Presse

Dr. Jacques Rogge

Le président du Comité international olympique, le Dr Jacques Rogge était la tête d’affiche d’un événement de collecte de fonds historique qui s’est déroulé à Québec et qui a permis d’amasser plus de 800 000 $ au profit des athlètes canadiens.

JACQUES ROGGE (président, Comité international Olympique) : Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs.  Se faire applaudir avant de parler, ça, c’est rare ces jours-ci. Mesdames et Messieurs, le Québec et le Canada ont une longue et riche histoire sportive. Et comme une image vaut mille mots, regardons tous ensemble une courte vidéo de ce passé brillant que vous avez donné à l’olympisme.

[vidéo]

– Je proclame l’ouverture des Jeux olympiques de 1976. Célébrons la 21e Olympiade de l’ère moderne.

[partie inaudible]

– L’ouverture des quinzièmes Jeux olympiques d’hiver à Calgary.

[partie inaudible]

– Ouverts les Jeux de Vancouver pour célébrer les vingt et unièmes Jeux olympiques d’hiver.

[Fin de la présentation vidéo]

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de remercier le Canada et le Québec pour leur énorme contribution au succès de l’olympisme. Et je voudrais saluer et remercier également les personnalités présentes. Bien sûr le premier ministre Jean Charest, un passionné de sport, le maire qui a su attirer Sport Accord ici à Québec et qui poursuit un rêve qui, espérons-le un jour, sera réalisé, et bien entendu…

[applaudissements]

Permettez-moi de rendre hommage à notre hôte, Marcel Aubut. Il est difficile, je vous le dis, de dire non à Marcel. Et quand il m’a invité, j’ai bien entendu accepté de bonne grâce.

Marcel a bien entendu une énergie et une passion pour le sport irrésistible. Nous connaissons tous ses qualités, son histoire, 20 ans à la tête de la LNH, à la tête de la Fondation nordique qui aide beaucoup d’athlètes, et maintenant pour la première fois, président francophone du Canadian Olympic Committee.

[applaudissements]

Permettez-moi aussi de rendre hommage aux athlètes, aux athlètes présents ici dont j’ai eu un immense plaisir à les voir défiler, mais aussi à tous les athlètes qui depuis 1904 aux Jeux de Saint-Louis jusqu’à Pékin ont gagné 161 médailles pour les jeux d’été et depuis les Jeux de Chamonix en 1924 pour les Jeux d’hiver jusque et à Vancouver, ont gagné 139 médailles, ce qui fait 300 médailles en tout pour le Canada, dont 113 en or. C’est une performance, croyez-le, remarquable.

[applaudissements]

Le Canada est aussi le pays des grandes organisations sportives. Avec les trois Jeux olympiques que vous avez organisés, vous appartenez à ce que j’appellerais le G6 sportif. En effet, six nations seulement ont fait cet exploit : les États-Unis d’Amérique, le Japon, l’Italie et la France et l’Allemagne. Et bien sûr, le Canada.

Et vous avez aussi beaucoup d’autres projets. Et les Jeux panaméricains de Toronto en 2015 et beaucoup d’autres grandes compétitions sportives qui sont agendées au Canada et au Québec.

Et que dire de l’importance du siège de l’Agence mondiale antidopage à Montréal et de la qualité extrême du laboratoire de Christine Ayotte qui nous aide tellement dans notre lutte contre le dopage?

[applaudissements]

Mesdames et Messieurs, le sport connaît un grand succès ce n’est pas votre présence massive aujourd’hui qui m’en dissuadera. Le sport connaît un grand succès de par sa participation massive, de par sa popularité et son audience, de par sa collaboration avec les pouvoirs publics et de par sa capacité à générer des revenus qui seront redistribués au sport à la base.

Parlons de la participation. Dans la plupart des pays économiquement forts, plus de 25 pour cent de la population participe soit en sport de compétition, soit au sport récréatif dans un cadre organisé ou non organisé au sport. Si vous y ajoutez ceux qui regardent le sport, qui visent le sport, vous arrivez bien entendu à un tiers des citoyens de ces pays qui ont une véritable passion et pratique pour le sport. C’est un phénomène social remarquable.

Et aussi, parlons rapidement de l’audience que le sport génère auprès des médias. La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été entraîne 4 700 000 000 de téléspectateurs. Les jeux d’hiver, 1 200 000 000.

Et la capacité de générer des revenus fait que la FIFA, l’organisation qui équivaut à celle du CIO, génère comme nous cinq milliards de dollars par quadri annum, cinq milliards de dollars dont plus de 90 pour cent sont redistribués au sport à la base et avec un intérêt particulier pour les pays en voie de développement.

Et bien sûr cette participation à cette audience est également cette popularité ne laissera jamais les gouvernements indifférents. Gouvernements qui savent aussi que le sport signifie la santé, et que le sport est un vecteur important de l’éducation.

Et c’est à ce sujet que je voudrais aussi féliciter très chaleureusement les pouvoirs publics du Canada pour le grand soutien qu’ils donnent au sport, que ce soit au niveau provincial et bravo pour ce que le Québec fait pour le sport, que ce soit au niveau fédéral également.

[applaudissements]

En différentes mesures et également au niveau municipal.

[applaudissements]

Je me souviens qu’en 2004 je conversais à Montréal avec le premier ministre et nous parlions de ce programme encore [inaudible] qui était le Own the Podium. Il y avait énormément de réticence, beaucoup de doute et des interrogations. Mais vous, Monsieur le Premier ministre, vous y avez cru. Le gouvernement fédéral y a cru, le monde économique y a cru et le monde sportif y a cru et ça vous a amené ces médailles que vous avez gagnées à Vancouver.

[applaudissements]

Malgré ces grands succès, le sport ne pourrait être complaisant. Nous avons en effet des défis à relever et ces défis ne sont pas d’ordre matériel. Il ne s’agit pas d’une bonne organisation, d’un championnat du monde, ou de Jeux olympiques. Il ne s’agit pas de générer une grande audience télévisuelle. Il ne s’agit pas de générer des revenus. Non. Notre défi c’est dans l’immatériel, l’intangible. Notre défi c’est préserver les valeurs du sport.

Le sport en effet est menacé par le dopage, par la manipulation des matchs et des paris truqués, par la corruption, par la violence, par le racisme, et par un nouveau phénomène social qu’est l’inactivité de la jeunesse de nos pays qui mène à l’obésité et à des maladies cardiovasculaires et au diabète.

Et outre ces dangers contre lesquels nous devons lutter, le sport a également des responsabilités sociales. E le soutien pour les démunis, c’est essayer de combler le gouffre entre le nord qui est riche et le sud qui est pauvre, ce que nous faisons au comité international olympique avec notre projet solidarité olympique dans laquelle la majeure partie de nos revenus va aux pays en voie de développement.

La responsabilité sociale c’est aussi d’utiliser le sport comme vecteur d’éducation dans la société. Et nous avons également une obligation de respecter l’environnement et d’œuvrer pour un développement durable.  Et que dire des droits de la femme qui ne sont pas encore reconnus dans le sport à leur juste valeur?

Le dopage est bien entendu notre premier et grand défi. Le dopage est une atteinte à la santé de l’athlète. C’est une atteinte à la crédibilité de la compétition car la compétition est basée sur une hiérarchie et la hiérarchie n’a qu’une valeur morale que si elle-même est basée sur les sports et s’il n’y a pas d’effort, il n’y a pas de valeur morale.

Et la troisième raison pour laquelle nous nous battons contre le dopage farouchement, c’est que le dopage risque de nuire au recrutement du sport. Car en effet les mères, et ce sont elles qui conduisent leurs enfants à l’école sportive, si les mères savent que nous n’allons pas lutter farouchement pour protéger la santé de leurs enfants, elles n’amèneront plus les enfants à être sportifs. Ils feront autre chose et nous les perdront.

Le CIO a été un pionnier depuis 1976 dans cette lutte. Et à la fin des années 90, nous avons créé avec les gouvernements l’Agence mondiale antidopage qui siège aujourd’hui à Montréal et je tiens à rendre hommage à votre compatriote et à mon collègue Dick Pound qui a remarquablement présidé l’AMA dans son premier mandat.

[applaudissements]

Grâce à l’Agence mondiale antidopage, nous avons fait des gros progrès contre le dopage. Est-il concevable qu’un jour il n’y ait plus de dopage dans le sport? Non. Ne soyons pas naïfs, ne croyons pas dans des utopies. La tricherie fait partie hélas de l’âme humaine et il y aura toujours des athlètes qui voudront tricher.

Mais je puis dire très clairement que nous avons fait de grands progrès depuis 10 ans avec l’Agence mondiale antidopage. Nous avons doublé le nombre de tests en et hors compétition. Nous conservons les échantillons pour huit ans et les re-testons quand des nouvelles avancées scientifiques arrivent sur le marché. Nous avons adopté le profil sanguin et nous nous battons très fort dans la recherche d’un test pour le dopage génétique qui n’est pas encore d’actualité, mais qui viendra dans un horizon probablement de cinq à 10 ans.

Mais je suis réconforté par le fait de savoir que les experts nous disent que nous aurons un test en temps utile.

Un nouveau danger qui menace le sport ce sont les matchs truqués et les paris illégaux. Le développement de la bande passante flash permet aujourd’hui à quiconque de parier sur des organisations sportives à l’autre bout du monde. Et les paris sont très souvent hélas une tentative de blanchiment d’argent criminel par des réseaux mafieux.

Et ces réseaux mafieux tentent aussi de modifier le résultat des matchs de la compétition de façon à engranger des bénéfices extraordinaires. Et c’est un problème difficile, un problème difficile parce que nous avons besoin dans ce domaine-là aussi du soutien des autorités publiques, comme pour le dopage.

Seules les autorités publiques ont un pouvoir judiciaire. Seules elles ont la possibilité d’écouter et d’intercepter des conversations téléphoniques, de faire des perquisitions ou de fouiller une maison ou un local.

Et c’est pourquoi le Comité international olympique a pris l’initiative de réunir tout le monde du sport et tous les pays dans ce monde qui ont légiféré pour dégager une stratégie et une politique qui va nous aider à combattre ce nouveau fléau qui est véritablement très inquiétant.

Parlons de la violence. La violence malheureusement accompagne beaucoup de grandes compétitions sportives. Elle est très souvent le résultat d’une jeunesse qui a perdu tout espoir, qui n’a pas de profession, qui croit qu’elle n’a pas de futur. Et cette jeunesse retrouve un sens de communauté dans le [inaudible], elles y trouvent une plateforme, elles y trouvent un exutoire à la frustration et cela mène malheureusement à beaucoup trop de cas de violence pour lequel il n’y a qu’une seule possibilité. C’est une collaboration étroite entre les pouvoirs sportifs et les pouvoirs publics.

Outre tous ces défis, il y a un problème qui nous inquiète très fort. C’est l’inactivité de la jeunesse, de la surcharge pondérale, de l’obésité et c’est les maladies cardiovasculaires et le diabète qui en résultent.

Dans les pays développés aujourd’hui le taux de surcharge pondérale et d’obésité oscille entre 18 et 25 pour cent de la jeunesse de cinq à 17 ans. C’est inquiétant. C’est inquiétant et ça appelle à une stratégie commune de tous les acteurs de la société pour lutter contre [inaudible]. Il y a bien entendu le rôle essentiel des parents qui doivent savoir que leurs enfants doivent bouger, des parents qui doivent donner des conseils diététiques adéquats. C’est le rôle de l’école qui est le passage obligé de toute la jeunesse où il faudrait plus d’éducation physique, plus de mouvement, et plus de sports. C’est le rôle également aussi des pouvoirs publics qui doivent stimuler le sport pour tous. Mais c’est le rôle aussi des clubs de sports qui doivent comprendre que leur offre vis-à-vis la jeunesse doit changer car la jeunesse aujourd’hui reçoit des stimuli, est en face des stimuli audiovisuels extraordinaires avec les P.C., la télévision, ces téléphones mobiles qui leur offrent tout un horizon véritablement motivant et contre lequel le sport devra également lutter parce que le sport aujourd’hui qui était automatique après le travail ou l’étude dans ma génération n’est plus automatique aujourd’hui. Le sport doit gagner sa place dans la société et nous devons l’aider [inaudible].

[applaudissements]

Le CIO et plusieurs grandes organisations sportives ont décidé également d’assumer leurs responsabilités sociales. Et le CIO l’a fait en partenariat avec les Nations unies. Nous avons obtenu le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations unies comme le Vatican, par exemple, ce qui nous offre beaucoup de possibilités d’avoir des accords bilatéraux avec beaucoup d’agences des Nations unies. Et c’est pourquoi nous apportons les valeurs du sport aux camps aux réfugiés. C’est pourquoi nous apportons les valeurs du sport également dans des zones à conflit où nous essayons de réunir la jeunesse des deux côtés dans une façon harmonieuse et sportive.

Et nous travaillons également très fort avec les pays en voie de développement et avec les pouvoirs publics dans la construction d’infrastructure sportive. Et nous intervenons également aussi dans les catastrophes naturelles avec les autorités locales pour les aider à reconstruire l’infrastructure sportive. Nous l’avons fait après le tsunami en 2004. Nous l’avons fait après le tremblement de terre à Sichuan, nous l’avons fait à Fukushima, nous l’avons fait à Haïti, et de commun accord avec les gouvernements locaux, nous bâtissons ce qui a été détruit.

Un rôle important pour le sport également c’est l’éducation. Avec l’UNICEF et l’UNESCO, nous avons développé des modèles éducatifs que nous essayons d’appliquer dans le corps enseignant, que nous essayons d’appliquer dans les écoles, les universités et dans tout le secteur de l’éducation.

C’est ainsi qu’à l’occasion des Jeux olympiques à Pékin, nous avons avec nos amis chinois développé un programme d’incitation au sport et d’explication des valeurs olympiques et sportives à plus de 250 000 écoles regroupant 400 millions de jeunes de 9 à 15 ans. Ceci bien entendu n’est valable qu’en Chine, mais nous avons fait la même chose en Inde, avec 20 millions de jeunes qui ont bénéficié de ce programme. Et de plus en plus nous multiplions ces efforts avec les Nations unies, UNESCO, l’UNICEF et les gouvernements nationaux.

Et que dire, Mesdames et Messieurs, dans le cadre de l’éducation, les Jeux olympiques de la jeunesse, la nouvelle création du Comité international olympique, et ces Jeux olympiques de la jeunesse s’adressent aux jeunes de 15 à 18 ans dans toutes les disciplines olympiques, hiver comme été?

Mais ce n’est pas seulement une compétition sportive. Pour cela ils ont leurs propres championnats du monde juniors. C’est bien sûr une compétition de très haut niveau mais elle est accompagnée d’un programme culturel et éducatif très, très sophistiqué. Nous inculquons à ces jeunes l’hygiène de vie, la diététique, la prévention des maladies transmissibles, la prévention des blessures, la prévention du dopage. Nous insistons sur le fait qu’à la fin de leur carrière sportive, il y a un reclassement social et professionnel qui est nécessaire et qu’ils ne doivent pas oublier leur propre éducation, et nous faisons en sorte également qu’il y ait un brassage de toutes ces cultures des 200 pays qui participent à ces jeux, qui sont appelés à un très bel avenir.

Vous dire aussi que bien entendu, nous luttons pour l’environnement. Le CIO, les grandes fédérations sportives génèrent beaucoup de travaux publics et nous avons des exigences marquées au point de vue de l’environnement et du développement durable. Et dans le cadre du développement durable, laissez-moi vous féliciter pour la passion exemplaire dont vous avez mené ces dossiers difficiles à Vancouver. Il y a eu à Vancouver un développement durable et un héritage urbain, sportif, humain et social remarquable.

Et que dire de la main tendue aux Premières nations, the First nations qui ont donné cet aspect culturel extraordinaire aux jeux de Vancouver?

Mesdames et messieurs, puis-je exprimer toute la confiance du Comité international olympique envers l’organisation de ces Jeux?

Merci, Sebastian [inaudible], merci à votre équipe, merci pour l’excellent travail que vous avez fait selon le budget et selon les échéances.

Et j’aimerais aussi remercier…

[applaudissements]

…les autorités publiques de la Grande-Bretagne. Le gouvernement tout comme l’opposition, et un merveilleux esprit d’approche bipartite envers les Jeux, les deux partis nous ont appuyés. Il s’agit là d’un rare exemple et qui mérite véritablement de se poursuivre.

Mesdames et messieurs, j’ai parlé de [inaudible] du sport, j’ai parlé de [inaudible] du sport. Je pourrais donc vous porter à croire que j’ai une vue sombre du sport et que je suis pessimiste. Eh bien non. Je suis toujours très optimiste pour l’avenir du sport. Le sport restera populaire et continuera de représenter un bien social parce que le sport, ce n’est pas que de la compétition. Le sport, c’est aussi l’éducation des jeunes et l’intégration sociale. Le sport, c’est la santé. Le sport renforce le corps et l’esprit. Il façonne le caractère, la personnalité et l’identité. Il intègre les minorités dans la société plus générale. Il enseigne le respect de l’arbitre et, espérons le plus tard, le respect des règles de la société.

Il enseigne à réaliser beaucoup plus avec une équipe et seul. Et il s’agit d’une des rares activités sociales qui peuvent aujourd’hui offrir joie et rêve à la jeunesse.

Mesdames et messieurs, si nous pouvons préserver les valeurs, si nous restons [inaudible] et concentrés sur les valeurs, le sport continuera donc de faire grand succès.

Et maintenant, pour terminer, laissez-moi vous montrer le sport à son meilleur grâce à une courte vidéo des Jeux de Vancouver. Vidéo s’il vous plaît?

[applaudissements]

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