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Rester calme et poursuivre sa route

Quand les members de l’équipe canadienne du huit masculin d’aviron sont entrés dans le stade olympique d’Athènes pour les cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques de 2004, ils n’étaient pas certains de ramener l’or, mais ils avaient de bonnes chances de le faire. Toutefois, en plus de rater l’or, ils n’ont même pas remporté de médaille, terminant au cinquième rang de la finale. Après cette défaite dévastatrice, la médaille d’or remportée à Beijing en 2008 serait d’autant plus douce.

L’homme derrière la victoire rédemptrice de l’équipe a été l’entraîneur – chef Mike Spracklen.

« Mike Spracklen impose le régime d’entraînement le plus exigeant au monde », a écrit Adam Kreek, membre de l’équipe, dans un blogue pour CBC Sports. « Il ne fait pas que mettre de la pression sur ses athlètes avec le volume et l’intensité du travail demandé. Il nous présente constamment des défis à surmonter. »

Photo: Canadian Olympic Committee

« Les athlètes étaient libres de choisir : ils pouvaient intentionnellement s’engager à travailler plus fort et mieux que n’importe quel autre athlète afin de réaliser leur meilleure performance à vie. »

La stratégie d’entraînement de Spracklen ne doit pas seulement sa réussite aux rigueurs de son programme d’entraînement, explique Veronica Planella, consultante en psychologie du sport. Cette dernière a été médaillée de bronze aux Jeux panaméricains de 1995 en hockey sur gazon; elle enseigne maintenant à l’École des sciences de l’activité physique et de l’éducation physique de l’Université de Victoria et est entraî – neure auprès de la Fédération panaméricaine de hockey sur gazon.

« Après la défaite d’Athènes, Spracklen a invité les membres de l’équipe à repenser leur engagement envers l’aviron, explique-t-elle. Il a pris le soin de créer un environnement avec des attentes claires, dans lequel il mettait en place des situations d’entraî – nement dont l’objectif à atteindre dépassait le niveau de performance des membres de l’équipe. Les athlètes étaient libres de choisir : ils pouvaient intentionnellement s’engager à travailler plus fort et mieux que n’importe quel autre athlète afin de réaliser leur meilleure performance à vie. »

Cet engagement personnel est crucial à la motivation d’un athlète, affirme Planella, en ajoutant qu’un entraîneur ne peut connaître le succès que si ses athlètes sont très motivés.

« La motivation est la force principale qui dirigera les pensées et les comportements vous aidant en fin de compte à persévérer lorsque vous vivez un défi. La motivation favorise l’engagement et ceci, à son tour, augmente les occasions de connaître des améliorations et de réfléchir à leur sujet, développant ainsi la sensation de contrôle et de confiance. Cela mène au succès, nourrissant la motivation dans une boucle sans fin. >>

LE GOÛT DE LA DÉFAITE

Depuis 28 ans, Steve Gazmin est entraîneur de basketball à Toronto, pour des équipes d’écoles secondaires, de clubs et senior masculines. Il a donc subi sa part de défaites. Son expérience lui a appris à ajuster ses tactiques pour amener l’équipe à rebondir d’une défaite en fonction de la raison derrière la défaite.

« Lorsqu’on perd parce qu’on n’a pas travaillé assez fort ou parce que la détermination de l’autre équipe était plus grande que la nôtre, je demande à mes joueurs de se souvenir du goût et de la sensation de la défaite. Je veux qu’ils apprennent à détester ce gout », dit-il, ajoutant qu’il plaint presque l’équipe qu’ils affronteront après une mauvaise défaite.

Par contre, quand son équipe perd par manque de talent – c’est-à-dire que l’équipe adverse fait preuve d’habiletés supérieures – Gazmin concentre ses efforts à motiver ses joueurs pour qu’ils dépassent leurs propres limites et relèvent la barre de leurs attentes envers eux-mêmes.

« Si l’adversaire est meilleur, c’est ça qui détermine le niveau à atteindre », conclut-il.

Pour Philip Sullivan, professeur et directeur au Département de kinésiologie de l’Université Brock, à St. Catharines, en Ontario, c’est la perception de la défaite par le joueur ou l’équipe – et non les raisons réelles de la défaite – qui importe le plus.

« Les raisons ou les explications que vous associez à une défaite influencent beaucoup votre niveau de confiance, ce qui peut ensuite affecter votre prochaine performance », explique-t-il. Par exemple, une équipe qui attribue sa défaite aux mauvaises décisions d’un arbitre pourra amoindrir la défaite et en limiter les conséquences négatives sur sa confiance et ses performances ultérieures tandis qu’il n’en serait pas de même si elle attribuait sa défaite à son propre manque de compétences.

« Lorsqu’on perd parce qu’on n’a pas travaillé assez fort ou parce que la détermination de l’autre équipe était plus grande que la nôtre, je demande à mes joueurs de se souvenir du goût et de la sensation de la défaite. Je veux qu’ils apprennent à détester ce gout »

Pour aider les joueurs à reprendre pied, Sullivan conseille aux entraîneurs de développer la confiance de leurs joueurs en mettant l’accent sur la réalisation d’un processus et sur la comparaison avec soi-même. Le progrès résulte d’un processus Sullivan est l’entraîneur d’une équipe de basketball de jeunes dans une petite communauté avoisinante. Ses joueurs sont bons, mais parce qu’ils se mesurent toujours à des équipes de plus grandes communautés bénéficiant d’un bassin de joueurs plus grands et plus talentueux, son équipe s’était habituée à perdre.

Il a contribué à renverser cette attitude et à convaincre ses joueurs qu’ils peuvent gagner s’ils se concentrent sur le processus menant à la victoire.

« Le sport est axé sur les résultats. Cependant, plusieurs aspects du résultat échappent à votre contrôle; par exemple, si tous vos joueurs de basketball mesurent cinq pieds et que tous les membres de l’autre équipe font plus de six pieds, vos adversaires vont attraper plus de rebonds. Concentrer votre équipe sur le processus ça veut dire développer les habiletés de vos joueurs et souligner l’importance de comment ils font ce qu’ils devraient faire », dit-il.

Sullivan demande à son équipe de pratiquer des habiletés et des mises en situation dans lesquelles il sait que ses joueurs vont exceller. Il augmente ensuite graduellement le niveau de difficulté, au fur et à mesure que leur confiance augmente.

Cette approche change notre point de mire : au lieu d’insister sur la victoire ou la défaite, le succès se définit plutôt en fonction de la performance – par exemple, le nombre de fois où les joueurs se placent correctement en position de bloquer au rebond. Au lieu de comparer leur performance à celle des autres, les joueurs reçoivent la consigne de se concentrer sur leurs propres statistiques, c’est-à-dire de regarder si leurs habiletés s’améliorent avec le temps.

Cette comparaison avec soi-même renforce la confiance des joueurs, alors qu’ils se rendent compte qu’ils ont réagi de façon positive à un défi personnel en trouvant les ressources nécessaires pour le surmonter.

LA RÉSILIENCE EN QUATRE ÉTAPESCOC PHOTO: PHILLIP MacCALLUM

En fin de compte, enseigner à un athlète comment se remettre d’une défaite, c’est lui enseigner la maîtrise de soi et la résilience, dit Planella :

« Le rôle de l’entraîneur est d’aider l’individu à contrôler efficacement sa façon de répondre à n’importe quelle situation, de s’adapter rapidement et d’élaborer une nouvelle stratégie. Votre succès dépend directement de la façon dont vous réagissez aux revers. »

Elle suggère une approche à quatre étapes :

1. Aidez l’athlète à comprendre ce qu’il faut faire : un revers exige que l’entraîneur et l’athlète retournent à leur table de travail pour explorer de nouvelles opportunités d’apprentissage. La première étape consiste à comprendre les raisons du revers ainsi que la réaction émotionnelle ayant fait suite au revers. Ensuite, il s’agit d’identifier des tâches pertinentes à cette situation et de les intégrer à une nouvelle stratégie.

2. Établissez des objectifs et un plan : l’athlète doit comprendre pourquoi l’objectif  est important, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné par le passé et quelles sont les options réalistes pour l’avenir. L’athlète doit ensuite choisir d’investir des efforts physiques, émotionnels et cognitifs pour atteindre le nouvel objectif. Les athlètes sont motivés lorsqu’ils s’améliorent. Par conséquent, établir de bons objectifs encouragera les athlètes à persévérer dans leurs tâches quotidiennes.

3. Essayez la nouvelle stratégie et passez à l’ACTION : il est très avantageux pour  l’entraîneur et l’athlète de documenter et de réfléchir sur l’efficacité du nouveau plan mis en place. Faites le point sur les nouvelles stratégies en vous concentrant sur leur rapport avec les comportements, l’aspect cognitif, les émotions et le niveau de motivation.

4. Adaptez-vous : est-ce que l’athlète apprend de ses erreurs ou les répète? Est-ce que l’entraîneur lui fournit l’aide et les ressources nécessaires? Le succès vient lorsque les gens apprennent de leurs expériences et tentent continuellement de faire mieux. Ces étapes suivent un cycle continu, au fur et à mesure que les entraîneurs et les athlètes mesurent, évaluent et réfléchissent à leur progrès. « Quand les athlètes prennent le contrôle de leur propre processus d’apprentissage en étant conscients et en adaptant délibérément ce qu’ils font, ce qu’ils pensent et comment ils se sentent, cela les prépare mieux à gérer efficacement n’importe quel type de revers, ajoute Planella. Les contextes sportifs récréatifs, de développement ou de haut niveau ont divers objectifs et les entraîneurs doivent tenir compte de ces différences lorsqu’ils mettent en place des stratégies visant à aider les athlètes à se remettre d’un revers. Il n’empêche que la persévérance, qui aide à développer la capacité de résilience, exige que nous portions notre attention non sur le revers subi – perçu comme un problème – mais bien sur l’occasion de vivre un changement posi tif et d’avoir d’autres solutions. Cela peut s’apprendre dès les tous débuts dans un sport, même aux premiers stades du développement. »

« La résilience est importante dans tous les aspects de l’existence, pas seulement dans le sport. Nous devons tous apprendre à mettre nos revers à profit, continue Planella. Les meilleurs entraîneurs s’assurent que leurs athlètes évoluent dans un environnement où ils auront diverses occasions d’explorer et de découvrir de nouvelles possibilités et de développer des valeurs qui les aideront à connaître le succès tant dans le sport que dans la vie. »

Photo: The Canadian PressREBONDIR D’UN REVERS : L’EXEMPLE SUPRÊME

Paula Findlay s’est qualifiée pour l’épreuve du triathlon aux Jeux olympiques de 2012, mais à cause d’une blessure, elle a terminé au 52e rang, dernière athlète à franchir la ligne d’arrivée. Son entraîneur, Joel Filliol, e.p.a., nous explique sa stratégie de retour.

« Notre approche a été de revenir à la base. En fait, le moment est propice pour plusieurs raisons, à la suite d’une performance difficile aux Jeux et où de nombreux facteurs ont joué. Nous avons donc adopté une approche objective et rationnelle afin de déterminer comment Paula doit évoluer et grandir comme personne et comme athlète. Nous avons mis beaucoup d’efforts pour établir une base solide, construite à partir d’une remise en forme, d’habitudes fonctionnelles et des habiletés requises pour bien gérer le processus et les inévitables hauts et bas qui font partie du développement d’un athlète. Nous ne pouvons pas changer ce qui s’est passé, mais nous pouvons apprendre de cette expérience et utiliser ces enseignements pour aller de l’avant et évoluer. Aucun athlète n’atteint l’étape du produit fini, et pour Paula, qui n’a que 23 ans, obtenu d’excellents succès et fait face à d’immenses défis, nous avons tiré profit de tout cela pour qu’elle fasse preuve de patience, de recul et de concentration envers ce que nous pouvons contrôler, et à partir de là, grandir un peu chaque jour. »

S.O.S. DÉFAITE : Suggestions pour surmonter les revers

• Adaptez votre stratégie d’entraînement pour qu’elle corresponde au stade de développement de l’athlète. Les joueurs plus jeunes auront peut-être besoin d’aide pour comprendre que les revers représentent aussi des occasions d’explorer et de développer de nouvelles habiletés. Quant aux athlètes plus matures, les entraîneurs peuvent les aider à digérer une défaite en révisant leur façon de s’entraîner et en concevant divers scénarios pour que les joueurs les pratiquent. Avec les joueurs de niveau senior, il se peut que les entraîneurs doivent demander à leurs athlètes de renouveler leur engagement envers le sport tout en tenant compte du contexte.

• Aidez les athlètes à développer un sens multidimensionnel de leur identité en explorant et en étant conscients de toutes les dimensions de leur vie.

• Concentrez-vous sur la solution et non sur le problème.

• Repérez, documentez et réfléchissez à ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Vous apprendrez de vos revers seulement si vous en faites l’examen en bonne et due forme.

• Collaborez avec vos athlètes pour établir des objectifs réalistes et mesurables. Revenez-y souvent.

• Concevez des scénarios d’entraînement mettant les athlètes au défi de bien performer.

Cela leur donnera davantage de confiance pour relever des défis plus difficiles.

• Expliquez à vos athlètes que la compétition et l’entraînement comportent des hauts et des bas. Soulignez et célébrez les moments où vous observez des progrès.

• Observez et réfléchissez à vos propres comportements et à vos propres pensées pour mieux comprendre comment vos initiatives en tant qu’entraîneur aident vos athlètes ou non.

• Prendre le contexte en compte.

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