La prochaine génération du patinage de vitesse sur courte piste brille sur les podiums olympiques

Le passage du flambeau ne se fait pas toujours en grande pompe. Il nous suffit parfois que d’une excellente course et un chapeau bas de son prédécesseur.

C’est ce qui s’est produit samedi à PyeongChang 2018 pour le Canada en patinage de vitesse sur courte piste lorsque Sam Girard a remporté le 1000 m masculin et Kim Boutin le bronze au 1500 m féminin. Quand ils se sont tous deux retrouvés en finale, ce fut sans le duo légendaire du patinage canadien.

Samuel Girard et Charles Hamelin en action lors du 1000 m de patinage de vitesse sur courte piste masculin aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018, le 17 février 2018 à Gangneung, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

« Juste avant la course, [Charles] m’a dit : “Vas-y, t’es capable”. Il m’a donné une tape dans le dos », se souvient Samuel, évoquant un moment qu’il a partagé avec Charles Hamelin, à qui l’on a remis une pénalité lors de la demi-finale, ce qui a permis à Samuel de se rendre en finale.

Charles, quadruple médaillé olympique, a été champion du monde au 1000 m en 2016 en remportant la médaille d’or dans la capitale sud-coréenne, alors que Samuel, son protégé, a mis la main sur celle d’argent. Samedi dernier, l’élève à voler la vedette.

« On s’entraîne ensemble, toute l’équipe était derrière moi pour cette médaille », dit Samuel, 21 ans, après avoir sprinté vers son mentor pour célébrer sa première médaille olympique. Le lien entre les deux est évident lors de ces Jeux qui se révèlent être difficiles pour Charles. Une semaine plus tôt, on lui a aussi donné une pénalité au 1500 m masculin, alors que Samuel terminait au 4e rang. On parlait déjà d’une succession évidente de l’élève au maître, et elle s’est concrétisée samedi.

Samuel Girard remporte l’or au 1000 m en patinage de vitesse sur courte piste masculin lors de la finale A aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018 au Palais des glaces de Gangneung, le 17 février 2018, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

« Le plan était d’avoir Charles à mes côtés sur le podium, mais en courte piste, tout peut arriver. » Son temps de 1:24,650 a coiffé celui de l’Américain John-Henry Krueger (1:24.864) pour la médaille d’or, alors que le Sud-Coréen Seo Yira s’emparait du bronze à 1:31.619 dans une finale minée de chutes.

« Je n’ai rien vu, j’ai seulement entendu le boom dans les matelas », affirme Samuel en parlant de ce qui s’est passé en finale. « Après, je me suis concentré sur ma course et sur ce que j’avais à faire. J’essayais de voir si quelqu’un essayerait de me dépasser sur la ligne. »

Dans un sport où tout peut arriver, même aux meilleurs patineurs, Samuel est demeuré imperturbable, profitant de la chance qui lui souriait pendant deux courses et devenant ainsi champion olympique. Il devait toutefois faire abstraction du fait qu’il a profité de l’erreur de son ami et mentor et se concentrer sur ce qu’il devait faire.

« Nous étions prêts (mentalement) à passer en mode « finale ». Tous les athlètes veulent atteindre le podium; il faut donner son 100 % dans la course pour être le meilleur; et c’est ce que j’ai fait. »

Samuel Girard remporte l’or au 1000 m en patinage de vitesse sur courte piste masculin aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018 au Palais des glaces de Gangneung, le 17 février 2018, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

Samuel a dominé la course dès le début en restant devant, évitant toute altercation.

« Personne ne cherchait d’ennuis. J’étais celui en tête qui donnait un bon rythme et qui voulait déstabiliser tout le monde en les forçant à se battre pour essayer de me dépasser. Je l’ai bien fait et ç’a été la clé. »

Bien qu’il n’ait pas pu patiner avec lui en finale, Samuel en avait beaucoup à dire à propos de Charles et de son apprentissage auprès de lui.

« On partage une chambre, on déjeune, on dîne, on soupe, on fait tout ensemble. C’est un bon ami. Je m’entraîne avec lui. J’étais vraiment heureux de le voir au bout de la glace pour qu’on partage ce moment. »

Kim Boutin remporte le bronze lors du 1500 m en patinage de vitesse sur courte piste féminin aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018 au Palais de glaces de Gangneung, le 17 février 2018, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

Les Jeux ont été extrêmement demandant sur le plan émotif pour Kim Boutin. L’athlète de 23 ans y a déjà remporté la médaille de bronze du 500 m. Cet exploit lui a cependant valu des menaces de partisans en colère qui croyaient que la Coréenne Choi Minjeong avait été lésée par la Canadienne en se battant pour une place sur le podium.

« J’ai vraiment été ébranlée par la situation », affirme Kim. Avec une charmante humilité, elle s’avoue surprise d’avoir su composer avec cet incident et d’avoir mis la main sur une autre médaille olympique.

« Mon équipe m’a débranchée de tout, mais j’ai entendu quelques trucs et ça m’a beaucoup blessée. Mais mon équipe est géniale et ils m’ont assuré que je n’avais pas à m’en faire, car la situation était maîtrisée. »

Kim Boutin remporte le bronze lors du 1500 m en patinage de vitesse sur courte piste féminin aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018 au Palais de glaces de Gangneung, le 17 février 2018, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

Comme Samuel, Kim aussi a dû se mesurer à une amie et mentore lors des demi-finales. Une pénalité donnée à Marianne St-Gelais, une des membres de cette fameuse équipe qui a aidé Kim à garder sa concentration, a fait en sorte que c’est la jeune Canadienne émergente et non la triple médaillée olympique qui participerait à la finale pour tenter de placer le Canada sur le podium.

Kim a pleuré pendant son échauffement, les émotions des jours passés dans la crainte l’ont finalement rattrapée. Lors de la finale, elle s’est mesurée de nouveau à Choi, mais cette fois-ci, la Coréenne s’est sauvée avec l’or grâce à une confortable avance et un chrono de 2:24.948. La Chinoise Li Jinyu (2:25.703) a terminé au deuxième rang devant Kim et son 2:25.834 qui lui a valu le bronze.

« C’est incroyable. C’était une course vraiment difficile et vraiment enlevante. Je pense que j’ai bien fait. J’avais beaucoup de travail dans le corps. C’est un bonus d’atteindre la finale, et je l’ai fait deux fois (jusqu’à présent), c’est génial. »

Kim Boutin remporte le bronze lors du 1500 m en patinage de vitesse sur courte piste féminin aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018 au Palais de glaces de Gangneung, le 17 février 2018, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

 

En plus des coéquipiers qui l’ont aidée à tourner cette horrible situation en deuxième médaille olympique gravée dans l’histoire du Canada, Kim pouvait aussi compter sur la présence de sa famille.

« Mon père était présent aujourd’hui, tout comme ma mère. C’est bien de les avoir près de moi. Ça m’a pris beaucoup de courage pour atteindre le podium, et je suis très heureuse. »

La Canadienne reconnaît aussi que ce ne sont que quelques mauvaises langues qui ont envenimé la situation. La complicité chez des rivaux qui compétitionnent ensemble à longueur d’année ne peut être gâchée par de simples insultes.

Kim Boutin remporte le bronze lors du 1500 m en patinage de vitesse sur courte piste féminin aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang 2018 au Palais de glaces de Gangneung, le 17 février 2018, en Corée du Sud. (Photo : Vincent Ethier/COC)

 

« Je ne crois pas avoir à m’en faire davantage, se console Kim. Il y a deux jours, j’ai serré Choi dans mes bras parce que je crois que c’est important de continuer de profiter de ce que l’on fait et d’unir nos forces. »

L’expérience croissante de Kim et de Samuel est un apport incroyable au patinage sur courte piste canadien alors que la discipline entame une période de transition. Des athlètes extrêmement talentueux cèdent la place à la prochaine génération dont le potentiel n’est plus à le démontrer. En effet, les Canadiens connaissent des succès tangibles, qui se traduisent en médailles olympiques tout au long de ce remarquable changement garde

En se rendant aux Jeux, Charles et Marianne avaient de bonnes attentes. Le couple princier du patinage de vitesse sur courte piste canadien a confirmé qu’il s’agirait de sa dernière tentative d’ajouter des médailles olympiques aux sept qu’il possède déjà. Même s’ils n’ont pas encore atteint le podium en Corée, leur héritage vit au travers des succès de Samuel et Kim.