La passion, la préparation et le partenariat au coeur de l’ascension de Stellato-Dudek et Deschamps jusqu’au titre mondial
Au moment où Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps ont terminé le programme libre qui leur a valu la médaille d’or aux Championnats du monde de patinage artistique de l’ISU 2024, le bruit au Centre Bell de Montréal a été mesuré à plus de 90 décibels.
Comme le savent tous les fans inconditionnels des Canadiens de Montréal, et ce groupe inclut Deschamps, ce niveau de bruit est similaire à ce qu’il est possible d’entendre lorsque les Canadiens marquent un but important.
Toutefois, ils n’ont pas été pris au dépourvu par cette réaction enthousiaste de la foule. En fait, ils s’étaient entraînés en vue de ce moment précis, s’imaginant au milieu d’une performance qui ferait d’eux des champions du monde.
La préparation a été la clé pour ce duo depuis les débuts de leur partenariat en 2019.
Stellato-Dudek l’a dit immédiatement après leur victoire. « Si vous échouez à vous préparer, vous vous préparez à échouer. »
Elle doit porter une attention particulière à préparer son corps à l’entraînement chaque jour. C’est simplement une partie nécessaire de sa routine en tant que femme de 40 ans qui vise à faire ses débuts olympiques dans deux ans. Depuis 1928, aucune femme de plus de 40 ans n’a participé à une compétition olympique de patinage artistique.
« Son dévouement pour le sport est d’un niveau supérieur », a dit Deschamps, expliquant qu’après l’entraînement, elle fait deux à trois heures de récupération pour être sûre d’être prête pour le lendemain. « Je l’appelle ma guerrière parce que c’est ce qu’elle est. Pour elle, c’est les Jeux olympiques tous les jours. »
La préparation pour ce qui a été la saison d’éclosion pour Stellato-Dudek et Deschamps a commencé juste après leur quatrième place aux Championnats du monde 2023.
« C’est toujours difficile d’être à cette place, juste au pied du podium. Nous avons dressé une liste des choses que nous voulions améliorer », a expliqué Stellato-Dudek, la faiseuse de listes du duo, quelques jours après avoir remporté la médaille d’or et être devenue la femme la plus âgée à remporter un titre mondial en patinage artistique. « Pendant l’été, nous avons peu à peu coché toute la liste. »
Même s’ils croyaient fermement être meilleurs, ils n’en ont eu la conformation que lorsqu’ils se sont testés en compétition. Le premier défi était une confrontation avec les champions du monde 2023, les Japonais Riku Miura et Ryuichi Kihara, à la Classique internationale d’automne. Stellato-Dudek et Deschamps l’ont remporté, ce qui leur a permis de commencer à penser qu’un podium de championnats du monde était possible.
« Ensuite, ça devient, oh, vous vous mettez la pression et oh mon Dieu, les mondiaux sont à la maison et il y a encore plus de pression. Je pense qu’au fur et à mesure que la saison avançait, nous étions de plus en plus préparés pour ce moment », a dit Stellato-Dudek.
« Nous avons toujours visé un podium cette année, mais au fur et à mesure que la saison avançait, nous visions de plus en plus le sommet du podium et nous savions qu’en venant ici, le public, ça allait nous aider, en nous soutenant avec de l’énergie pour traverser le programme. Mais nous devions être prêts à avoir cette pression aussi », a ajouté Deschamps.
Former un partenariat de patinage réussi n’est pas quelque chose qui se produit du jour au lendemain. Le danseur sur glace Paul Poirier a souligné qu’il faut généralement à une équipe quelques années pour trouver son identité. Partenaires depuis 2019, Stellato-Dudek et Deschamps estiment maintenant savoir ce qui les définit.
« Nous sommes une équipe puissante. Nous sommes une équipe forte. Et, à mon avis, nous sommes vraiment l’équipe de couples la plus créative du lot en ce moment. Nous offrons une histoire à chaque fois que nous sommes sur la glace », a-t-elle dit. « Nous voulons créer un moment, nous voulons hypnotiser et nous voulons emmener tout le monde avec nous à travers notre performance. »
Cette puissance et cette force sont des choses que Stellato-Dudek a identifiées en Deschamps dès le moment où ils ont patiné ensemble pour la première fois lors de leur essai il y a cinq ans.
« Je me souviens que nous faisions une spirale en couple, ce qui est un élément simple pour les patineurs de couples. Pendant un de transition où nous changeons de positions, j’ai senti qu’il m’a tiré très fort et j’ai pensé ‘oh mon dieu, ce gars n’est pas juste fort’ – parce que la plupart des partenaires masculins sont forts, ils soulèvent un être humain au-dessus de leur tête – mais il était puissant et c’est quelque chose de différent », s’est-elle rappelée.
Pour Deschamps, sa première sensation lors de cet essai a été une liberté sur la glace.
« Et c’est ce qui m’a vraiment captivé. »
À ce stade, il avait eu huit partenaires au cours de sa carrière, dont deux en tant que patineur senior. Il avait participé à quelques compétitions internationales, mais pas connu le genre de succès qui permet de poursuivre dans le sport facilement.
Cependant, il ne pouvait pas nier la passion qu’il avait encore pour le patinage et les rêves qu’il avait toujours en tête. Il espérait toujours que la bonne partenaire pour lui était là quelque part, même s’il était alors dans la fin de la vingtaine.
« Bien sûr, j’ai eu beaucoup de bas. J’ai pensé à arrêter plusieurs fois. Mais cette passion et ce rêve que j’avais m’ont poussé à continuer », a-t-il dit. « Rencontrer Deanna a été tout simplement formidable. La liberté que je ressentais avec elle nous permettait de faire ce que nous faisons maintenant. »
« Je me souviens que nous avons eu une discussion après notre essai, et j’ai pu voir que son désir de gagner et de réussir était le même que moi. Et c’est parfois presque plus important que le talent. Mais heureusement, Maxime avait aussi le talent », a-t-elle dit.
Trouver la personne idéale est une chose. Mais il y a des complications additionnelles lorsque les partenaires viennent de deux pays différents.
Née et ayant grandi aux États-Unis, Stellato-Dudek avait été une médaillée d’argent en simple aux championnats du monde juniors en 2000 avant que des blessures ne la forcent à prendre sa retraite du sport. Lorsqu’elle a amorcé son retour à la compétition après 16 ans loin de la glace, elle a déclaré qu’elle ne laisserait passer aucune occasion. Pour patiner avec Deschamps, elle a déménagé toute sa vie au nord de la frontière pour s’installer à Montréal.
Elle a eu la chance de le faire quelques mois seulement avant que la pandémie de COVID-19 ne perturbe la planète entière.
« La COVID a probablement été l’une des périodes les plus difficiles de ma vie. Être isolée ici, complètement seule. La seule personne que j’ai pu voir pendant cette période était Maxime », a-t-elle dit à propos de la longue période de confinement. « À ce moment-là, lorsque vous êtes isolé et que vous ne pouvez pas faire ce pour quoi vous avez déménagé à travers le pays ou le monde, vous vous demandez ‘oh mon Dieu, est-ce que je devrais quand même poursuivre ce rêve ? Est-ce que ça vaut vraiment la peine ?’ Et j’ai décidé que oui. »
Ils s’entraînaient dans des garages, sur de petites étendues de glace « terrible » non inondée, faisant tout ce qu’ils pouvaient en respectant les restrictions.
« Pendant la pandémie, je n’aurais jamais imaginé que nous serions ici [en tant que champions du monde] », a dit Stellato-Dudek. En fait, si les championnats du monde s’étaient déroulés à Montréal comme prévu en 2020, ils n’auraient pas été là. À l’époque, elle n’avait pas encore reçu son autorisation des États-Unis pour représenter le Canada sur la scène internationale.
« Tout le travail que nous avons fait pendant la COVID a porté ses fruits ici », a expliqué Deschamps.
« Ça semble très fortuit », a ajouté Stellato-Dudek.
Le grand objectif à venir est ce qui l’a ramenée aux compétitions de patinage artistique : gagner une médaille d’or olympique. Mais pour se rendre à Milano Cortina 2026, elle aura besoin d’avoir en main un passeport canadien. Elle a franchi une étape importante vers l’obtention de la citoyenneté lorsqu’elle a reçu sa carte de résidente permanente l’année dernière.
« Oh, j’ai pleuré », a-t-elle dit.
« Je me souviens », a-t-il ajouté en parlant de l’appel téléphonique qu’il a reçu. « Elle ne parlait pas, elle faisait juste pleurer. »
Le processus pour obtenir les documents administratifs n’est pas quelque chose sur lequel ils s’attardent lors des entraînements. « Mais ce que je me dis, c’est que plus je travaille dur et mieux je performe, plus je peux améliorer mon curriculum vitae pour le Canada, et ainsi espérer qu’ils voudront encore plus m’aider, » a-t-elle expliqué.
Depuis qu’elle vit à Montréal, Stellato-Dudek fait des efforts pour apprendre le français. Elle a une série de plus de 1700 jours consécutifs de leçons sur Duolingo et n’a pas hésité à répondre à certaines questions des journalistes en français lors des championnats du monde.
Au cours des cinq dernières années, ils ont appris de nombreuses leçons sur l’autre qui ne font que les aider à devenir les meilleurs partenaires possible l’un pour l’autre.
Deschamps a toujours abordé avec franchise son diagnostic de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), mais c’est quelque chose dont ils doivent tous les deux être conscients pour éviter toute réaction extrême potentielle.
« Il a toujours besoin d’une blague et de rester heureux, et je le laisse faire et j’essaie de rire des blagues », a-t-elle dit alors qu’ils riaient tous les deux. « S’il est vraiment dans une mauvaise passe, sachant cela, nous devons trouver ce que nous pouvons faire pour être quand même productifs à ce moment-là. »
« Il faut plus que du simple travail acharné pour être un champion. Je pense que cela prend de la créativité. Je crois que cela nécessite de penser en dehors de la boîte et nous nous aidons certainement mutuellement à le faire », a-t-elle poursuivi.
Quant à toutes les discussions sur son âge, Stellato-Dudek dit que ses constants records en tant que la plus âgée à accomplir quelque chose dans le patinage artistique est un motif de fierté alors qu’elle vise à réaliser ses rêves.
« J’espère que beaucoup d’athlètes resteront plus longtemps. J’espère que notre succès encourage les gens à ne pas s’arrêter avant d’avoir atteint leur potentiel. Et j’espère que cela se traduira dans d’autres domaines, pas seulement dans le sport, mais aussi dans d’autres domaines de la vie comme le travail et les carrières professionnelles. »