Candice Ward/COC
Candice Ward/COC

Maude Charron : après les Jeux olympiques, la fragilité du retour et la force des projets

Un peu plus d’un an après les Jeux de Paris 2024, Maude Charron revient sur son expérience et sur ce que cette étape a représenté dans son parcours. Même si elle avait remporté une médaille d’or aux Jeux de Tokyo 2020, disputés dans le contexte de la pandémie, c’est à Paris qu’elle a eu le sentiment de vivre pleinement ses premiers Jeux olympiques.

« À Tokyo, en pleine pandémie, il n’y avait pas de vie dans le village, raconte-t-elle. On avait même pas le temps d’apprécier qu’on était aux Jeux. »

Cependant, tout était différent pour les Jeux de Paris…

Porte-drapeau d’Équipe Canada, Maude a pu profiter de chaque instant : visites du village, entraînements, moments au lobby du COC et rassemblements à la Maison olympique du Canada. « C’était tellement une autre expérience », résume-t-elle.

Derrière la confiance affichée, Maude Charron garde un souvenir bien plus humain de son rôle de porte-drapeau. Aux côtés d’André De Grasse, elle raconte avoir été super gênée. « On se retrouvait toujours ensemble, dans l’autobus, puis sur le bateau, le drapeau dans les mains. On voyait les autres super confiants… Moi, j’étais mal à l’aise. Je pense que j’étais la pire porte-drapeau, je ne voulais surtout pas show off. En fait, beaucoup d’athlètes sont introvertis, même si ça ne paraît pas. »

Les porte-drapeaux du Canada, Maude Charron (à droite) et Andre De Grasse (à gauche), posent pour des photos sur un bateau avec leur équipe avant le début de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été de 2024, sur la Seine à Paris, en France, le vendredi 26 juillet 2024. (Cao Can/Photo Pool via AP)

Son souvenir le plus marquant reste sans hésitation le moment passé à la Maison olympique du Canada, après avoir remporté sa médaille d’argent. « On célébrait avec ma famille, mes coachs, même mon ancien entraîneur de gymnastique et mon professeur de musique étaient là. Je regardais tout le monde qui se parlait et je me suis dit : j’ai créé ce rassemblement. C’était mon vrai I made it moment. »

Le besoin de respirer

Après les Jeux de Paris, Maude Charron s’est accordé un temps qu’elle n’avait jamais vraiment pris auparavant. Ce temps d’arrêt n’était pas seulement médiatique, mais aussi physique. Quelques jours avant sa compétition à Paris, une blessure à la hanche l’avait presque immobilisée. « Trois jours avant, je ne pouvais plus marcher », raconte-t-elle.

Une fois les Jeux terminés, elle s’est donc imposé une véritable pause : pas d’université, pas de nouveaux projets, simplement du repos et de la réflexion. Elle est restée en Europe, rendant visite à des amis, avant de rentrer au pays.

Une décision réfléchie, puisque, après les Jeux de Tokyo, elle avait été « traumatisée » par son retour, marqué par de nombreuses sollicitations : « Ça ne m’a pas seulement secouée, ça m’a brisée. J’ai mis plusieurs mois à m’en remettre. Cette fois, je voulais me préparer mentalement avant de revenir au pays », confie-t-elle.

Prendre une pause n’a pas été facile pour Maude Charron. Habituée à recevoir des retours positifs liés à ses performances et à enchaîner les projets, elle a eu du mal à vivre avec le silence qui a suivi Paris. « Deux mois après, les gens me disaient encore : Bravo, tu dois être fière ! Mais moi, je ne faisais rien. J’avais l’impression de ne rien mériter. Oui, j’avais ramené une médaille, mais à ce moment-là, après les Jeux, je n’avais rien à être fière. »

Peu à peu, elle a comblé ce vide par de nouveaux projets concrets. Elle a suivi une formation pour devenir entraîneuse et a ouvert son propre club dans l’Est du Québec, avec l’ambition d’offrir aux jeunes de sa région l’occasion de représenter l’Est du Québec aux Jeux olympiques. L’objectif est clair : organiser une première finale régionale en 2025 et accompagner déjà cinq jeunes inscrits vers de futures qualifications.

Ouvrir son propre club représente un défi de taille pour Maude Charron, qui admet ne pas avoir beaucoup d’expérience en administration. « La réalité d’ouvrir un club, c’est lourd. C’est difficile », confie-t-elle. Fidèle à elle-même, elle choisit d’aborder ce nouveau chapitre avec détermination, consciente qu’il s’agit d’une autre façon de bâtir l’avenir de son sport.

Transmettre fait désormais partie de sa mission. À la prochaine génération, Charron veut surtout rappeler que viser la perfection n’est pas possible. « La perfection est impossible à atteindre. Ce qui compte, c’est de s’améliorer un peu chaque jour, dans le sport comme dans la vie. C’est rassurant, et surtout, c’est quelque chose qui est entre nos mains. »

Maude Charron souhaite ainsi contribuer à bâtir un environnement plus sain pour les jeunes athlètes. Elle souligne notamment l’importance d’offrir un meilleur accès à la préparation mentale. « On demande aux jeunes d’être performants, mais on ne leur donne pas toujours les outils pour gérer la pression », note-t-elle, évoquant même l’idée de poursuivre des études dans ce domaine.

Un nouveau rôle au sein du COC

Dix ans après avoir entamé des études en techniques policières, Maude Charron n’aurait jamais imaginé travailler un jour avec le Comité olympique canadien. « À l’époque, j’étais prête à faire n’importe quoi. Aujourd’hui, après deux Jeux olympiques et l’ouverture de mon club, je me pose encore des questions sur ce que je veux faire, mais je savais que je voulais m’impliquer dans le sport, sans nécessairement être seulement athlète », explique-t-elle.

Cet été, elle a rejoint le COC en tant que gestionnaire de projets en développement et innovation sportive, conseillant sur de nouvelles initiatives liées à l’engagement de l’organisation d’amener un million de jeunes supplémentaires à s’impliquer dans le sport.

« On voulait ma perspective, poursuit-elle. J’ai grandi en région, j’ai ouvert un club, je comprends les réalités du sport en dehors des grands centres. »

Cette opportunité est pour elle à la fois un honneur et un défi. « Je me sens un peu imposteur parce que je n’ai pas d’études dans ce domaine. Mais j’apprends en travaillant, plus qu’assise sur un banc d’école. C’est un défi qui fait peur, mais c’est aussi ce qui me motive. »

Interrogée sur la suite de sa carrière, Maude Charron reconnaît avoir de la difficulté à se projeter à long terme. « Je me laisse emporter où la vie va m’amener », dit-elle. Si l’avenir reste rempli d’inconnues, elle rêve toutefois d’améliorer les conditions dans le sport et de contribuer à la préparation mentale des jeunes athlètes.

Maude, aux côtés de 12 autres haltérophiles canadiens, représentera le Canada aux Championnats du monde d’haltérophilie 2025, qui se tiendront du 2 au 11 octobre à Forde, en Norvège.