Kaillie Humphries: en piste vers de nouveaux défis
Après avoir répété l’exploit d’être couronnée championne olympique et ensuite remporté une autre longue « épreuve », soit celle d’assurer l’inclusion des femmes à l’épreuve du bob à quatre, la fugueuse Kaillie Humphries a relevé avec brio bien des défis en 2014.
Il n’est donc pas surprenant que la lauréate du prix Lou Marsh de l’année en cours ait appris qu’elle avait été nommée l’athlète canadienne par excellence quelques minutes avant de partir pour une série de courses d’entraînement. Elle se prépare actuellement en vue de la première épreuve de Coupe du monde de la saison, qui commence aujourd’hui à Lake Placid, dans l’État de New York.
« J’ai vécu une tempête d’émotions à un moment où il fallait faire mes bagages, en plus de me préparer pour la piste et d’essayer de me concentrer sur les deux courses aujourd’hui. Il s’agissait sans doute de l’un des plus grands défis que j’ai eu à relever cette année », a expliqué Humphries hier depuis Lake Placid.
On a assisté à une période plutôt mouvementée depuis février, mois où la bobeuse de 29 ans, accompagnée de la freineuse Heather Moyse, est montée au sommet du podium à Sotchi pour ainsi devenir championne olympique à deux reprises consécutives. Vers la fin de septembre, l’organisme de réglementation du bobsleigh (FIBT) a annoncé qu’il permettrait aux femmes de participer à l’épreuve de bobsleigh à quatre, dès cette saison.
C’est Humphries qui a fait des pressions auprès de la FIBT pour qu’elle aille de l’avant avec le changement. Lorsque ses efforts ont enfin porté leurs fruits, Humphries n’a pas eu le temps de mettre tout en place. « C’était un climat d’enthousiasme qui est vite devenu chaotique », affirme-t-elle pour décrire les deux mois précédents qu’elle avait passés pour former une équipe et faire le tour du monde afin de se conformer aux règlements de la FIBT. En tout, Humphries et son équipage composé de Dan Dale, de Joey Nemet et de DJ McClelland ont participé à cinq courses de bobsleigh à quatre sur trois pistes distinctes, aux États-Unis, au Canada et en France.
C’est une équipe chevronnée. Pour Dan Dale, par exemple, il s’agissait de son premier voyage en Europe en vue de la course en France. Mais tous les membres de l’équipe travaillent ensemble et tissent des liens en groupe. Voilà une nouvelle équipe qui compte une femme pilote, réalité qui comporte ses propres défis. « C’est un tout nouveau concept, tout le monde en rigole, il y a un peu de vrai dans les commentaires qui ressortent des blagues », ajoute Humphries. « Les gars sont nombreux à dire “si je perdais aux mains d’une fille, j’abandonnerais le sport demain”. »
Malgré ce changement de règlement sans précédent, on trouve toujours au sein du bobsleigh un contingent d’entraîneurs et de bobeurs aux idées classiques. Humphries s’est inspirée de son expérience de neuf ans comme pilote pour mettre ses gars à l’abri des éventuelles réactions négatives d’autres nations. « Il faut qu’ils aient le goût de faire de la compétition avec moi, en raison du climat négatif qui pourrait se faire sentir. S’agit-il d’un climat qui prédomine? Non. Est-ce que j’ai constaté un ou deux petits commentaires qui sortent ici et là, bien sûr », avoue-t-elle.
« Pour que nous réussissions, que ce soit avec des hommes ou des femmes, les gars doivent avoir le goût de faire partie de mon équipe. » – Kaillie Humphries
Et tout défi qui se dessine à l’extérieur de la piste pourrait être exacerbé par les difficultés que Humphries pourrait éprouver sur la piste. En dépit de son impressionnante fiche comme pilote de bobsleigh à deux, elle admet souvent que l’épreuve de bobsleigh à quatre est une tout autre paire de manches. De plus, Humphries entend concourir à l’épreuve féminine de bobsleigh à deux à l’occasion de coupes du monde. Cela signifie qu’elle aura à participer à une épreuve qui lui est familière en après-midi, suivie en soirée de l’épreuve de bobsleigh à quatre.
« Ce n’est pas une situation idéale, je crois que personne n’est complètement prêt à ce genre de routine », explique-t-elle franchement, et pour le moment, seules Humphries et la pilote américaine Elana Meyers Taylor auront à endurer ce « programme double ». Pour pouvoir faire face aux demandes, Humphries prendra congé le jour précédant une compétition et se reposera autant que possible entre les courses. « J’ai manqué mon coup et réussi face à certaines tâches; je sais d’ailleurs ce qu’il me faut sur le plan de la santé physique », précise-t-elle.
S’il y a quelque chose à apprendre au sujet de Kaillie Humphries, c’est qu’elle n’arrête jamais, semble-t-il, de se montrer ouverte aux défis, avec variété, allant de son désir de remporter une médaille d’or à Sotchi à son désir de faire taire l’opposition de la vieille école. Pourtant, son seul indice de mesure du succès témoigne nettement de ce style de pionnière, « Je sais que pour tout commentaire négatif, il y en aura cinq autres positifs. Je m’en ficherais totalement si tout le monde me détestait, tant et aussi longtemps que je fais de mon mieux et que nous en sortons gagnants. C’est tout ce qu’il me faut. »