Charles Philibert-Thiboutot : De ses pires moments jusqu’à son retour au sommet
Pour les fans canadiens qui ont suivi les Jeux panaméricains de Santiago 2023, la finale du 1500 m masculin a représenté quelque chose de tout à fait magique.
Au moment de se retrouver dans le dernier virage, il semblait bien que les chances de médaille d’Équipe Canada étaient plutôt minces, et à plus forte raison la première marche du podium. Charles Philibert-Thiboutot était coincé entre trois concurrents qui se trouvaient devant lui et à ses côtés, tandis que son compatriote Robert Heppenstall était derrière lui. Heppenstall a détalé dans le dernier droit, se frayant un chemin par l’extérieur pour y aller d’un sprint d’enfer qui lui a permis de dépasser chacun des quatre athlètes qui le devançaient. Philibert-Thiboutot a aussi trouvé le moyen de passer en vitesse supérieure, trouvant un couloir encore plus à l’extérieur que Heppenstall pour ainsi dépasser un, deux, trois athlètes avant de se lancer au-dessus de la ligne d’arrivée en plongeant au moment où Heppenstall brandissait le poing en signe de triomphe.
Le verdict final : l’or à Philibert-Thiboutot, l’argent à Heppenstall et le bronze à l’Américain Casey Comber. Hollywood n’aurait pu imaginer un dénouement plus palpitant pour Équipe Canada. Il était clair, dans les minutes qui ont suivi, à quel point cette victoire représentait quelque chose de spécial pour l’athlète de 33 ans de Québec.
Philibert-Thiboutot avait déjà mis la main sur la médaille d’argent au 5000 m à Santiago, mais cette médaille d’or — ainsi que de double podium partagé avec un coéquipier — était plus douce encore.
« Je pense que maintenant que je suis un peu plus vieux, je ne tiens plus ces moments-là pour acquis, a déclaré Philibert-Thiboutot en revenant sur les Jeux panaméricains quelques mois plus tard. Quand tu es jeune et que les choses tournent en ta faveur et que le succès te vient assez facilement, tu tiens ces réalisations un peu pour acquis. Maintenant, je sais que le succès n’est pas toujours au rendez-vous et que ça ne va pas arriver si souvent que ça. Alors j’ai vraiment cherché à savourer le moment. »
Pas un parcours facile
Un athlète accompli au sein du réseau U Sports (qui s’appelait SIC à l’époque) avec l’Université Laval, Philibert-Thiboutot a vraiment commencé à se forger une place parmi les meilleurs coureurs de demi-fond au Canada en 2015, quand il a participé à ses premiers Championnats du monde de World Athletics et a raflé le bronze au 1500 m des Jeux panaméricains à Toronto. Il a continué de progresser, si bien qu’il a pu participer à ses premiers Jeux olympiques à Rio 2016, atteignant alors les demi-finales du 1500 m.
Des moments plus difficiles ont malheureusement enchaînés, si bien que Philibert-Thiboutot a appris à ne pas tenir ce genre de réalisation pour acquis. Il a subi une série de blessures dans les années qui ont suivi, alors qu’il s’est notamment blessé au tendon d’Achille en 2017 et 2018, puis a subi une fracture de stress en 2019 et une déchirure au mollet en 2020.
« Pour moi, l’année 2020 a été un mal pour un bien puisqu’au moment où tout a été fermé, j’ai pu arrêter de courir après les résultats et tout simplement me concentrer sur la réadaptation. Ce qui fait que 2020 a été une grosse année de reconstruction, loin de la compétition. Puis, en 2021, j’étais de nouveau en santé et en forme », a indiqué Philibert-Thiboutot.
Cependant, Dame Chance n’a pas commencé à le favoriser pour autant.
« J’ai été extrêmement malchanceux avant la période de qualification pour Tokyo 2020. Un concurrent m’a planté ses crampons dans mon tendon d’Achille dans une course un mois avant la fenêtre de qualification et ça m’a vraiment ralenti, a-t-il expliqué. Ensuite, quand j’ai essayé de me qualifier à l’occasion de la toute dernière journée des championnats nationaux, il y avait des vents de 70 kilomètres à l’heure, alors je n’ai pas pu obtenir un temps rapide. »
Pour ajouter l’insulte à l’injure, il a réalisé le critère olympique trois semaines après la fin de la période de qualification, prouvant ainsi qu’il avait le niveau de forme suffisant pour avoir sa place aux Jeux olympiques.
« Ç’a été une expérience un peu dévastatrice. Toutefois, j’étais en santé et je courais mieux que jamais. Depuis ce temps, j’ai cherché à continuer de bâtir sur cette erre d’aller. »
Cette erre d’aller lui a notamment permis, à l’été 2023, d’améliorer son temps record personnel au 1500 m pour la première fois en huit ans, ainsi que d’atteindre les demi-finales aux Championnats du monde de World Athletics.
Pendant sa période difficile où les blessures se sont succédées, Philibert-Thiboutot s’est accroché aux souvenirs qu’il avait de ses moments favoris en début de carrière, notamment sa médaille de bronze aux Jeux panaméricains et la première fois qu’il a réalisé le critère olympique.
« Ces moments-là m’avaient procuré de si fortes émotions que je savais que ça valait la peine de puiser profondément dans mes ressources et de rester motivé, sachant que si je revivais d’autres moments du genre, je serais le plus heureux du monde. »
Depuis ce temps, il a réussi à ajouter d’autres moments semblables à son palmarès, tout en espérant que le meilleur sera à venir aux Jeux de Paris 2024.
La voie à suivre
Contrairement au dernier cycle, quand il avait le couteau sur la gorge dans sa quête pour réaliser le critère de qualification, cette fois Philibert-Thiboutot a réussi le coup au début de la période de qualification.
« Ce qui veut dire que je ne suis pas obligé de disputer des courses aux deux semaines en essayant d’inscrire un temps très rapide. Je peux juste me concentrer sur mon entraînement et quelques courses clés, et donc faire en sorte que je serai le mieux préparé possible en vue de Paris. »
Il a tout particulièrement cherché à peaufiner son approche tactique dans ses courses.
« Aux Jeux panaméricains, c’était une course où je savais que je n’allais pas avoir mon meilleur niveau de forme, mais on voulait aller là-bas et être compétitif et avoir une bonne tactique », a expliqué Philibert-Thiboutot.
Le but sera le même en vue des Championnats du monde en salle de World Athletics 2024, qui ont lieu du 1er au 3 mars à Glasgow, en Écosse. En se préparant, Philibert-Thiboutot a établi plusieurs records québécois au passage, incluant celui du mille sur piste extérieure et du 3000 m en salle. Reste que c’est clairement Paris qu’il a dans sa mire.
« Le but est de me présenter aux Essais canadiens à Montréal à la fin de juin et de l’emporter, et ensuite de me présenter à Paris prêt à réaliser un record personnel, un record canadien, tout ce qu’il faudra pour me rendre jusqu’en finale », a dit Philibert-Thiboutot.
Ensuite en finale?
« Je vais courir le plus vite possible. »