Dans les coulisses de trois duos canadiens de patinage artistique et sur ce qui fait leur succès.
« La chimie est très importante sur la glace, mais aussi la façon dont on travaille ensemble, parce que c’est là qu’est la connexion. »
— Marjorie Lajoie
Former le bon duo d’athlètes, ça joue un rôle énorme dans la réussite de bien des sports olympiques d’hiver, mais il y a quelque chose de vraiment unique dans les duos de couples et de danse sur glace en patinage artistique.
Ces partenariats vont bien au-delà du simple fait de jumeler deux fondeurs rapides pour un sprint par équipes, ou d’associer le meilleur freineur au pilote de bobsleigh le plus talentueux.
Après tout, ils ne font pas que courir contre la montre : ils sont évalués autant sur la précision technique de leurs éléments que sur l’art et la connexion qu’ils dégagent sur la glace.
Leur gabarit doit s’harmoniser parfaitement pour atteindre les plus hauts niveaux de difficulté. Et si on se fie au livre des règlements, les notions « d’unité » et « d’unisson » font directement partie des critères d’évaluation des composantes de programme.
Développer cette chimie et cette compréhension mutuelle, ça prend du temps — souvent des années. Et si un partenaire se blesse, l’autre ne peut pas juste trouver quelqu’un d’autre pour le remplacer.
En somme, il n’y a pas de « moi », juste un « nous ».
Voici ce que trois des meilleurs duos canadiens, chacun formé et développé à sa manière, avaient à dire sur ce qui rend leur partenariat si spécial.
Marjorie Lajoie et Zachary Lagha : le partenariat d’enfance
Marjorie Lajoie et Zachary Lagha patinent ensemble depuis 2011. Leur parcours rappelle celui de Tessa Virtue et Scott Moir, qui avaient accumulé 20 ans de complicité lorsqu’ils sont devenus les patineurs artistiques les plus décorés de l’histoire olympique.
Aujourd’hui dans la mi-vingtaine, Lajoie et Lagha ont gravi les échelons ensemble : champions nationaux juniors, champions du monde juniors, puis Olympiens. Ils s’imposent désormais comme les prochaines grandes vedettes canadiennes de la danse sur glace.
« La question qu’on nous pose souvent, c’est “comment gérez-vous le stress ensemble ?” », raconte Lajoie. « On répond toujours qu’on gère chacun notre stress, parce qu’on fait confiance à l’autre. On sait que l’autre fera tout pour bien performer sur la glace, alors on n’a pas à stresser pour lui. »
« On a commencé à 10 ans. On a grandi ensemble. Alors forcément, la chimie grandit aussi avec le temps, et on apprend tellement l’un de l’autre. Puisqu’on est passés par toutes les étapes, l’enfance, l’adolescence, puis l’âge adulte, ça crée une base de confiance très forte. »
Maintenant bien établis chez les seniors, ils savent clairement qui ils sont comme duo : capables d’interpréter aussi bien l’humour d’Austin Powers qu’une pièce classique.

« On est une équipe agressive, qui fonce et qui ne lâche pas l’accélérateur, » dit Lagha. « On est aussi un couple capable de faire différents styles, et je pense que c’est une qualité qu’on voit de moins en moins. Plusieurs équipes trouvent leur style et y restent, ce qui est correct, mais parfois, se mettre au défi et prendre des risques, c’est aussi intéressant. »
Ce qu’ils admirent chez l’autre
« Chez Marjorie, j’admire sa bonne humeur, » dit Lagha. « Elle est toujours prête à travailler, dans la légèreté. Je peux lui dire ce que je veux sans qu’elle le prenne personnel, alors c’est plus facile de travailler ensemble. »
« Il cherche toujours à évoluer, à s’améliorer, » ajoute Lajoie. « C’est celui des deux qui fait le plus d’heures sur la glace. C’est la personne la plus travaillante que je connaisse. »
Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps : le partenariat de la dernière chance
Quand Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps ont uni leurs forces en 2019, c’était un peu leur dernière chance à tous les deux. Stellato-Dudek avait 36 ans, un âge où la plupart des patineurs ont déjà pris leur retraite. Elle revenait pourtant à la compétition après une pause de 16 ans. Pour Deschamps, il s’agissait de sa neuvième partenaire, après une carrière passée à frôler le plus haut niveau sans y rester.
Parfois, créer une alchimie exige de traverser les frontières. Née et élevée aux États-Unis, Stellato-Dudek s’est installée à Montréal pour rejoindre Deschamps. En décembre 2024, elle a obtenu la citoyenneté canadienne, une étape essentielle pour pouvoir concourir aux Jeux olympiques.
« La confiance, ça se bâtit avec le temps, » explique Deschamps. « Plus on patine ensemble, plus on apprend à se faire confiance, à se connaître. C’est comme ça qu’on traverse les obstacles et qu’on peut repousser nos limites. »
« Quand j’ai rencontré Max pour notre essai, il avait un fort accent québécois, » se souvient Stellato-Dudek en riant. « Au début, on avait de la misère à se comprendre. Je lui demandais de répéter trois ou quatre fois ! Mais maintenant, on sait comment communiquer. Je suis très créative, et Max a un cerveau d’ingénieur. Il trouve comment concrétiser mes idées. On sait ce dont l’autre a besoin, et on continue de travailler là-dessus. »
« C’est aussi une évolution personnelle, » ajoute Deschamps. « Ce dont elle avait besoin il y a trois ans, c’est pas la même chose aujourd’hui. On évolue ensemble, dans la même direction. C’est magique. »

Ce qu’ils admirent chez l’autre
« Sa discipline et sa rigueur au quotidien, » dit Deschamps. « À 42 ans, ce qu’elle accomplit, c’est incroyable. Elle dépasse toutes mes attentes. »
« J’admire énormément de choses chez Maxime, » confie Stellato-Dudek. « Il est très intelligent, toujours capable de rendre mes idées concrètes. Il est aussi extrêmement jovial, toujours positif. Et il peut, en un instant, passer d’une blague à un état d’esprit hyper concentré. »
Lia Pereira et Trennt Michaud : le partenariat de la révélation
Quand Trennt Michaud s’est retrouvé sans partenaire à l’été 2022, il n’a pas eu à chercher bien loin : elle s’entraînait juste de l’autre côté de la patinoire.
Avec son ancienne partenaire Evelyn Walsh, il avait manqué la qualification pour les Jeux de Beijing 2022 d’une seule place. Après leur troisième participation aux Championnats du monde, Walsh a décidé de se retirer de la compétition, mais pas Michaud.
« Je me disais : je ne suis pas prêt à arrêter, il me reste tellement à accomplir, » se souvient-il. « J’ai demandé à ma coach, Alison Purkiss, si elle avait quelqu’un en tête. Elle m’a dit “Lia” presque tout de suite. »
Un choix surprenant, puisque Lia Pereira n’avait plus patiné en couple depuis 2018-2019, alors qu’elle était encore pré-novice. En 2022, elle représentait le Canada aux Mondiaux juniors en simple.
« Je trouvais que c’était un bon match côté grandeur et capacités, » dit Michaud. « C’est une excellente patineuse. »
Après une semaine d’essais, à raison d’une heure par jour, Michaud était convaincu :
« J’ai dit à ma coach : c’est elle. »
Pereira aussi a tout de suite senti le potentiel :
« Je me disais «wow, c’est vraiment le fun ! » J’espère qu’on va bien s’entendre, parce que j’ai eu un avant-goût et j’en veux plus !” »
« On a eu une connexion instantanée, on nous appelle les “golden retrievers”, » ajoute Michaud en riant. « On a la même énergie, on adore ce qu’on fait. Pourquoi ne pas le faire le plus longtemps possible ? »
Huit mois après leurs premiers essais, ils se qualifiaient pour les Championnats du monde 2023 et terminaient sixièmes. Après avoir d’abord concentré leurs efforts sur les éléments techniques, ils se penchent maintenant sur leur identité artistique commune.

« On essaie de découvrir qui sont Lia et Trennt. Quelle est notre histoire ? Qu’est-ce qu’on veut raconter ? On a appris à fonctionner ensemble, et maintenant, on veut utiliser ça pour donner le meilleur de nous-mêmes, » explique Pereira.
Ce qu’ils admirent chez l’autre
« Trennt est incroyablement dévoué. Tout ce qu’il fait tourne autour du patinage, et c’est inspirant de patiner avec quelqu’un qui se donne autant, » dit Pereira.
« Lia est passionnée et attentionnée, » répond Michaud. « Que ce soit envers sa famille ou son sport, on sent que sa passion est sincère et profonde. »



