AP Photo/Julio Cortez
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La crise des installations de piscines canadiennes pourrait compliquer la quête de la prochaine Summer McIntosh

Les réalisations de Summer MacIntosh aux récents Championnats du monde aquatiques à Singapour ont atteint des sommets inégalés dans l’histoire de la natation canadienne.

Elle y a remporté cinq médailles, notamment quatre d’or et à l’âge de 18 ans, elle est devenue la plus grande médaillée canadienne aux Championnats du monde aquatiques avec 13 médailles en carrière.

Bien qu’ils aient célébré cette prestation historique, les dirigeants de la natation au Canada, dont Jocelyn Jay, directrice associée, développement du sport à Natation Canada, sonnent aussi l’alarme en affirmant que tous ces succès ne pourront pas se poursuivre à long terme en raison d’une crise des installations de piscines dans le pays qui, selon eux, rend difficile l’accès des jeunes à ce sport d’un océan à l’autre.

« Je pense que c’est extraordinaire de pouvoir être témoin de tous ces succès aujourd’hui puisqu’ils suscitent l’intérêt de plusieurs jeunes filles et garçons qui veulent devenir la prochaine Summer McIntosh, mais dans 20 ans, beaucoup d’entre eux n’auront pas de piscine où ils pourront nager au Canada », affirme Jay.

Pour illustrer son propos, Jay se réfère à la « Trousse des installations » dans laquelle Natation Canada présente les résultats d’une étude approfondie des infrastructures de piscines à travers le pays.

Le rapport indiquait qu’en 2020, il y avait 5060 installations de piscines publiques au Canada.

Près de la moitié d’entre elles ont été jugées médiocres ou défaillantes. La plupart de celles-ci ont été construites avant 2000 et, avec une durée de vie de 30 à 40 ans, elles approchent de la fin de leur cycle de vie.

Jay affirme aussi que les piscines sont souvent financées par les municipalités et les universités, mais compte tenu des contraintes financières auxquelles nombre d’entre elles sont confrontées, plusieurs piscines partout au pays ont été fermées ou simplement rapiécées pour continuer à fonctionner.

L’Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario, célèbre puisqu’elle était la piscine d’entraînement de la légende de la natation canadienne Alex Baumann, a dû fermer sa piscine de 50 mètres en 2020. Les piscines de l’Université de Victoria (en 2024) et de l’Université Acadia à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, ont connu le même sort, il y a quelque temps seulement, en juin 2025. 

Le Centre aquatique de Vancouver, qui a accueilli les championnats nationaux dans les années 1980 et 1990, fermera aussi son bassin de 50 mètres pour des travaux de rénovation en 2026. Le centre aquatique est en train d’être rénové et ne disposera plus que d’un bassin de 25 mètres, ce qui réduira de moitié l’espace disponible pour les nageurs de la communauté. C’est comme si on tentait de nager dans une canne de sardines, a lancé un président de club de natation.

« Chaque fois que des Jeux olympiques se terminent, nous voyons un afflux de nageurs souhaitant devenir la prochaine Summer McIntosh. Les clubs nous disent toutefois qu’ils ont des listes d’attente parce qu’ils n’ont tout simplement pas de place dans la piscine pour les nageurs qui restent » explique Jay. 

À Vancouver seulement, il y a au moins 8000 personnes sur des listes d’attente pour des programmes de natation.

Jay ajoute que cette problématique a aussi fait les manchettes à Toronto cette année, où le conseil scolaire du district de Toronto a envisagé de fermer plusieurs de ses piscines afin d’économiser des millions de dollars.

« Nous savons qu’en tant que pays, nous sommes confrontés à de nombreuses priorités urgentes quand il s’agit de projets d’intérêt national. Le sport est souvent ignoré même s’il constitue un fondement essentiel de notre identité en tant que Canadiennes et Canadiens. La construction d’un centre communautaire récréatif qui permet aux personnes de tous les âges de faire de l’exercice et de demeurer actives est cruciale pour le bien-être physique et mental de chaque personne au Canada. »

Jay cite le Centre sportif panaméricain de Toronto (TPASC) comme exemple du type d’installation communautaire que le Canada a désespérément besoin de voir dans plus d’endroits. Construit pour les Jeux panaméricains et parapanaméricains en 2015, le TPASC est partagé entre la Ville de Toronto, le campus Scarborough de l’Université Toronto et les athlètes de haute performance. Le centre, où s’entraînent 72 % des nageurs d’Équipe Canada ayant participé aux Jeux olympiques de 2024 à Paris, propose aussi des programmes d’apprentissage de la natation pour les nouveaux arrivants, les mamans et les tout-petits, de l’aquaforme pour les personnes âgées, ainsi qu’une piste de marche utilisée par les personnes de tous les âges. L’année dernière, le TPASC a accueilli un nombre record de 1,7 million de visiteurs.

À LIRE : « Nous sommes tous Équipe Canada » perdure à travers une installation héritée des Jeux panaméricains de 2015 à Toronto

La crise des installations survient au moment même où les organismes nationaux de sport (ONS) du Canada sont en grande difficulté. La plupart d’entre eux ont subi des coupes budgétaires et ont dû sabrer dans leurs programmes et leur personnel, ce qui ajoute des obstacles pour les jeunes qui souhaitent participer à un sport organisé.

« Nous devons travailler avec les premiers ministres provinciaux et les ministres fédéraux afin d’élaborer une stratégie à long terme qui nous permettra de faire face à cette crise. Nous pouvons tous profiter de l’été de Summer, mais la prochaine génération a besoin d’installations et d’un accès à celles-ci pour débuter son cheminement », déclare Jay.