L'équipe masculine canadienne de gymnastique artistique aux Jeux panaméricains de Santiago 2023. Les cinq gymnastes posent avec leurs entraîneurs.Candice Ward/COC
Candice Ward/COC

Un grand objectif cet été pour la première équipe masculine olympique canadienne de gymnastique en 16 ans

L’équipe masculine canadienne de gymnastique artistique qui foulera le sol aux Jeux olympiques de Paris cet été a un objectif précis en tête : participer à la finale par équipes. C’est un accomplissement qu’aucune autre équipe masculine canadienne de gymnastique artistique n’a réussi jusqu’à maintenant*.

Après s’être qualifiée pour Paris 2024 grâce à une quatrième place en qualifications de l’épreuve par équipes des Championnats du monde de gymnastique artistique de la FIG 2023 à Anvers, en Belgique en octobre dernier, l’équipe a pris le septième rang de la finale, faisant de leur rêve olympique une réalité. Du même coup, leur ultime objectif d’équipe semblait atteignable.

« Quand j’ai quitté la surface de compétition et que j’ai enlacé tout le monde de mon équipe, ç’a été un moment rempli d’émotions, a admis Félix Dolci, quelques mois plus tard. On a travaillé chaque jour pendant près de deux ans pour vivre ce moment en particulier. On voulait tellement réussir qu’une fois que ç’a été fait, on pouvait voir que tous avaient un poids de moins sur les épaules. On pouvait enfin dire « On s’en va aux Jeux olympiques en tant qu’équipe. » »

« On savait qu’on avait une équipe forte qui pouvait y arriver, mais d’y parvenir réellement, ça voulait tout dire, affirme le vétéran et leader de l’équipe, René Cournoyer. J’ai participé aux derniers Jeux individuellement, mais le faire avec une équipe au grand complet, c’est un niveau de joie et d’accomplissement totalement différent. »

En tant que seul représentant du Canada en gymnastique artistique masculine à Tokyo 2020 après que l’équipe ne soit pas parvenue à se qualifier pour les Jeux pour une troisième fois de suite (la dernière équipe masculine canadienne dans cette discipline remonte à  Beijing 2008), Cournoyer connaît très bien le chagrin qui accompagne le fait de ne pas être en mesure de s’unir pour mettre la main sur cette place si convoitée. En tant que figure clé de l’équipe nationale masculine de gymnastique artistique depuis 2015, il a aussi fait partie des qualifications ratées en vue des Jeux de Rio 2016.

« Quand j’ai commencé, pour Rio, les gars étaient presque à la fin de leur carrière et je commençais à peine. Ils ne prenaient pas ça à la légère, mais ils surfaient un peu sur leurs succès précédents. Quand ils ont pris leur retraite, ç’a laissé un trou au sein de l’équipe nationale et ç’a permis aux plus jeunes de se démarquer. Ils ont travaillé très fort, mais ils n’avaient pas d’expérience. On avait un ou deux bons gars, mais pas assez pour avoir une équipe complète, alors quand on est arrivé aux qualifications pour Tokyo, on était en bonne forme physique et on avait un peu d’expérience, mais ce n’était pas suffisant », se souvient Cournoyer au sujet de ce pan de sa carrière.

Alors que l’équipe amorçait l’étape des qualifications pour Paris 2024, elle avait désormais une combinaison d’expérience et d’aptitudes, et , peut-être plus important encore grâce à l’entraîneur-chef de l’équipe nationale, Ed Van Hoof, elle croyait en ses moyens pour performer.

En tant que directeur technique et entraîneur-chef national de l’équipe de gymnastique artistique masculine pour l’équipe nationale masculine britannique pendant de nombreuses années – et ancien gymnaste olympique –, Van Hoof a été l’architecte de la spectaculaire montée de ce programme, qui est passé du 23e rang aux Championnats du monde 2003 à la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Londres 2012 moins d’une décennie plus tard.

Quand il s’est joint à l’équipe canadienne en juillet 2018, il savait que les athlètes étaient capables d’offrir des performances de gymnastique de haut niveau. Ce qui manquait, c’était de la constance dans leurs performances et du dévouement pour performer aux plus hauts niveaux.

« La première année, j’ai honnêtement pensé que pour les deux années suivantes, ils ne seraient pas capables de se qualifier parmi les 12 meilleurs aux deux Championnats du monde qui mèneraient à Tokyo, a dit Van Hoof.  Ils avaient de très bonnes lignes sur les engins et il ne leur manquait peut-être qu’un peu de difficulté. Cependant, il est devenu clair que les gars manquaient aussi de constance dans leurs performances et que c’est ce qui entraînait le plus leur chute parce que leur gymnastique était quand même de haut niveau et très propre. »

Van Hoof se souvient avoir demandé à l’équipe : « Combien d’entre vous avez participé à une compétition majeure et avez réussi six de vos six routines? » La réponse était pas mal… Aucun d’entre eux.

« Ils commettaient toujours une erreur majeure à un moment de la compétition, erreur qu’ils n’avaient jamais faite. Alors, j’ai dit : Vous êtes des athlètes complets. Votre boulot, c’est de vous présenter, de faire six épreuves et de réussir six routines. Elles ne seront peut-être pas les plus relevées et les meilleures que vous pourriez faire, mais vous réussissez six routines et c’est ça, la compétition, mais que cela n’arrivait pas souvent », se rappelle Van Hoof.

Van Hoof a intégré quelques phrases clés à l’équipe, dont « chaque tentative compte » et « la compétition reflète l’entraînement ». 

« Chaque tentative compte, signifie que tu ne fais pas que te présenter sur l’engin et te donner un élan juste pour le plaisir. Il doit y avoir une intention dans toutes ces tentatives, quelque chose sur quoi se concentrer dans son approche mentale. Et avec la phrase « la compétition reflète l’entraînement », cela signifie que si tu ne le fais pas à l’entraînement, tu ne pourras pas soudainement t’attendre à le faire dans une compétition avec la pression qui s’y ajoute ou encore avec l’environnement différent et les attentes. »

Quand l’équipe de Cournoyer, Zachary Clay, Dolci, William Émard et Jayson Rampersad a célébré sa qualification olympique à Anvers, elle l’a fait après avoir réussi les quatre routines sur un engin qui n’a pas toujours été leur ami – le cheval d’arçons – et obtenu de bonnes notes et des routines sans faille et constantes au tableau. Il ne faisait aucun doute que la concentration renouvelée sur la qualité et la constance a eu une incidence sur l’équipe.

À moins de deux mois de Paris, les athlètes qui formeront l’équipe olympique masculine canadienne de gymnastique participeront d’ici là aux Championnats canadiens qui auront lieu du 6 au 8 juin à Gatineau, au Québec. Les deux meilleures athlètes au concours multiple après la deuxième journée de compétition obtiendront leur billet pour Paris et les trois derniers athlètes seront déterminés selon leurs performances sur les six engins à la compétition qui s’étale sur deux jours.

Cournoyer est considéré comme le favori pour l’équipe avec ses nombreuses années d’expérience en compétition internationale, tout comme Dolci, qui vient de remporter une médaille d’or au concours multiple des Jeux panaméricains 2023 à Santiago, au Chili, un accomplissement qu’aucun autre Canadien n’avait réussi depuis les Jeux panaméricains de 1963.

Un coup d’œil au compte Instagram d’Émard indique qu’il se remet bien d’une déchirure musculaire du biceps, subie en mars, alors que Sam Zakutney, champion canadien au concours multiple en 2019, semble aussi être de retour au sommet de sa forme après s’être rétabli d’une opération à une épaule il y a un an. Les yeux seront aussi tournés vers Clay et Rampersad, qui ont respectivement remporté l’or et l’argent au cheval d’arçons à Santiago.

« En tant qu’équipe, je pense qu’on a acquis assez d’expérience pour s’attendre à l’inattendu et surmonter tout ce qui se présentera à nous, a dit Cournoyer. On doit y aller une étape à la fois. S’entraîner tous les jours, un jour à la fois. Se rendre aux championnats nationaux, faire ce qu’on y a à faire et ensuite penser à Paris. C’est le boulot de nos entraîneurs de penser à la préparation à long terme et le nôtre en tant qu’athlètes, c’est de s’assurer d’arriver en un seul morceau. Écouter nos corps et être prêts mentalement pour bien performer le temps venu. »

(*Leçon d’histoire : La finale par équipes comme épreuve indépendante a fait ses débuts aux Jeux olympiques de Sydney 2000. Avant cela, les médailles par équipes étaient remises selon les classements finaux des rondes de qualifications. Le Canada a obtenu son meilleur résultat dans ce format avec une septième place aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984 – des Jeux qui avaient été boycottés par les nations généralement fortes en gymnastiques provenant du bloc de l’Est.)