plus grands objectifs
L’équipe canadienne retournera en Europe le 28 décembre pour la prochaine épreuve de la Coupe du monde de bobsleigh qui aura lieu à Altenberg, en Allemagne, où l’équipe espère commencer la nouvelle année de façon positive.

D’ici là, les athlètes auront beaucoup de temps pour réfléchir à leurs réussites des derniers mois et à ce qui les attend. Kaillie Humphries affirme qu’elle n’a pas encore réalisé l’importance du record qu’elle a établi.

« Je ne sais vraiment pas quand ça va finalement me frapper », dit-elle. « Pour l’instant, je vais profiter de mes vacances pour consacrer toute mon énergie à soutenir les membres de ma famille puisqu’ils me soutiennent eux aussi très bien. J’ai hâte de leur redonner le soutien dont ils font preuve à mon égard. »
–    George Fadel