Marion Thénault effectue un saut acrobatique.

Ski acrobatique 101 avec Marion Thénault et Lewis Irving

Que pouvez-vous accomplir en trois secondes?

Probablement pas grand-chose… à moins que vous ne soyez un skieur ou une skieuse de sauts acrobatiques.

La discipline des sauts acrobatiques en ski freestyle a été présentée comme sport de démonstration à Calgary 1988 et à Albertville 1992, avant de devenir une épreuve officielle aux Jeux de Lillehammer 1994.

En plus des épreuves masculines et féminines, Milano Cortina 2026 accueillera aussi l’épreuve mixte par équipes en sauts acrobatiques, introduite pour la première fois aux Jeux olympiques de Beijing 2022.

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Cette année-là, le trio formé de Marion Thénault, Lewis Irving et Miha Fontaine a remporté la médaille de bronze, soit la cinquième médaille olympique de l’histoire du Canada en sauts acrobatiques.

Nous avons donc Thénault et Irving pour expliquer, du point de vue des athlètes, en quoi consiste ce sport.

Comment fonctionnent les sauts acrobatiques?

Les athlètes descendent une pente de 70 mètres avant d’arriver sur une petite rampe très inclinée, appelée un « kicker ». Ces kickers existent en différentes hauteurs, pouvant atteindre environ 6 mètres, et ils peuvent propulser les skieurs jusqu’à 15 mètres au-dessus de la zone d’atterrissage.

Pendant qu’ils sont en l’air, (pendant environ trois secondes) comme mentionné plus tôt, les athlètes tentent d’effectuer le plus de sauts périlleux et de vrilles possible avant d’atterrir de façon contrôlée.

Si vous regardez une compétition de sauts acrobatiques, vous entendrez probablement le terme « full », qui désigne un saut périlleux (flip) avec une vrille. Un « double full », c’est un flip avec deux vrilles. Ainsi, un « full double full » et un « double full full » sont tous deux des doubles sauts périlleux avec triple vrille. Dans le premier cas, les deux vrilles se trouvent sur le deuxième flip, tandis que dans le second, elles se trouvent sur le premier flip. Et oui, un « triple full » représente trois vrilles sur un seul flip.

Team Canada Lewis Irving PyeongChang 2018
Le skieur canadien de ski acrobatique en sauts, Lewis Irving, de Québec, vole dans les airs durant une séance d’entraînement aux Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang 2018, en Corée du Sud, le mercredi 14 février 2018. LA PRESSE CANADIENNE/Jonathan Hayward

Un panel de cinq juges évalue l’envol du skieur (le départ, la hauteur et la distance), sa forme dans les airs ainsi que son atterrissage. Ces notes sont ensuite multipliées par le degré de difficulté du saut pour obtenir le pointage final.

L’épreuve de sauts acrobatiques par équipes mixtes est composée d’équipes de trois athlètes (deux femmes et un homme, ou l’inverse), dont les scores sont combinés pour obtenir un total d’équipe.

Les épreuves de sauts acrobatiques à Milano Cortina 2026 auront lieu au parc Livigno Aerials and Moguls, du 17 au 19 février et le 21 février.

Qu’est-ce qui traverse l’esprit d’un athlète avant un saut?

« Quand je suis en haut, j’essaie généralement de vider mon esprit, parce que je ne veux pas être distraite par quoi que ce soit : les résultats, les attentes ou les conditions », explique Thénault, une athlète de 25 ans originaire de Sherbrooke, au Québec.

« J’essaie simplement de faire le vide pour pouvoir me concentrer uniquement sur mes mots-clés… Parfois ce sont des mots plus motivants comme “reste grand”, “confiance”, “assurée”, des choses comme ça. »

Irving, un athlète de 30 ans originaire de Québec, adopte une approche tout aussi zen avant un saut.

« La respiration, c’est la clé; le stress, l’anxiété, tout ça est énorme dans notre sport », dit-il. « Alors j’essaie juste de me recentrer, de me rappeler que je l’ai déjà fait, que je suis passé par là, et ensuite d’y aller et d’avoir du plaisir. »

Team Canada freestyle skiers Marion Thenault, Miha Fontaine and Lewis Irving win bronze in mixed team aerials
Les skieurs de freestyle d’Équipe Canada, Marion Thénault, Miha Fontaine et Lewis Irving, remportent la médaille de bronze à l’épreuve par équipes mixtes en sauts acrobatiques lors des Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, le jeudi 10 février 2022. Photo : Kevin Light/COC

Qu’est-ce que ça fait de réaliser un saut?

Une fois qu’elle s’élance dans la pente, Thénault évalue rapidement sa vitesse ainsi que les conditions de vent et de neige afin de déterminer comment celles-ci l’affecteront dans les airs. Ensuite, tout repose sur sa capacité à se concentrer pour réussir un décollage solide.

« Si j’ai réussi un bon décollage, je n’ai pratiquement rien à faire dans les airs, sauf me concentrer sur l’atterrissage au bon endroit, parce que je regarde déjà ma zone d’atterrissage », dit-elle. « Si j’ai manqué mon décollage, alors je dois composer avec les conséquences… Je vais essayer de m’adapter pour pouvoir atterrir sur mes pieds; même si ce n’est pas un saut parfait, je veux quand même le faire en toute sécurité. »

Même si elle ne passe que quelques instants dans les airs, Thénault réagit à ce qu’elle voit et à la manière dont elle sent l’air, en effectuant des ajustements techniques pour assurer un atterrissage sécuritaire.

« Il se passe énormément de choses », dit-elle. « Mais dans ma tête, j’ai l’impression d’avoir le temps de penser à tellement de choses. »

Comment les sauteurs acrobatiques perfectionnent-ils une nouvelle figure?

Cet instinct acrobatique, la capacité d’atterrir sur ses pieds, peu importe la situation, est une compétence fondamentale en sauts acrobatiques, selon Thénault. Mais comment ces skieurs développent-ils leur répertoire de vrilles et de sauts périlleux dans un environnement relativement sécuritaire?

Tout commence sur un trampoline, attachés à des cordes élastiques, afin que l’athlète puisse intégrer la sensation de la figure dans son corps. Ensuite, vient une multitude de répétitions sur la rampe aquatique, une structure métallique similaire à une pente de ski, où les athlètes atterrissent dans l’eau.

Finalement, il est temps d’essayer la figure sur la neige.

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« C’est certain que la première fois que tu fais une figure sur la neige, tu ressens vraiment cette impression d’inconnu. Et c’est vraiment épeurant », explique Thénault. « Mais en même temps, dès que tu tournes tes skis vers le saut et que tu t’y diriges, c’est comme si ton corps savait quoi faire, parce que tu l’as répété tellement de fois.

« C’est épeurant, mais tellement satisfaisant après. »

Mais même une fois que la figure est réussie, ce n’est pas comme si le processus d’apprentissage était terminé et que la figure était acquise pour toujours. Irving revient régulièrement à la base au début de chaque saison, construisant graduellement jusqu’à ses figures les plus difficiles.

Wearing a red plaid bib over a white snowsuit, Marion Thenault smiles after landing a jump
Marion Thénault, de Sherbrooke (Québec), réagit après avoir atterri un saut lors de la finale féminine des 12, le dimanche 26 janvier 2025, à l’épreuve de sauts acrobatiques de la Coupe du monde de ski freestyle de la FIS à Lac-Beauport, au Québec. Thénault a terminé en sixième place et première parmi les Canadiennes en finale. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

Quel est le processus pour maîtriser ces figures?

« Dans notre sport, la courbe d’apprentissage est vraiment très lente », explique Irving.

« On commence généralement par apprendre à faire un simple saut périlleux arrière, puis on ajoute une vrille, et ensuite chaque petite étape consiste à ajouter une vrille de plus ou un flip de plus, mais on ne saute jamais d’étapes. »

Et même après ce processus long et progressif, il arrive que tout ne se mette en place que lors de la compétition elle-même.

« L’entraînement en sauts acrobatiques, c’est un peu drôle, parce qu’il n’y a souvent pas beaucoup de bons sauts, beaucoup de chutes, beaucoup de gens qui essaient de comprendre », dit-il. « On se demande presque s’ils maîtrisent vraiment leur figure et quand la compétition arrive, tout le monde réussit ses sauts et livre la marchandise. »