Cinq leçons à retenir de l’aventure du Canada à la Coupe du Monde FIFA
La première présence en 36 ans d’Équipe Canada à la Coupe du Monde de la FIFA a été accompagnée d’une courbe d’apprentissage très abrupte.
Au Mexique en 1986, le Canada avait été éliminé à l’issue de la phase de groupes après avoir subi trois défaites sans marquer un seul but. Au Qatar en 2022, l’équipe a réussi à marquer deux buts, mais est toujours en quête de la première victoire de son histoire à l’édition masculine de la Coupe du Monde. Le fait demeure que le but historique qu’a inscrit Alphonso Davies contre la Croatie représente une source de motivation pour les années à venir.
Dans un futur plus proche, l’équipe canadienne féminine disputera sa propre Coupe du Monde l’été prochain en Australie, puis une ronde éliminatoire de qualification olympique de la Concacaf contre la Jamaïque en septembre. Deux ans après, les Jeux de Paris 2024, en 2026, le Canada sera un des pays hôtes de prochaine édition de la Coupe du Monde chez les hommes.
Avant de penser à tout ça, jetons un coup d’oeil sur les éléments à retenir de la participation du Canada au tournoi de cette année et sur les leçons similaires apprises par des Olympiens canadiens.
Si tu es assez bon, tu es assez vieux
Même s’il n’est âgé que de 22 ans, Davies s’est retrouvé à l’avant-plan à titre de joueur du Canada qui avait la plus grande notoriété. Toutefois, il n’a pas été le seul jeune à se voir accorder des minutes de jeu importantes. Jonathan David (22), Tajon Buchanan (23), Alistair Johnston (24) et Kamal Miller (25) ont tous participé aux trois matchs. Stephen Eustaquio, qui a lui aussi 25 ans, a été un élément important dans les deux premières rencontres du Canada avant de se blesser aux ischiojambiers.
La plus grande révélation du tournoi a sans doute été Ismaël Koné, 20 ans. Il a fait ses débuts dans les rangs professionnels cette année seulement, mais il était sur le terrain au Qatar, à batailler ferme face au Belge Kevin de Bruyne et au Croate Luka Modric.
C’est là le fruit d’une approche que l’entraîneur-chef John Herdman a adoptée il y a un bon moment : les jeunes doivent profiter d’une occasion de jouer et de faire leurs preuves. Cela avait payé à l’époque où il dirigeait l’équipe nationale féminine (2011 à 2017), notamment aux Jeux de Rio 2016.
À LIRE : Comment John Herdman a donné le ton à une décennie complète du soccer canadien
À ce tournoi-là, il avait fait confiance à Deanne Rose (17 ans), Jessie Fleming, (18 ans), Kadeisha Buchanan (20 ans), Ashley Lawrence (21 ans) et Janine Beckie (21 ans). Ce groupe a aidé le Canada à remporter sa deuxième médaille de bronze olympique de suite et, cinq ans plus tard[PG1] , ce même noyau de joueuses a propulsé le Canada sur la première marche du podium à Tokyo.
Si Herdman reste à la tête de la formation canadienne masculine jusqu’en 2026, comme il a dit le souhaiter,[PG2] pourrait-on voir le même genre d’évolution dans le parcours de l’équipe?
Parfois il faut perdre avant de gagner
Bien que les Canadiens aient livré une lutte acharnée et se soient admirablement bien acquittés de leur mission, la dure réalité, c’est qu’ils vont finir au 31e rang sur un total de 32 équipes. La pilule est difficile à avaler, mais ce n’est rien d’inédit pour le soccer canadien.
En fait, la trajectoire que le Canada a connue à la Coupe du Monde de la FIFA Qatar 2022 ressemble beaucoup à ce qu’ont vécu les Canadiennes à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA Allemagne 2011 :
- Une défaite serrée à la suite d’un vaillant effort contre un adversaire européen qui était le grand favori à l’occasion du premier match du tournoi (2011 : 2-1 contre l’Allemagne, 2022 : 1-0 contre la Belgique)
- Une défaite plus marquée, après avoir concédé quatre buts face à un autre solide adversaire européen (2011 : 4-0 contre la France, 2022 : 4-1 contre la Croatie)
- Une autre défaite serrée, cette fois contre un adversaire africain (2011 : 1-0 contre le Nigéria, 2022 : 2-1 contre le Maroc)
Les Canadiennes se sont toutefois servies de leur déception en 2011 comme tremplin, remportant une célèbre médaille de bronze à Londres 2012. On a aussi assisté à d’autres performances du genre, qui ont servi de tremplin de la même façon, dans le contexte des Jeux olympiques.
Le skieur spécialiste des bosses Alex Bilodeau a fini 11e à Turin 2006, mais il a rehaussé son niveau de performance pour remporter la toute première médaille d’or olympique dans l’histoire du Canada en sol canadien à l’occasion des Jeux de Vancouver 2010. L’équipe de hockey masculin a subi une défaite crève-cœur en fusillade à Nagano en 1998, mais a remporté une médaille d’or olympique qu’on attendait depuis longtemps à Salt Lake City en 2002.
Autrement dit, tout n’est pas perdu.
Des années de dévouement peuvent porter fruits
Il n’y a pas de joueur canadien qui ait travaillé plus fort pour se rendre jusqu’à ce tournoi que le capitaine Atiba Hutchinson. L’athlète de 39 ans a représenté le Canada pour la première fois à l’échelle internationale en 2001. Au fil des années, il a toutefois craint que son rêve de participer à la Coupe du Monde de la FIFA ne se réalise jamais.
Puis, le Canada a connu un fabuleux parcours en qualification pour la Coupe du monde pour ainsi se retrouver contre toute attente au Qatar en 2022. Une ecchymose osseuse subie en deuxième moitié d’année 2022 a cependant fait en sorte que sa présence au sein de la formation pour la Coupe du Monde était incertaine.
Le moment venu, toutefois, Hutchinson avait récupéré et il était là, aux côtés de ses coéquipiers, quand le Ô Canada a retenti pour la première fois depuis 1986 avant un match de phase finale de la Coupe du Monde de la FIFA. Il a amorcé la rencontre face à la Belgique, puis face à la Croatie, et il s’est amené en deuxième mi-temps à titre de substitut contre le Maroc.
Personne ne serait surpris si le sifflet final à l’issue du match contre le Maroc s’avérait le dernier moment de Hutchinson avec l’équipe nationale senior masculine, et ce, à sa 101e rencontre internationale, un record. À l’instar du légendaire planchiste Jasey-Jay Anderson, qui a finalement eu sa médaille olympique — et en or en plus — à sa quatrième présence aux Jeux à Vancouver 2010, ou de la cycliste sur piste Lori-Ann Muenzer, qui était âgée de 38 ans quand elle a mis la main sur la médaille d’or olympique au sprint à Athènes en 2004, Hutchinson est la preuve vivante que parfois, tout vient vraiment à point à qui sait attendre.
Les écarts les plus minces peuvent faire la plus grande des différences
S’il s’agissait de la dernière présence de Hutchinson avec le Canada, le tout s’accompagne de quelques interrogations qui nous font dire, « et si? ». Au cours de la deuxième mi-temps contre le Maroc, sa reprise de tête à la suite d’un corner a frappé la transversale et le ballon est ensuite retombé en plein sur la ligne de but. C’était à quelques millimètres près d’être un but qui aurait créé l’égalité et peut-être donné au Canada le tout premier point au classement de son histoire à la Coupe du Monde de la FIFA.
Comme on dit, passer près, ça ne compte qu’au jeu du lancer du fer à cheval (qui n’est pas, au moment d’écrire ces lignes, officiellement une discipline olympique). Hutchinson est loin d’être le seul Canadien à voir un minuscule mesurage du genre faire une énorme différence.
À Beijing 2022, Rachel Homan et John Morris sont venus à seulement un millimètre près d’obtenir le point dont ils avaient besoin pour accéder aux demi-finales du tournoi de curling mixte. Le patineur de vitesse Laurent Dubreuil s’est retrouvé à trois centièmes (0,03) de seconde de remporter une médaille olympique dans sa meilleure distance, le 500 m. Évidemment, rien de tout cela ne vient diminuer l’amour que les partisans ont pour les athlètes canadiens et leurs remarquables efforts. Nous avons toujours autant d’admiration envers leur capacité à rebondir.
Un nouveau Canada, un nouveau style, une nouvelle assurance
Bien qu’au bout du compte, ça n’ait pas été un résultat optimal, le Canada a prouvé qu’il a sa place à ce tournoi. Herdman a souvent décrit son groupe comme étant le « nouveau Canada » et avec raison. Animée par de jeunes joueurs dynamiques comme Davies, l’équipe a adopté un style de jeu axé sur un travail sans relâche et tourné vers l’offensive, ce qui a attiré l’attention et les louanges des partisans et des observateurs d’un peu partout dans le monde.
C’est là tout un changement par rapport à la réputation précédente de l’équipe, celle d’une formation terne, timide et repliée sur la défensive. C’est aussi à l’image de la transformation que l’équipe féminine a subie dans les 10 dernières années.
Pendant des années, la formation féminine était quelque peu unidimensionnelle, alors qu’elle se contentait de longs ballons et attendait que Christine Sinclair y aille de ses tours de magie — ce qui, pour être juste, a souvent fonctionné. Puis, sous la direction de Herdman, et ensuite celle de l’actuelle entraîneure-chef Bev Priestman, l’équipe met de l’avant une attaque diversifiée et dynamique, qui aligne notamment Jordyn Huitema, 21 ans, et Julia Grosso, 22 ans.
Si ce tournoi nous a appris quelque chose, c’est que les récents succès du Canada ne sont pas une erreur de parcours. Le Canada qui a fait sa place parmi les nations de soccer, c’est une réalité qui est là pour de bon.