Little Shao
Little Shao

Phil Wizard sur les aspects artistiques, culturels et sportifs du breaking

Le danseur Philip Kim, qu’on connaît sans doute mieux sous le nom de « B-Boy Phil Wizard », aura un horaire fort chargé dans les prochaines semaines. Il va bientôt disputer les Championnats du monde de breaking à Louvain, en Belgique, et les Jeux panaméricains à Santiago, au Chili — deux compétitions qui serviront de qualification pour les Jeux olympiques de Paris 2024.

Le Canadien de 26 ans reconnaît toutefois qu’il n’est pas très entiché des grandes compétitions. « Personnellement, la compétition n’est pas l’aspect que je préfère, j’aime bien plus m’entraîner et répéter, développer mon art de jour en jour », a-t-il récemment déclaré à Olympique.ca.   

Nous avons aussi parlé de bien d’autres choses au cours de notre discussion, qui a notamment touché à la culture du breaking, ce qu’il aimerait que les gens sachent à propos de sa discipline et ce que les néophytes du breaking devraient surveiller au moment où cette discipline fera ses débuts olympiques à Paris 2024.

Pourquoi fais-tu du breaking?

C’est tellement difficile de répondre à cette question. Je fais du breaking parce que j’adore ça, d’abord et avant tout. 

J’ai grandi en regardant beaucoup d’anime et en jouant beaucoup à des jeux vidéos, et ça me donne l’impression que je vis dans cet univers-là. Par exemple, un de mes anime favoris quand j’étais enfant était One Piece, et je trouve que le breaking y ressemble beaucoup parce que tu as ton groupe et il y a différentes personnes contre lesquelles tu dois concourir. Dans cet univers, les gens ont des « primes » – ce qui fait que les gens connaissent ces personnages parce qu’ils sont célèbres pour quelque chose. C’est la même chose avec le breaking. Quand je me rends à une compétition, je suis du genre à dire, « oh, voilà quelqu’un de célèbre et je l’admire parce que je sais qu’il peut faire ceci et cela », et c’est excitant de pouvoir affronter cette personne. J’ai donc l’impression de me retrouver un peu dans un jeu vidéo. 

C’est tellement difficile de faire du breaking, tu ne peux pas en maîtriser complètement tous les aspects. Donc, au fur et à mesure que tu chemines en tant que personne et comme danseur, tu dois en quelque sorte faire le tri des particularités que tu veux chercher à perfectionner. Tu ne peux pas être le meilleur dans tout. Il faut donc que tu décides et te dire, OK, comment je veux danser? Quel style je veux avoir? C’est donc, encore une fois, comme un jeu vidéo parce que tu essaies d’accéder au niveau supérieur, tu t’investis plus dans certaines particularités. Je trouve que ça m’aide à considérer la vie plus comme un jeu.

Finalement, le breaking m’a tellement appris de choses. Ça m’a amené à mettre les choses en perspective dans la vie parce que ça m’a permis de voyager un peu partout dans le monde, de faire la connaissance d’un tas de gens et de rencontrer des personnes provenant de milieux très différents. Je mène donc une vie que je n’avais jamais espérée.

Qu’est-ce que les gens devraient savoir à propos du breaking?

Je pense que bien des gens ont l’impression que le breaking se meurt, que cette discipline a disparu quelque chose comme dans les années 1980 ou 1990. Toutefois, cette pratique a plus d’ampleur que jamais. 

Surtout à l’approche des Jeux olympiques, je veux que les gens sachent que dans la communauté, le breakdance est d’abord considéré comme un art, c’est une danse d’abord et avant tout, c’est d’abord une culture, une mentalité. Oui, nous entrons dans l’univers du sport. Pour la communauté, et pour moi personnellement, ce qui fait du breaking quelque chose d’aussi particulier, c’est que ça va au-delà de l’idée que le sport, l’art et la culture sont des choses distinctes. Ça peut être tout ça à la fois et j’espère que les gens vont en prendre conscience. 

Je veux aussi que les gens sachent, à l’approche des Jeux olympiques, que ce n’est pas juste une question de mouvements tape-à-l’oeil. On dirait que bien des gens pensent qu’il suffit de tournoyer sur la tête le plus longtemps possible et c’est tout, mais il y a aussi beaucoup de valeur artistique dans les mouvements que nous faisons. Tu ne peux pas juger la valeur de cette discipline la première fois que tu en regardes — si tu en regardes régulièrement, tu vas finir par découvrir beaucoup de détails que tu n’avais par remarqués au début. 

Phil Wizard sur un toit parisien avec la tour eiffel à l'arrière plan.
Le B-Boy canadien Phil Wizard pose pour une photo sur un toit parisien, à Paris, en France, le 9 février 2023. (Little Shao / Red Bull Content Pool)

Le breaking fera ses débuts aux Jeux olympiques — quel conseil donnerais-tu aux personnes qui vont regarder cette discipline pour la première fois?

J’encouragerais les gens à tout simplement choisir un « personnage » à encourager parce que chacun danse de façon très différente. Je compare ça à quelque chose comme l’anime ou un film de superhéros, où chacun a son personnage favori. Tout le monde qui se rend aux Jeux olympiques pratique du breaking de très haut niveau, alors trouvez quelqu’un dont le style vous rejoint. 

Comment les compétitions de breaking sont-elles jugées? Y a-t-il des comparaisons qu’on peut facilement faire avec un autre sport

Pour être tout à fait honnête, je ne suivais pas vraiment le sport plus jeune, alors je ne sais pas vraiment comment les autres sports sont jugés. Cependant, je dirais que c’est probablement très proche du skateboard en termes de culture. Je comparerais ça aussi à la gymnastique rythmique parce qu’il y a beaucoup de valeur artistique dans les mouvements de danse. 

Quand c’est une compétition jugée, ça reste très subjectif, mais je sais qu’en vue des Jeux olympiques, ils ont un système de notation qui a certains critères pour des choses importantes comme l’exécution, l’originalité et la musicalité. Je ne connais pas tous les détails sur les particularités du système de notation — c’est un choix que j’ai fait consciemment parce que je voulais continuer à danser de la même façon qu’avant qu’on mette le système en place. 

Quand tu disputes une compétition et que tu es sur le point de livrer ta performance, à quoi penses-tu? Es-tu concentré sur la musique, te parles-tu à toi-même? 

Parfois, je suis super nerveux, je tremble et l’adrénaline coule à flots, alors je dois trouver des façons de me calmer. J’essaie de faire le vide mentalement parce que sinon, je suis aux prises avec le doute, j’hésite à décider quoi faire, comme les mouvements que je veux faire pendant la compétition. J’essaie de faire abstraction de tout ce qui m’entoure et des autres parce que je suis à mon meilleur quand je ne fais qu’écouter la musique et vibrer au son de cette musique. 

Parfois, je ressens un immense sentiment de reconnaissance. Il y a des moments précis qui restent gravés dans ma mémoire, des moments où j’étais au beau milieu d’une bataille, au beau milieu d’une compétition, et où je souriais tout simplement parce que je réalisais que c’est ce que je fais de mieux et c’est ce que j’aime le plus faire.

Tout dépend de la journée et de l’événement, mais il y a toujours un ouragan dans ma tête que j’essaie de calmer.

Quelles valeurs ou caractéristiques veux-tu incarner à l’intention des plus jeunes athlètes qui pourraient te considérer comme un modèle à suivre?

J’espère que personne ne me considère comme un modèle à suivre, pour être bien honnête. Les gens disent toujours qu’il ne faut jamais rencontrer ses héros — j’espère que personne ne me rencontrera. C’est une blague!

Pour moi, la chose la plus importante, c’est de mettre l’accent sur le positif. C’est là quelque chose que j’essaie toujours d’offrir, dans un contexte compétitif, mais aussi non compétitif. La gratitude aussi, parce que j’ai le privilège de faire ce dont j’ai toujours rêvé de faire.

Cette entrevue a été révisée pour en raccourcir et en clarifier le contenu.