Tammara Thibeault lève le poing dans les airs.Leah Hennel/COC
Leah Hennel/COC

La route de l’impossible : La boxeuse Tammara Thibeault sur les multiples façons d’être  courageuse dans le cadre de son parcours vers Paris 2024

Tammara Thibeault avait 12 ans quand on a annoncé que la boxe féminine allait être intégrée au programme olympique. Si bien qu’à l’instar de bien des enfants de cet âge-là, Thibeault s’est dit que son plan de carrière était maintenant tout décidé : elle allait devenir une championne olympique à la boxe.

« J’avais juste un sentiment du genre, ‘Je suis capable de le faire. C’est ce que je veux faire’, affirme en riant Thibeault, aujourd’hui âgée de 26 ans. Évidemment, à l’époque, je n’avais aucune idée de ce que ça impliquait, mais c’est là que tout a commencé. »

À ce stade, Thibeault boxait depuis quelques années déjà. Son père, Patrick Thibeault, était un recevoir éloigné pour les Roughriders de la Saskatchewan dans la Ligue canadienne de football et il faisait de la boxe pendant la saison morte pour garder la forme.

Enfants biraciaux nés d’une mère canadienne d’origine haïtienne et d’un père canadien-français et qui fréquentaient l’école à Regina, Thibeault ainsi que ses deux frères et sa sœur avaient une apparence qui les distinguait de leurs pairs, si bien qu’on leur a fait se sentir comme des étrangers. Leur père s’est dit que la boxe pourrait aider.

Photo de Darren Calabrese/COC

«Au début, c’était tout simplement quelque chose à faire avec mon père, souligne Thibeault. Mon frère aîné se faisait intimider à l’école, alors mon père a dit, ‘OK, on va lui enseigner un peu de boxe’. Je les ai suivis et j’ai vraiment aimé ça. Je suis tout de suite tombé en amour avec ce sport. »

La famille de Thibeault a quitté la Saskatchewan pour retourner s’installer au Québec, où elle était née, quand elle avait 15 ans. Le déménagement lui a notamment permis d’obtenir de meilleures possibilités d’entraînement et de compétition, et elle a fini par se retrouver au sein de l’équipe nationale. C’était le début de son parcours vers les Jeux olympiques.

Atteindre de nouveaux sommets

La boxe féminine a fait ses débuts olympiques à Londres 2012 et, neuf ans plus tard, Thibeault a participé à ses premiers Jeux olympiques, ceux de Tokyo 2020, où elle a atteint les quarts de finale dans l’épreuve féminine des 75 kg. En 2022, elle a été couronnée championne du monde dans sa catégorie de poids aux Championnats du monde de boxe féminine de l’International Boxing Association et elle a décroché la médaille d’or aux Jeux du Commonwealth. 

Aux Jeux panaméricains de Santiago 2023, à l’automne, Thibeault a accédé à la première marche du podium dans la catégorie de poids de 75 kg chez les femmes à la suite d’une finale serrée contre Atheyna Bylon du Panama, qu’elle avait aussi défait pour obtenir le titre mondial l’année précédente. Le résultat obtenu par Thibeault aux Jeux panaméricains lui a permis d’obtenir son billet pour Paris 2024, où elle en sera à ses deuxièmes Jeux olympiques.

On peut donc présumer que la pré-adolescente qu’elle était serait plutôt emballée de voir ça.

Tammara Thibeault lève les bras dans les airs.
Photo by Leah Hennel/COC

« Elle serait très contente, lance Thibeault. Cependant, je n’ai pas tout à fait encore accompli ce que je veux accomplir aux Jeux olympiques. Comme bien des choses dans la vie, les choses ne se sont pas toujours passées comme je l’avais planifié ou comme je m’y attendais. Avec la pandémie, le niveau de préparation menant aux Jeux olympiques à Tokyo a été inférieur à ce qu’il fallait, surtout que la boxe est un sport où les contacts sont proches, donc cela a vraiment affecté l’entraînement. Ce qui fait que les choses ne se sont pas déroulées comme je l’aurais voulu, mais c’est correct parce que j’ai maintenant une autre occasion devant moi! »

Le rêve de remporter une médaille d’or olympique n’est jamais très loin dans les pensées de Thibeault. Le fait qu’elle se soit qualifiée pour Paris signifie qu’elle ressent moins de stress et peut mieux se concentrer et donc s’atteler à la tâche en vue des Jeux.

« En boxe amateure, j’ai accompli pas mal tout ce qu’il y avait à accomplir. Il me reste juste une case à cocher », dit-elle.

Les routes parsemées d’embûches vers Tokyo et Santiago

Tout comme à l’approche de Tokyo, le parcours menant vers Santiago n’a pas toujours été des plus paisibles.

Thibeault reconnaît qu’elle connaissait une période difficile dans sa vie personnelle et elle savait que pour bien performer, elle devrait faire preuve d’une dose supplémentaire de résilience. La franchise dont elle fait preuve sur le sujet sert d’important rappel comme quoi on ne peut jamais chercher à dissocier « l’athlète » de la personne.

Toutefois, ce ne sont pas seulement des questions personnelles qui ont affecté Thibeault. Certains éléments du tournoi ont aussi mis son équilibre à l’épreuve.

Tammara Thibeault crie dans le ring.
Photo Leah Hennel/COC

« Ça ne s’est pas passé comme prévu. Par exemple, j’ai été la première à boxer, ce qui n’arrive pas habituellement parce que je suis la plus grande, explique Thibeault. Certains combats ne se sont pas déroulés comme je l’aurais voulu.

« Je suis très technique. J’aime garder les choses très propres. Mon dernier combat a été super brouillon, très désorganisé. C’était une adversaire compliquée parce que nos styles étaient tout en contraste. Elle avait un style un peu brouillon, un peu salaud, il y avait beaucoup d’accrochage et c’était très frustrant. J’ai dû m’efforcer de garder ma concentration et d’être compatissante envers moi-même, sachant que les choses n’allaient pas comme je le prévoyais. 

« Ce ne sont pas toutes les performances qui vont être ta meilleure performance et il a fallu que je me répète à moi-même que c’était correct comme ça. »

Une partie de ce processus consiste à lâcher prise après avoir vécu ce genre de choses. Thibeault ne s’attarde pas trop à ses séries de victoires. Bien qu’elle soit très heureuse de sa médaille d’or des Jeux panaméricains, pour elle, tous les chemins continuent de mener à Paris.

Tammara Thibeault sourit
Photo: International Boxing Association

« Je suis très contente de tous les succès que j’ai connus, mais je considère que tout ça mène à quelque chose. Ça mène au dernier morceau, le titre de championne olympique, affirme Thibeault. C’est vers ça que je vais, et je sais que je dois me consacrer à la nécessité de m’améliorer chaque jour. La médaille d’or à Santiago, c’est formidable et j’en suis très contente, mais pour moi, la question reste ‘Qu’est-ce que j’ai gagné à la suite de cette expérience? Qu’est-ce que j’ai appris que je fais de bien et qu’est-ce que je peux améliorer en travaillant là-dessus en gymnase?’ »

Dans le même ordre d’idée, la grande fête pour Thibeault après les Jeux panaméricains consistait à simplement rester à la maison et à prendre de grandes respirations après avoir passé plus de 20 semaines dans l’année à voyager.

« Pour moi, célébrer, c’est de boire mon café à ma propre table de cuisine, de promener le chien, de dormir dans mon propre lit, lance Thibeault en riant. J’ai tout simplement profité de ce temps pour être avec ma famille et mes amis proches. »

Trouver des personnes pour aider à faire preuve de courage

La famille est ce qui permet à Thibeault de garder les pieds sur terre. Son père lui a peut-être fait connaître la boxe, mais sa mère joue aussi un rôle important pour la soutenir: « Il est 10 heures du matin et je lui ai déjà parlé deux fois aujourd’hui! »

Thibeault estime qu’avoir des gens qui te soutiennent en tant que personne dans sa globalité est essentiel à la réussite sportive. Ce qui devient particulièrement clair quand on lui demande quelles valeurs elle veut incarner à titre de modèle pour les jeunes boxeuses.

« Si je pouvais choisir n’importe quoi, je leur dirais d’être courageuses et de définir ce que le courage signifie pour elles, parce que ça peut vouloir dire toutes sortes de choses. Pour moi, être courageuse, c’est de continuer malgré la peur, pas l’absence de peur. Parfois, être courageuse, ça veut dire être vulnérable, déclare Thibeault. Personnellement, je ne veux pas faire croire que la boxe est un sport où tout le monde est dur tout le temps. J’apprécie l’authenticité et j’espère que je peux incarner ça comme athlète et comme personne. »

Au moment où les Jeux de Paris 2024 approchent à grands pas, c’est le temps de passer à l’action pour Tammara, l’athlète olympique d’expérience, mais le Canada aura aussi une pensée pour Tammara, la fillette de 12 ans qui avait un rêve, ainsi que pour tout ce qui lui est arrivé depuis.

Photo by Candice Ward/COC

Questions en rafale avec Tammara Thibeault

Qu’est-ce que tu aimerais que les gens sachent à propos de la boxe?

T.T. : « J’aimerais que les gens sachent à quel point la boxe est un sport technique et tactique. Bien des gens pensent que nous faisons juste foncer et échanger des coups. Il faut y consacrer aussi beaucoup de réflexion, beaucoup d’analyse, beaucoup de prises de décisions. C’est aussi une question de mémoire musculaire, en ce sens que nous planifions en fonction de différents scénarios, mais ensuite les choses arrivent spontanément. Je pense que c’est ce qui fait de la boxe un aussi beau sport, c’est un art. »

Si tu n’étais pas une boxeuse, quel sport pratiquerais-tu?

T. T. : « Je pratiquerais l’athlétisme. Absolument. Je disputerais le 400 m. J’aurais besoin de pas mal d’entraînement vu que j’arriverais de la boxe! J’ai déjà les cheveux et les ongles qu’il faut pour ça. Les sprinteuses sont tellement cools. »

Qu’est-ce qui te permet de te sentir fin prête pour une compétition?

T. T. : « Aucun doute, les combats d’entraînement. Surtout avec de nouvelles partenaires. »

Thibeault et plusieurs autres athlètes font partie d’Équipe Toyota — un groupe d’athlètes canadiens qui cheminent vers les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Comme Toyota, ces athlètes croient en la puissance du mouvement humain pour venir à bout des obstacles et ils racontent leurs histoires pour aider à inspirer la génération future d’athlètes olympiques et paralympiques et de Canadiens.