Marion Thénault poursuit son projet vers la carboneutralité et multiplie les actions pour le développement durable
Depuis maintenant deux ans, Marion Thénault, athlète de ski acrobatique, poursuit sa quête vers la carboneutralité, tout en visant une participation à ses deuxièmes Jeux olympiques à Milano Cortina 2026.
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L’an dernier, pour la deuxième saison consécutive de compétitions, elle a, à l’aide de l’expertise des spécialistes de la firme WSP, fait son bilan carbone.
Pour 2023-2024, ce bilan indiquait une diminution de 40% de ses émissions carbone. Quoiqu’ils puissent sembler encourageants, ces résultats ont aussi fait ressortir la difficulté de comparer les données d’une saison à l’autre. « Chaque saison est différente, mentionne Thénault. L’hiver passé, j’ai subi une blessure qui a fait en sorte que j’ai raté un segment du circuit des Coupes du monde. J’ai donc moins voyagé. »
Loin de mettre en péril le bon déroulement du projet, cette constatation a mené à la conclusion qu’il est plus judicieux de quantifier l’impact des changements qu’elle apporte à ses habitudes de voyage plutôt que de comparer ses émissions de carbone d’une saison à l’autre.
Pour les années trois et quatre de son projet, l’exercice consiste dorénavant à comparer son empreinte carbone avec une valeur de référence calculée en fonction de ce qu’aurait généré une personne qui ne prendrait pas d’actions spécifiques pour diminuer ses émissions de carbone.
« Par exemple, la saison prochaine, nous avons deux semaines entre deux Coupes du monde. Je ne vais pas revenir à la maison entre ces compétitions, mais la valeur de référence inclut les émissions de carbone générées si j’étais retournée chez moi. Dans le même sens, nous allons mesurer l’impact des changements que j’ai apporté à mes déplacements locaux en comparant les émissions émises par mes déplacements vers mon lieu d’entraînement en vélo électrique, avec celles émises si j’étais allée en auto », explique l’athlète dont le centre d’entraînement est situé à Lac-Beauport, près de Québec.
« Le but est de mesurer l’impact des changements que j’ai apportés par rapport à la valeur de référence, qui représente ce que la plupart des gens feraient. »
Sans surprise, pendant la deuxième saison de prise de données, ce sont encore une fois les déplacements aériens qui ont le plus contribué à son empreinte carbone. « 86% de mes émissions de carbone sont dus à mes déplacements en avion. Si on veut diminuer les voyages aériens, il faut modifier le calendrier de compétitions. »
C’est pourquoi elle a contacté en juin dernier la responsable du développement durable à la FIS (Fédération internationale de ski et snowboard).
« Je lui ai parlé de mon projet, de mon initiative. Est-ce que les données que je vais recueillir pourraient influencer le calendrier de compétition ? »
La fédération ayant démontré de l’intérêt envers son projet, son équipe de spécialistes et elle présenteront un rapport à la fin de la saison qui quantifiera les émissions liées au transport aérien des athlètes dans sa discipline, le saut acrobatique.
« L’objectif est que le rapport se rende au comité de la FIS responsable d’élaborer le calendrier de compétition et que ce dernier puisse tenir compte des émissions de carbone et minimiser les déplacements aériens. »
Selon Thénault, l’optimisation du calendrier de compétitions pour diminuer le plus possible les déplacements en avion est l’une des meilleures avenues pour diminuer l’empreinte carbone des athlètes en compétition sur les différents circuits.
Si les fédérations ont une influence importante sur le calendrier et par le fait même, sur les déplacements nécessaires pour prendre part aux compétitions, Thénault estime qu’il est primordial que les athlètes fassent entendre leur voix sur l’importance de minimiser l’empreinte carbone que génère la pratique de leur sport.
« Tout le monde, les athlètes comme les fédérations, doit prendre une part de responsabilités en ce qui concerne le développement durable. »
Pour rédiger ce rapport à l’intention de la FIS, l’intention est de recueillir les données concernant les déplacements aériens de tous les compétiteurs du circuit.
« Il faut rendre la prise de données le plus simple possible pour les athlètes et les organisations, et bien communiquer. Je ne sais pas si ça va marcher, c’est un essai », explique la médaillée de bronze olympique qui admet que si plusieurs athlètes sont conscientisés à propos du développement durable, ce n’est pas tout le monde qui a comme elle la motivation nécessaire pour effectuer une collecte de données parfois complexe et chronophage.
En plus de mesurer son empreinte carbone avec WSP Canada et de faire la standardisation du processus de quantification des déplacements aérien afin qu’il puisse s’appliquer à d’autres athlètes, Thénault œuvre également de concert avec l’organisation de la Coupe du monde au centre de ski Le Relais.
« Je veux amener les évènements à être plus écoresponsables. J’ai avancé l’idée de me joindre au comité organisateur cette Coupe du monde qui a lieu à la maison pour amener la perspective de prendre en compte l’empreinte environnementale de l’évènement. »
Pour l’épauler dans ses efforts, elle a été récipiendaire d’une Subvention Héritage d’OLY Canada en 2023 et 2024.
Parmi les initiatives mises en place pendant la Coupe du monde au centre Le Relais, il y a l’optimisation du transport des spectateurs, l’amélioration du système de gestion des déchets et les achats durables.
« Nous avons mis sur pied un système de navette pour transporter le public. Les concessions alimentaires sur le site utilisaient des contenants compostables, recyclables ou consignés et nous avons mis en place des îlots de tri des déchets. »
L’organisation a également décidé de ne pas recourir à des plastiques à usage unique dans l’aménagement du site, optant entre autres pour des alternatives plus écoresponsables pour remplacer les attaches autobloquantes (tie-wraps) généralement utilisées.
« Ça peut sembler anodin, mais avec toutes les bannières, affiches et barrières sur le site d’une Coupe du monde, la quantité de ce type d’attache est impressionnante. »
Les clôtures utilisées sur le site étaient également durables et pourront être réutilisées. « Des clôtures, il y en a beaucoup lors d’une Coupe du monde. Avant, il fallait les jeter chaque année parce qu’elles n’étaient plus en bon état et laissaient des microplastiques au sol. Le but est de ne pas racheter du plastique chaque année. »
Un autre changement apporté a été d’opter pour des bandes de tissus pour marquer les structures de saut au lieu d’utiliser de la peinture en aérosol.
« Quand on met de la peinture sur la neige, elle fond. C’est évidemment un problème. De plus, des dizaines de cannes de peinture sont utilisées au cours d’une Coupe du monde. Nous avons plutôt opté pour des bandes de tissus fixées au saut où on voulait de la couleur », a expliqué Thénault.
L’organisation de la compétition a aussi acheté quelques crédits carbone à un organisme local.
Thénault a déjà en tête quelques idées afin de faire encore mieux l’an prochain. « Je suis en recherche de financement afin de poursuivre les efforts de développement durable. »
L’athlète est également engagé avec Protect Our Winters. « On va dans les écoles parler d’actions climatiques. L’an dernier, j’ai participé à une tournée en Ontario. Ce programme ne se donnait pas en français ou au Québec. Cette année, je suis allée dans quelques écoles du Québec pour donner le programme en français. Dans le futur, j’aimerais ça avoir une petite cohorte d’athlètes qui visiteraient les écoles du Québec dans le cadre de ce programme. »
L’athlète olympique de Beijing 2022 était finaliste pour le Prix Action Climat 2024 du CIO et participe début octobre au Sport Positive Summit 2024 à Londres. « C’est une belle occasion d’apprendre sur ce qui se fait dans l’industrie en ce moment et de voir comment ça pourrait influencer mon projet. »
L’étudiante en génie aérospatiale compte utiliser les notions acquises dans le cadre de ses études pour contribuer à un avenir plus durable. « Je ne sais pas si ce sera au niveau terrestre ou dans le développement durable de l’exploitation de l’espace. »
Pour Marion Thénault, le ciel n’est pas la limite.