Trinity Ellis glisse devant les anneaux olympiques sur la piste de luge.

Comment apprend-on à descendre une piste de glisse olympique ?

Les sports de glisse que sont la luge (allongé sur le dos, les pieds devant), le skeleton (allongé sur le ventre, la tête en avant) et le bobsleigh (assis, bien calé dans la luge) comptent parmi les disciplines les plus rapides et les plus palpitantes du programme des Jeux olympiques d’hiver. La luge est généralement considérée comme la plus rapide des trois, les athlètes pouvant atteindre des vitesses de plus de 150 km/h en dévalant la piste.

Aux Jeux olympiques d’hiver de Milano Cortina 2026, un nouvel élément viendra s’ajouter à la vitesse pour rendre les épreuves de glisse encore plus excitantes : une toute nouvelle piste.

Les compétitions de glisse des Jeux de Milano Cortina 2026 se dérouleront au Centre de glisse « Eugenio Monti » à Cortina d’Ampezzo, nommé en l’honneur du sextuple médaillé olympique italien en bobsleigh. La piste, initialement construite dans les années 1920, a été utilisée jusqu’en 2008. Pour Milano Cortina 2026, elle a été entièrement rénovée et devrait devenir une étape régulière des calendriers de compétitions de l’IBSF (Fédération internationale de bobsleigh et de skeleton) et de la FIL (Fédération internationale de luge).

Longue de 1749 mètres et comportant 16 virages, la piste a été reconstruite en un temps record : les travaux ont débuté en février 2024 et les premières descentes d’essai ont eu lieu en mars 2025. Le comité d’organisation de Milano Cortina 2026 avait subi des pressions pour tenir les épreuves de glisse sur une piste déjà existante, même si cela signifiait que la compétition se déroulerait à l’extérieur de l’Italie. À un certain moment, Lake Placid, dans l’État de New York, était envisagée comme solution de rechange, mais la nouvelle piste de Cortina a finalement été livrée dans les délais.

Les avantages et les inconvénients d’une nouvelle piste

Est-ce qu’avoir une nouvelle piste est une bonne ou une mauvaise chose? Eh bien, tout dépend à qui on pose la question. Pour les athlètes d’Équipe Canada, la réponse est claire : une nouvelle piste joue largement en leur faveur.

« Personne n’a vraiment l’avantage du terrain », explique la lugeuse Embyr-Lee Susko. « Personne n’a passé les 20 dernières années à maîtriser cette piste, donc je pense que ça peut bien se passer pour nous si les étoiles s’alignent. »

Sa coéquipière Caitlin Nash est du même avis. Elle souligne que le Canada, en tant qu’équipe de luge relativement jeune, a souvent bien performé lorsque l’expérience d’une piste n’entre pas en jeu. Il semble que si les Jeux olympiques n’ont pas lieu au Centre de glisse de Whistler, une nouvelle piste représente la meilleure option suivante pour les Canadiens.

« Je me sens mal pour les Italiens. C’est leur piste à domicile, mais ils n’ont pas vraiment l’avantage de la connaître », a déclaré Nash.

« L’ancienne piste de Cortina était plutôt coriace, difficile et très technique. Celle-ci en reprend certains éléments, mais beaucoup moins », explique le pilote de bobsleigh Pat Norton. « C’est une piste de départ puissant, ce qui représente une belle opportunité pour notre équipe. Une piste qui demande une bonne poussée et un peu de finesse sans être trop complexe, c’est la recette parfaite pour de belles courses. »

Et ce ne sont pas seulement les athlètes débutants aux Jeux qui se réjouissent du défi. La double olympienne en skeleton Jane Channell affirme que cette nouvelle piste rendra les Jeux de Milano Cortina 2026 encore plus spéciaux.

« Je pratique ce sport depuis longtemps, alors c’est toujours un moment très spécial de découvrir une nouvelle piste », explique Channell. « Ça n’arrive pas souvent ! »

Comment apprend-on à maîtriser une nouvelle piste de glisse ?

On ne s’installe pas simplement dans sa luge ou son bobsleigh pour se lancer à toute vitesse. Avant même de poser un pied sur la glace, les athlètes suivent un long processus d’apprentissage pour comprendre et apprivoiser chaque virage du tracé.

Avant leur arrivée, ils reçoivent des informations détaillées sur la configuration de la piste, notamment les « lignes » recommandées, c’est-à-dire les trajectoires les plus rapides et les plus stables à adopter dans chaque courbe et chaque portion droite.

« La première étape, c’est juste de mémoriser le sens des virages », explique Cole Zajanski, athlète de luge en double.

« C’est parfois un peu stressant, parce qu’on peut seulement s’entraîner mentalement avant de vraiment descendre la piste », ajoute son coéquipier Devin Wardrope.

An aerial view of the Eugenio Monti Sliding Centre
Une vue aérienne du Centre de glisse Eugenio Monti. Crédit : IBSF

Et contrairement à l’image qu’on se fait souvent à cause du film Rasta Rockett (Cool Runnings), les pilotes de bobsleigh ne s’entraînent pas vraiment dans une baignoire.

« On ne s’assoit pas dans des bains pour visualiser la piste », lance Pat Norton, en riant.

Une fois les virages bien intégrés, vient le moment des premières descentes d’entraînement, souvent à partir d’un point de départ plus bas que celui utilisé en compétition. Qu’il s’agisse d’une piste nouvelle ou non, tous les athlètes disposent d’un temps d’entraînement pour se familiariser avec le tracé.

« Dès qu’on commence à descendre avec confiance, il s’agit ensuite d’ajuster les manœuvres et de laisser la luge glisser le plus librement possible, sans trop forcer le pilotage », explique Norton. « Il faut la laisser travailler, prendre de la vitesse et, au fond, apprendre à gagner presque d’elle-même. »

Fait intéressant : les séances d’entraînement avant compétition sont souvent très collaboratives, même entre athlètes de différentes nations.

« Personne essaie vraiment de cacher de l’info aux autres », raconte Zajanski. « On est un petit milieu, on se connaît tous.»

Si tu vis une mauvaise descente, tu peux aller voir les champions olympiques et leur demander : “Comment tu prends cette ligne-là ?” Ils te donneront peut-être pas la recette secrète, mais ils vont t’aider à passer le virage sans danger. Personne veut voir quelqu’un se blesser ou se planter. On veut se battre à armes égales. »

Une fois que les athlètes ont pris leurs repères, ils peuvent ajuster leur propre style de glisse, puisque les lignes recommandées au départ ne conviennent pas toujours à tous les pilotes.

« Quand on a commencé à s’entraîner sur la piste de Beijing, on a trouvé des lignes plus rapides que celles qu’on nous avait données au départ, et c’est vraiment ce qui nous a permis d’être performants en course », raconte Wardrope.

Homolo… quoi?

Avant qu’une compétition, ou même un simple entraînement, puisse avoir lieu sur une piste, celle-ci doit d’abord être homologuée. En gros, ça veut dire que la piste reçoit l’approbation officielle des fédérations internationales du sport concerné, après avoir été jugée sécuritaire.

Dans le cas d’une toute nouvelle piste, il faut d’abord passer par une pré-homologation. Et oui, ça veut dire que quelqu’un doit descendre le premier! Les fameuses trajectoires dont Devin Wardrope parlait plus tôt, il faut bien que quelqu’un les découvre avant qu’elles soient transmises aux autres athlètes.

En mars 2025, Trinity Ellis, membre d’Équipe Canada, a fait partie des 60 athlètes provenant de 12 pays sélectionnés pour participer à la pré-homologation de la nouvelle piste olympique. Elle faisait partie d’un petit groupe de 18 lugeuses et lugeurs, qui ont complété 180 descentes sans incident de sécurité.

« C’était probablement une des expériences les plus incroyables de ma carrière, raconte Ellis, 23 ans. Être parmi un groupe aussi restreint d’athlètes venus du monde entier pour faire les toutes premières descentes sur une piste olympique, c’était vraiment spécial. »

Concrètement, les athlètes de la pré-homologation ne reçoivent aucune ligne de référence : ils doivent marcher la piste, observer, et deviner où se situeront les points de pression et les forces G dans chaque virage.
(D’ailleurs, quand on parle avec les athlètes de glisse canadiens, on entend souvent un vocabulaire qu’on s’attendrait à retrouver dans un cours de physique : rayons, oscillations, paraboles…)

Ces athlètes pionniers ont aussi eu la chance de discuter avec les ingénieurs et les responsables de la construction de la piste, pour mieux comprendre comment elle a été conçue et façonnée.

Depuis, toute Équipe Canada s’appuie sur les vidéos et les analyses de Trinity Ellis pour se préparer à la saison à venir. Mais bientôt, ils pourront enfin tester la piste du Centre de glisse Eugenio Monti eux-mêmes : la période d’entraînement internationale (ITP) pour la luge aura lieu à la fin octobre, suivie de celle du skeleton et du bobsleigh au début novembre.

Cortina d’Ampezzo accueillera ensuite la première Coupe du monde de la saison en bobsleigh et skeleton, du 21 au 23 novembre, immédiatement suivie de l’événement test olympique de luge. Ce sera la première occasion pour Équipe Canada de vérifier si, cette fois encore, la piste jouera vraiment en leur faveur.