L’âme d’un olympien: Aborder le changement

Les Olympiens ne sont pas prédestinés à la gloire olympique. Les exploits sportifs auxquels nous assistons aux Jeux d’été et d’hiver sont le résultat d’une combinaison d’habiletés physiques et mentales.  

On s’explique difficilement la magie de la performance olympique. On sait par contre que petit à petit, les athlètes forgent leur état d’esprit pour les Jeux longtemps avant la Cérémonie d’ouverture.

Tous les athlètes vivent une combinaison unique d’expériences en route vers la plus grande scène sportive au monde. Qu’est-ce qu’il faut? Quel sera le résultat? Les réponses à ces questions fondamentales se trouvent dans les histoires des meilleurs athlètes olympiques.

Première partie d’une série de deux

LE CHANGEMENT EST INÉVITABLE

En sport, le changement est inévitable. Après tout, n’est-ce pas la nature même du sport et ce qui le rend intéressant? L’imprévu n’est pas réservé à l’aire de compétition. À toutes les étapes de leur carrière, les athlètes devront s’attendre à faire face au changement et à le négocier.

Le rameur Andrew Byrnes est un homme posé posé et réfléchi. Chez lui, à Victoria, il nous parle de son parcours olympique d’une voix sûre : « Ouais, Beijing et Londres ». Un peu comme un collectionneur, il égrène ensuite : « une d’or, une d’argent. »

ByrnesMalcolm Howard, Andrew Byrnes et Jeremiah Brown. PHOTO: La Presse canadienne

À l’été 2006, Andrew était encore loin de monter sur le podium en compagnie du huit de pointe masculin. Il avait 23 ans et il venait tout juste de terminer sa maîtrise à l’université de la Pennsylvanie.

Il était déjà un bon rameur à l’époque. Avec ses deux mètres pour 98 kilos, Andrew avait la taille idéale pour l’aviron. Son c.v. était également très prometteur. Lors des Championnats du monde qui avaient eu lieu plus tôt dans l’année, il avait remporté une médaille de bronze en deux de pointe avec barreur.

Mais avoir une place dans le huit de pointe masculin du Canada est un peu comme être repêché par l’équipe masculine canadienne olympique de hockey. Il faut faire partie de la crème des rameurs canadiens, mais aussi des meilleurs athlètes au monde de la discipline.

Andrew a tenté sa chance malgré tout. Natif de Toronto et ayant grandi dans le nord-ouest de l’État de New York, il a installé ses pénates à Victoria pour rejoindre le Centre national d’entraînement.

« C’était un saut dans l’inconnu. Acheter un billet d’avion et déménager à Victoria est le premier défi que j’ai eu à relever. C’est un gros changement, » se souvient-il.

Andrew a une voix aussi profonde qu’il est grand et il parle franchement de l’effet que le déménagement a eu sur lui. « Je me sentais un peu perdu et dépassé en arrivant à Victoria. Pendant la première année, on veut seulement savoir si on a ce qu’il faut pour faire partie de l’équipe nationale canadienne. »

Imaginez mettre la largeur d’un pays entre vous et tout ce que vous connaissez pour avoir une chance sur huit de décrocher un boulot dans votre domaine. Andrew s’est servi de la pression pour se concentrer exclusivement sur son objectif.

« J’ai acheté un aller simple sans savoir ce que l’avenir me réservait. C’était une étape importante qui m’a permis de devenir la personne que je suis maintenant. Tout le monde traverse des étapes importantes, et pour moi, l’étape suivante était d’entrer dans l’équipe nationale. J’étais un athlète 365 jours par année. Mes moindres gestes n’avaient qu’un seul objectif : aller aux Jeux de Beijing et remporter une médaille d’or. »

Andrew remercie Mike Spracklen, l’ancien entraîneur du huit masculin, de l’avoir aidé à faire la transition.

« Mike, notre entraîneur, répétait toujours que pour gagner, nous devions travailler plus fort que tous les autres athlètes du monde et c’était somme toute assez facile à faire. C’est dur pour le corps, mais notre chemin était bien tracé. »

LE SACRIFICE DU CORPS

Les athlètes olympiques demandent beaucoup à leur corps. Les rameurs ne comptent plus les matins glacés passés sur l’eau ni les heures consacrées à l’entraînement. La natation s’apparente à l’aviron. Au-delà du lien évident avec l’eau, les nageurs et les rameurs doivent porter une attention particulière à l’ensemble de leur corps dans la pratique de leur sport.

Pendant presque trois cycles olympiques, Brian Johns était l’étoile canadienne du quatre nages individuel et l’héritier du triple médaillé olympique Curtis Myden. En 2003, il a mis fin à une disette d’une décennie en devenant le premier nageur canadien, toutes disciplines confondues, à inscrire un record du monde depuis 1997.

Au cours de l’année précédant les Jeux de 2004 à Athènes, Brian a développé une grave blessure à l’épaule. En natation, les douleurs sont davantage causées par le surmenage que les chocs. Aux Jeux, il a pris le départ du 200 m et du 400 m IM quatre nages individuel sans réussir à accéder à la finale. Les Jeux l’ont laissé amer et démoralisé.

« J’ai vécu des moments très difficiles après les Jeux d’Athènes. Je n’aimais plus mon sport. Je devrais trouver une façon d’obtenir une récompense au quotidien tout en travaillant mon objectif à long terme. Mon état d’esprit devait changer. »

L’entraînement du 400 m quatre nages individuel est probablement l’un des plus exigeants en natation. Ryan Cochrane, qui excelle au 1500 m libre, pourrait ne pas être d’accord, mais Brian devait se mesurer à Michael Phelps, le meilleur nageur de sa génération. Quand sa blessure à l’épaule s’est avérée chronique, Brian a été forcé de faire des changements.

« Avant les Jeux d’Athènes, je m’entraînais beaucoup, mais pas très intelligemment. J’ai dû réapprendre à m’entraîner. C’était impossible de m’entraîner autant que mes adversaires, mais je devais m’entraîner mieux que quiconque. »

L’histoire de Brian est un bon exemple de changements qui surviennent pendant la carrière d’un athlète. Ce n’est pas rare que les Olympiens doivent apporter des changements à leur routine et pas seulement à la suite de blessures.

« Ma carrière est divisée en deux. Avant ma blessure, j’étais un type de nageur et après ma blessure, j’étais un nageur complètement différent. C’était une transition considérable pour moi, » ajoute-t-il.

En 2007, Brian était au sommet de son art. Lors des Championnats du monde de la FINA, il a remporté une médaille de bronze au sein de l’équipe canadienne du relais 4 x 200 m et un an plus tard, à Beijing, il prenait enfin part à une finale des Jeux olympiques au 400 m quatre nages individuel. Ce sont ses meilleurs Jeux olympiques.

LE VRAI CHANGEMENT

L’idée de transition n’est pas étrangère à la culture sportive. Après tout, c’est l’une des rares industries où on prend sa retraite dans la vingtaine ou la trentaine. Les amateurs de sports ont l’habitude de discuter de ce qui advient de leurs idoles lorsqu’elles ont accroché leurs patins ou leur maillot.

Ce sont des transitions comme celles d’Andrew Byrnes et de Brian Johns qui ont amené les dirigeants du monde du sport à offrir du soutien aux athlètes pendant leur carrière sportive au même titre que pendant la transition à la fin de leur carrière sportive.

Directrice nationale du programme de transition des athlètes d’élite de l’Institut canadien du sport, Andrée-Anne Leroy parle avec enthousiasme de la différence, mais aussi des liens entre les transitions.

« Un athlète fera face à de nombreuses transitions pendant sa carrière sportive. Les plus communes surviennent lorsque l’athlète se blesse, lorsqu’il n’est pas sélectionné pour les Jeux olympiques et pendant la transition entre les équipes junior et sénior. »

Selon Andrée-Anne Leroy et certaines études, lorsque la « transition de carrière » a lieu pendant la carrière sportive et qu’il ne s’agit pas simplement de remplacer une carrière par une autre, celle-ci doit s’accompagner d’un changement de paradigme.

« Il n’y a pas que la retraite qui est importante. Au Canada, on met beaucoup l’accent sur la retraite, mais je crois que c’est une erreur. Plusieurs transitions surviennent pendant une carrière, » ajoute-t-elle.

Les Jeux olympiques sont plus compétitifs que jamais et les athlètes canadiens doivent prendre des décisions plus importantes et sérieuses pour réussir.

Même si beaucoup repose sur les épaules de l’athlète, la communauté sportive a aussi son rôle à jouer. Leur propre débrouillardise et l’influence de leur entourage occupent une place importante dans l’histoire des athlètes.

Andrew Byrnes est particulièrement reconnaissant de l’appui de ses coéquipiers après son déménagement dans l’Ouest : « Je connaissais certains des gars de l’équipe et ils m’ont aidé à m’intégrer »

Pour Brian Johns, c’est l’équipe de soutien sur qui il a pu compter pour changer son entraînement du tout au tout qui a fait la différence. « Pour optimiser mon entraînement, j’ai travaillé avec des intervenants en psychologie sportive et en physiothérapie en plus de mes entraîneurs. C’est à ce moment que ma technique a décollé. »

Restez à l’affût pour d’autres chroniques de la série L’âme d’un olympien. La deuxième partie suivra bientôt.