Katherine Surin : Mes leçons apprises d’un père (extra)ordinaire
Le champion olympique en athlétisme Bruny Surin a récemment raconté à Olympique.ca sa vie de père d’une athlète d’élite en athlétisme. Ici, sa fille Katherine offre son côté de l’histoire alors qu’elle est à la poursuite de son propre rêve olympique.
Quand j’étais petite, je trouvais parfaitement normal que mon père voyage partout à travers le monde pour courir. Je pensais que tous les papas faisaient comme lui.
C’est lorsque j’ai commencé l’école primaire que j’ai réalisé que c’était tout un exploit de monter sur la première marche du podium aux Jeux olympiques, et que très peu de gens avaient été couronnés champion du monde à plusieurs reprises. Ce que je croyais normal était en fait extraordinaire.
Je me souviens de toutes les fois où, réfugiée dans le lit de ma sœur, je comptais les dodos avant que mon père revienne de ses camps d’entraînement et de ses compétitions. Ses retours prenaient toujours des allures de fête. Il nous racontait la compétition, et nous ramenait des souvenirs. Il me donnait toujours l’impression d’avoir été présente à ses côtés pour l’aider à accomplir ses exploits.
À quelques reprises, ma sœur et moi avons eu la chance d’aller le voir sur la piste. Ces expériences uniques m’ont permis de comprendre à un très jeune âge l’importance de travailler fort pour atteindre mes objectifs.
J’ai toujours su que je voulais devenir une star de la piste comme mon père. Je courais avant de marcher. Mes parents, craignant une trop grande pression reliée à mon nom de famille, ont préféré m’initier à un autre sport. Ils nous ont donc inscrites, ma sœur et moi, au tennis.
Aussi fou que cela puisse paraître, mon moment préféré de l’entraînement était celui où nous courrions autour du court pour nous échauffer. J’aimais tout de même le tennis, et c’est vite devenu plus qu’un loisir pour moi. Je voulais être la meilleure.
Dès le début de ma carrière, j’ai participé à plusieurs tournois internationaux qui m’ont appris énormément, m’ont offert une discipline, une rigueur et une détermination que j’ai pu utiliser dans toutes les sphères de ma vie. Après sept ans sur le terrain, j’ai décidé de me concentrer sur mon véritable rêve : l’athlétisme.
Lisez l’autre côté de l’histoire, raconté par Bruny Surin
Cette fois encore, être bonne ne m’intéressait pas. Je voulais être la meilleure ou rien du tout. J’ai mis peu de temps à comprendre que la pression que je mettais sur moi-même pouvait être tout aussi bénéfique que malsaine. J’ai souvent outrepassé mes limites.
Lorsque je m’entraînais en junior à l’université du Connecticut, j’ai connu une année extrêmement difficile. Je rêvais toujours d’aller aux Jeux olympiques, mais cet objectif ne se reflétait pas dans mes résultats. Ma motivation, celle qui me poussait à me dépasser lors des entraînements, s’était évanouie. Plus la saison avançait, plus mon amour pour l’athlétisme diminuait. J’avais l’impression d’être si loin du but que je songeais à abandonner.
Peu importe l’endroit, mes parents tentaient toujours de se déplacer pour assister à mes compétitions. Même si j’étais très contente de passer du temps avec eux, j’étais gênée qu’ils aient parcouru tout ce chemin pour me voir réaliser de mauvaises performances. Mon manque d’enthousiasme transparaissait dans mes courses, et je le savais.
Mon père a mis peu de temps à voir clair dans mon attitude. Il m’a tout de suite expliqué que ce que je ressentais était normal. C’est impossible de n’avoir que des saisons parfaites. On ne peut pas réaliser que des performances extraordinaires, week-end après week-end.
Il m’a raconté qu’en 1999, après une saison hivernale décevante — l’une des pires de sa carrière — il a dû se contenter de la dernière place lors de la finale du 60 m aux Championnats du monde en salle. Malgré tout, il s’est retroussé les manches. Quelques mois plus tard, en été, il a réalisé la meilleure performance de sa vie, réalisant à égalité un record canadien de 9,84 secondes au 100 m.
J’ai compris à ce moment qu’il ne faut jamais laisser une compétition et une saison nous définir et nous décourager. Il faut au contraire persévérer, et se servir de cette colère pour nous pousser et nous dépasser en entraînement.
Mon père ne s’est jamais trop imposé dans ma vie sportive. Il fait confiance à mes entraîneurs, et se contente de répondre à mes questions. Mais, lorsque j’ai vraiment besoin d’un soutien moral, il répond toujours présent.
Être la fille de Bruny Surin n’est pas différent des autres relations père-fille. Même s’il me sert parfois d’entraîneur et d’agent sur demande, il est avant tout mon père. La leçon la plus importante qu’il m’ait enseignée, c’est de m’assurer d’avoir du plaisir dans tout ce que j’entreprends.
Je souhaite de tout cœur que ma famille et mes amis soient fiers de moi. Mais, ce que je veux avant tout, c’est être fière de moi-même et sentir que j’accomplis ce dont je suis capable. Plus que jamais, je rêve de courir un tour de piste aux Jeux olympiques, et de vivre cette belle aventure avec ma famille dans les gradins.
Katherine Surin est une espoir pour Tokyo 2020. Elle a remporté le bronze au 400 m aux Championnats canadiens d’athlétisme 2019, et a participé aux Championnats de Division 1 de la NCAA pour l’Université du Connecticut. Son père Bruny est un quadruple olympien ayant remporté l’or à Atlanta 1996 en tant que membre du relais 4×100 m. Il est également double champion du monde au relais 4×100 m et double médaillé d’argent aux mondiaux au 100 m. Il est co-détenteur du record canadien au 100 m, établi à 9,84 secondes, depuis 1999.