Philip Kim sourit.Photo Candice Ward/COC
Photo Candice Ward/COC

La route vers l’impossible : Phil Wizard sur son évolution dans le breaking et son parcours vers Paris 2024

Comment Philip Kim, un jeune homme de 26 ans originaire de Vancouver, est-il devenu B-Boy Phil Wizard, le tout premier champion des Jeux panaméricains en breaking masculin?

Tout d’abord, il convient de faire une mise au point à propos du nom « Phil Wizard ». Il provient du nom du premier groupe avec lequel Kim a commencé à faire du breaking, le « Wizards Crew ». À ses débuts, Kim était connu sous le nom de « Phil from the Wizards Crew » et ce nom s’est finalement transformé pour devenir « Phil Wizard », qui est utilisé encore aujourd’hui. 

Avant de devenir Phil Wizard, Kim n’était qu’un gamin qui avait vu par hasard un groupe de breakers faire du busking devant la Galerie d’art de Vancouver.

« C’était la première fois que je voyais ça devant moi et j’étais époustouflé, raconte Kim. Ils tournaient sur la tête, s’asseyaient sur les mains, sautaient en tournant sur eux-mêmes. C’était renversant pour un enfant. »

Le jeune Philip était loin de se douter que son parcours passerait du rôle de spectateur installé dans les marches de la galerie d’art au rôle de participant grimpant sur les marches du podium aux Championnats du monde de breaking, aux Jeux panaméricains et, potentiellement, aux Jeux olympiques puisque le breaking fera ses débuts en tant que sport olympique aux Jeux de Paris 2024.

Il s’est passé beaucoup de choses entre ces événements marquants, mais l’amour de Kim pour le breaking est toujours demeuré le même. 

Philip Kim leur d'une prestation de breaking.
Photo Candice Ward/COC

Les premières années

« Je crois que ce qui m’a d’abord attiré en tant que participant, c’est le défi. Je n’ai jamais été vraiment doué pour assimiler rapidement les choses. Il me fallait beaucoup de temps pour apprendre, mais je pense que j’ai une personnalité un peu obsessionnelle qui me pousse à tout donner et c’est au breaking que j’ai choisi de tout donner », explique Kim.

Pendant son parcours à l’école secondaire, il était connu comme le « B-Boy » de l’école, alors qu’il était la vedette des concours de talents et des spectacles. 

« Je pense que j’aimais bien montrer que j’étais bon, se remémore Kim en souriant. Chaque fois que j’en avais l’occasion, je dansais. »

Heureusement pour Kim, ses parents l’ont soutenu dans sa passion tout au long de ses premières années même si les équipes avec lesquelles il dansait se rencontraient tard le soir pour des entraînements, ce qui faisait de lui un adolescent en manque de sommeil par rapport aux autres jeunes de son âge.

Kim admet qu’il lui arrivait de penser au breaking même s’il devait se concentrer sur un cours de mathématiques ou d’anglais, par exemple.

« À l’école secondaire, il m’arrivait d’avoir une idée et de demander au professeur d’aller aux toilettes, puis de sortir dans le couloir pour tester le mouvement auquel je venais tout juste de penser, raconte-t-il. C’était une véritable obsession pour moi. »

Philip Kim lors d'une prestation de breaking.
Photo Leah Hennel/COC

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Malgré son obsession, Kim n’a jamais vraiment considéré le breaking comme une carrière viable. À la fin de son secondaire, il a pris une année sabbatique afin d’aller habiter avec des membres de sa famille en Corée où il s’est intéressé à la scène du breaking. Le niveau de talent qu’il a découvert là-bas l’a convaincu qu’il n’avait aucune chance de faire carrière, d’autant plus que la vie à Hollywood ne l’attirait pas. Il préférait plutôt la scène compétitive du break.

Kim s’est donc plié à la volonté de ses parents et s’est inscrit à l’université. Il qualifie ce semestre universitaire de « période la plus misérable » de sa vie, alors qu’il se demandait ce qu’il voulait faire de son avenir.

Alors qu’il était à l’école, il a entendu parler d’un événement qui servait de qualification pour les Finales mondiales RC One World Red Bull, l’une des plus grandes compétitions de breaking au monde. Kim s’est dit qu’il se donnerait une dernière chance. Il paierait son billet d’avion pour Los Angeles et s’il gagnait, ce serait une confirmation qu’il devait se lancer à fond dans le breaking. S’il perdait, ce serait le temps de se concentrer sur ses études. 

Quand il est arrivé à la compétition, on lui a indiqué qu’il fallait avoir la nationalité américaine pour participer. Kim a toutefois réussi à convaincre une organisatrice qu’il avait rencontrée dans une compétition précédente de le laisser participer.

« Je crois qu’elle s’est dit : “D’accord, ce n’est qu’un enfant, nous allons le laisser participer”. Je pense que personne ne s’attendait à ce que je gagne, explique-t-il. J’ai fini par battre des personnes très connues et j’ai ainsi fait mon entrée au sein de la communauté internationale. Par la suite, j’ai commencé à être invité à travers le monde entier. »

C’est ainsi qu’il a annoncé à ses parents qu’il allait abandonner l’école pour donner une vraie chance au breaking.

Philip Kim lors d'une prestation de breaking.
Photo Leah Hennel/COC

Le monde fait la connaissance de Phil Wizard

En 2019, Kim est devenu le premier Canadien à remporter la Série mondiale de l’UWS. En 2021, il a mis la main sur la médaille d’argent aux Championnats du monde de la WDSF et un an plus tard, il a gagné la médaille d’or au même événement. Puis, en 2023, il a remporté une autre médaille d’argent. Au cours de la dernière année, il est aussi monté sur la plus haute marche du podium aux Championnats panaméricains de la WDSF en plus de réussir l’exploit de décrocher le premier titre de l’histoire aux Jeux panaméricains.

Ce fut une saison de compétition très occupée pour Kim et cette saison s’est conclue avec une qualification olympique obtenue à  Santiago 2023. Kim était techniquement qualifié pour les Jeux olympiques après avoir atteint la finale, mais il a voulu terminer le tout en beauté. 

L’environnement multisports des Jeux représentait une nouvelle expérience pour Kim et pour tous les athlètes de breaking. Kim a pu compter sur l’équipe de soutien d’Équipe Canada, ce qui n’est pas le cas normalement dans ses compétitions, et les membres de l’équipe ont rescapé son cou… littéralement. À la suite d’un faux mouvement à l’entraînement, son cou s’est figé et il était incapable de tourner la tête. S’il a pu se rendre jusqu’au bout de la compétition, c’est en grande partie grâce aux physiothérapeutes d’Équipe Canada qui ont joué un rôle vital. 

Avec cette blessure qui lui a causé un peu d’incertitude, l’émotion première de Kim au moment où il est sorti victorieux de cette bataille finale était le soulagement ; il avait réussi. Les montagnes russes d’émotions se sont poursuivies par la suite. Afin de reconnaître la nature historique de l’exploit de Kim et pour célébrer son histoire en tant qu’athlète, les dirigeants d’Équipe Canada ont choisi le danseur comme porte-drapeau pour la cérémonie de clôture des Jeux panaméricains.

« J’ai vécu de grandes émotions ! J’ai fini par pleurer au moment où ils me l’ont annoncé, raconte Kim. Je suis une personne très critique envers moi-même et j’ai dû faire face au syndrome de l’imposteur en grandissant parce que je doutais de moi-même. J’ai toujours été fier d’être Canadien, mais à ce moment-là, j’ai eu l’impression que le Canada était fier de moi. Je n’avais jamais ressenti ce sentiment auparavant. »

Philip Kim sur le podium avec une médaille d'or et une peluche de la mascotte des Jeux panaméricains.
Phil Wizard du Canada remporte la médaille d’or en finale de Breaking B-Boy aux Jeux panaméricains de Santiago 2023, le samedi 4 novembre 2023. Photo de Candice Ward/COC

Il est important de se rappeler que pour les sports nouvellement ajoutés au programme des Jeux olympiques, il y a une cohorte d’athlètes qui n’ont pas grandi avec le rêve de représenter leur pays de cette façon parce que cette possibilité n’existait pas. Pour Kim, les Jeux panaméricains ont été l’occasion d’aller au-delà de la simple représentation de lui-même, de sa famille ou de son équipe. Il représentait alors son pays. 

« Aujourd’hui, les enfants ont la possibilité de voir du breaking à la télévision et, grâce à la plateforme des Jeux olympiques, d’être représentés au plus haut niveau. Je pense que c’est une chose merveilleuse. » Comme il s’agit d’un nouveau sport aux Jeux panaméricains et aux Jeux olympiques, les athlètes d’Équipe Canada ont posé beaucoup de questions à Kim à propos du breaking. Ce dernier s’est retrouvé non seulement à répondre à ces questions, mais aussi à enseigner à ses coéquipiers quelques mouvements et à organiser une mini-compétition de danse dans le village des Jeux panaméricains. Kim n’a pas voulu donner de noms par respect pour le sport principal des athlètes, mais il semble qu’Équipe Canada compte sur des athlètes de talent en danse à qui on pourrait faire appel au besoin.

Avec l’enthousiasme des athlètes et des partisans d’Équipe Canada combiné au charisme de Kim, l’avenir du breaking au Canada semble très prometteur.

Kim et plusieurs autres athlètes font partie d’Équipe Toyota — un groupe d’athlètes canadiens qui cheminent vers les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Comme Toyota, ces athlètes croient en la puissance du mouvement humain pour venir à bout des obstacles et ils racontent leurs histoires pour aider à inspirer la génération future d’athlètes olympiques et paralympiques et de Canadiens.