Les sports de neige sont confrontés à de grands défis posés par les changements climatiques, mais des démarches concrètes sont entreprises pour assurer leur durabilité
Philippe Marquis est un double Olympien en ski de bosses qui, depuis sa retraite en 2019, s’est consacré au développement de la prochaine génération de skieurs canadiens de bosses. Aujourd’hui entraîneur au sein de Freestyle Canada, Marquis est également président de la Commission des athlètes du COC.
Peu importe le rôle qu’il occupe, une chose demeure : son engagement à promouvoir la durabilité et à défendre l’action climatique.
En pratiquant un sport de neige, Marquis a constaté de première main les impacts des changements climatiques sur le ski acrobatique. Il a partagé avec Olympic.ca certaines de ses inquiétudes, mais aussi des initiatives positives qui le rendent fier et optimiste pour l’avenir, ainsi que des façons dont chacun peut contribuer à protéger la planète.
Quels changements as-tu observés dans ton sport, le ski acrobatique, en raison des changements climatiques ?
PM : Au cours de la dernière décennie, de nombreux facteurs liés au climat ont eu un impact sur mon sport. Pour commencer, je dirais le décalage des mois d’hiver et le manque de neige constante au début comme à la fin de la saison. Les compétitions d’avant Noël allaient presque de soi, mais on en voit de plus en plus être annulées, au point où seuls quelques endroits dans le monde réussissent encore à accueillir des épreuves de façon régulière. C’est la même chose pour les compétitions de fin mars et d’avril. Les organisateurs comptent de plus en plus sur la neige artificielle, ce qui donne des conditions plus difficiles avec de la glace et des couches de neige très minces.
Au final, la fiabilité de nos sites n’est plus ce qu’elle était. En 2024-2025, je dirais qu’environ la moitié des événements auxquels j’ai participé avec nos athlètes ont été affectés par des conditions météo (brouillard, vents violents, neige, pluie, froid extrême, etc.) qui ont perturbé le déroulement normal du programme.
Et si l’on se tourne vers notre hors-saison, la situation est encore pire. Les glaciers fondent partout dans le monde. Les régions qui avaient autrefois de la neige et qui pouvaient accueillir des entraînements pendant nos mois d’été traditionnels ont presque disparu. Il ne reste que quelques rares endroits encore en activité et, de toute évidence, la loi de l’offre et de la demande a rendu les déplacements et les entraînements dans ces lieux extrêmement coûteux pour les équipes. Nous devons sans cesse prévoir des plans d’adaptation et trouver des moyens d’atténuer ces nouveaux défis.

Quelles sont les mesures prises par la communauté sportive pour protéger les occasions de pratiquer le sport ? Quels sont les principaux défis ?
PM: Le plus grand défi est de maintenir l’accès à la neige tout au long de l’année, en toutes saisons. La communauté sportive a commencé à conserver de la neige à la fin de l’hiver : certaines stations gardent d’énormes quantités de neige sous de grandes bâches afin de préserver ce qu’elles peuvent et d’assurer un démarrage plus rapide l’année suivante. Du côté des bonnes pratiques, beaucoup ont enfin ouvert les yeux sur leur empreinte carbone et entament des discussions sur leur impact ainsi que sur les différentes façons d’adopter des gestes plus durables dans leurs opérations quotidiennes.
Ce n’est certainement pas facile de changer des habitudes de longue date et de consacrer de l’énergie à de nouvelles mentalités, que ce soit en matière de chaîne d’approvisionnement, de partenariats, de livraison de produits ou de services, et surtout de construction d’un plan de durabilité. Même si nous sommes encore à plusieurs années de rendre la durabilité « normale » et pleinement intégrée dans les stratégies, la planification et les opérations des organisations, je suis heureux de voir que nous avons largement dépassé la phase du « déni » et que les gens s’intéressent désormais aux rapports de durabilité et à l’élaboration de plans d’action climatique. J’ai l’impression que nous sommes maintenant rendus à l’étape du déblocage des ressources, tant humaines que financières, pour mettre en œuvre des actions concrètes.
Peux-tu nous parler un peu du travail de durabilité que tu as accompli en tant que président de la Commission des athlètes du COC ? De quoi es-tu le plus fier ?
PM : En tant que membres de la Commission des athlètes du COC, il était important de mettre ce sujet de l’avant, surtout après que le COC se soit engagé envers le pilier « Planète » dans le cadre du Programme impact d’Équipe Canada. Quelques-uns d’entre nous au sein de la commission étaient déjà des défenseurs passionnés du climat dans nos propres disciplines, et nous avons senti qu’il fallait être plus vocaux sur ce sujet pour les générations futures d’athlètes.
Nous nous sommes regroupés en sous-comité pour nous rencontrer de façon semi-régulière avec le personnel du COC afin d’assurer un alignement avec le cadre du sport au service de l’action climatique des Nations Unies. Nous voulions également que le COC participe à divers événements de sensibilisation et initiatives communautaires tout au long de l’année, comme le Jour de la Terre en avril, la Journée olympique en juin et la Journée des sports verts en octobre. La participation à ces événements permet de sensibiliser sur la durabilité dans le sport, de créer des occasions d’éducation, de mettre en lumière des athlètes « verts » et leurs actions, et de montrer que le COC est un leader sportif qui se soucie de la nature et de nos environnements sportifs.
De plus, nous avons soutenu le comité de sélection des subventions OLY Canada Legacy dans l’attribution de fonds du pilier « Planète » à des athlètes ayant des projets écologiques dans leur communauté. Dans l’ensemble, quand je vois que 85 % des athlètes sont d’accord ou tout à fait d’accord pour que le COC priorise la durabilité à travers l’action, le plaidoyer et les événements/initiatives, je suis heureux de constater que notre voix est entendue, que la conversation a lieu et que le COC a approuvé un véritable plan d’action concret.
Quelles sortes de conversations as-tu avec d’autres athlètes, ainsi qu’avec les administrateurs sportifs aux niveaux provincial ou national, à propos de la durabilité ?
PM : Avec les autres athlètes, nous parlons généralement des différentes actions et pratiques individuelles que nous pouvons mettre en place. J’ai toujours été motivé par le fait d’utiliser ma plateforme et ma voix d’athlète pour influencer tous ceux qui pourraient être intéressés autour de moi. Je parle donc toujours du pouvoir unificateur et inspirant des athlètes lorsqu’il s’agit de se préoccuper d’un sujet sérieux comme le changement climatique. Les athlètes qui dépendent de la nature et de l’extérieur sont extrêmement préoccupés par l’avenir de leur sport et par les changements à long terme qui ne sont plus si lointains. Entre nous, c’est une discussion VRAIE. Réelle et effrayante. Mais je pense que nous, en tant qu’athlètes, comprenons que notre force réside dans le plaidoyer et la pression exercée sur ceux qui prennent les décisions et qui sont aux postes de leadership dans l’élaboration des politiques et les conseils d’administration. Quand nos voix s’unissent et prennent de l’ampleur, nous savons à quel point nous pouvons être puissants.
Avec les administrateurs sportifs, la conversation porte sur la sensibilisation, l’urgence et la planification d’actions. Bien sûr, tout le monde n’a pas les ressources ni le temps pour approfondir réellement la durabilité, mais certains commencent à développer et à mettre en œuvre des plans d’action concrets qui influencent non seulement leurs opérations quotidiennes, mais aussi la façon dont ils organisent les événements et offrent leur sport à la communauté. Il y a une certaine magie lorsqu’UNE organisation montre ce qui est possible en matière de durabilité, car cela peut ouvrir la voie à d’autres. Comme j’ai pu le constater en discutant avec la FIS (Fédération internationale de ski et de snowboard) et à travers des apprentissages plus approfondis, il ne s’agit pas d’être parfait ni de tout faire pour tout le monde, mais de trouver des domaines d’action au sein de ton organisation où tu peux agir positivement et réduire ton impact global (énergie, logistique, transport, hébergement, alimentation, gestion des déchets, biodiversité et conservation de la nature, communication et engagement communautaire).
Comment ton engagement pour le climat influence-t-il ta façon d’entraîner les athlètes ?
PM : En tant que jeune entraîneur, les athlètes avec qui je travaille connaissent bien mes différentes implications dans le sport et la durabilité. Ils savent que je suis loin d’être parfait moi-même, mais je mets de l’effort dans mon parcours de plaidoyer climatique et j’utilise ma voix pour encourager des changements positifs autour de moi, parce que je me soucie des lieux où nous pratiquons notre sport.
À travers ton parcours d’athlète, je pense qu’on peut établir beaucoup de liens avec la protection de son environnement sportif. D’une part, comme entraîneur, j’essaie d’enseigner des compétences techniques et de montrer comment ces compétences peuvent se traduire par des changements et des améliorations réels. Avec du temps et de l’effort, cet entraînement peut, je l’espère, se transformer en optimisation du potentiel et en comportements efficaces, tant sur le terrain qu’en dehors. La résilience et la détermination sont essentielles pour surmonter les défis, et l’auto-motivation pousse à aller au-delà de toute adversité. Pour moi, il y a toujours eu un sentiment de responsabilité à soutenir la prochaine génération d’athlètes et à leur offrir des opportunités similaires ou meilleures que celles que j’ai eues. À travers mon engagement pour le climat, j’ai développé une attitude similaire à celle que j’avais en tant qu’athlète, que je m’efforce maintenant de transmettre aux athlètes avec qui je travaille !
Si les athlètes ou les fans de l’Équipe Canada souhaitent s’impliquer davantage dans des initiatives environnementales, quel serait ton conseil ?
PM : Mon principal conseil serait de s’impliquer dans quelque chose qui vous tient vraiment à cœur et de commencer petit, étape par étape. Je pense aussi qu’il est important de faire quelque chose de proche de vous, de votre sport et de votre communauté. Il existe tellement d’initiatives environnementales qu’il est facile de se perdre. Concentrez-vous sur ce qui est près de vous, renseignez-vous, parlez-en, agissez. Ne sous-estimez jamais l’importance des petites initiatives. Il est très facile de se décourager, mais toute action positive vaut mieux que rien.
Enfin, je recommande aussi de contacter votre réseau pour lancer une conversation avec quelqu’un dont vous avez entendu parler d’actions durables ou écoresponsables. Je crois que la plupart des gens peuvent vous orienter vers au moins une personne. Sinon, j’encourage tout le monde à nous contacter à la Commission des athlètes du COC, et nous serons heureux d’avoir cette première conversation avec vous !