Deux Canadiens, une seule option : la victoire
Les couleurs pourpre et blanche sont spécialement familières aux yeux du décathlonien Damian Warner. Les couleurs distinctes de la Western University sont indéniablement associées à un nuage hypotoxique d’entraînements à fond de train sur la piste Don Wright. Et à quatre mille kilomètres à l’ouest de là, le vert et le jaune représentent la fierté collégienne pour l’heptathlonienne Brianne Theisen-Eaton qui passe la majeure partie de son temps au légendaire Hayward Field.
Avec entre elles un continent entier pour les séparer, les couleurs ne pourraient être plus distinctes. Pourtant, jumelées, elles ont ceci en commun : elles décorent des endroits où le véritable premier objectif consiste à gagner.
Pour Brianne Theisen-Eaton et Damian Warner, c’est à l’automne 2014 que la marche vers la gloire olympique commence véritablement. Cet été, les deux athlètes ont tous les deux remporté une médaille d’or aux Jeux du Commonwealth puis ont fait une pause prolongée. Et aujourd’hui, à 667 jours avant la cérémonie d’ouverture de Rio 2016 le moment est venu de reprendre le travail.
« À partir de maintenant, je crois bien pouvoir dire sans crainte que je souhaite tout gagner », dit Brianne Theisen-Eaton avant de partir à rire depuis son domicile à Eugene, en Oregon. Mais son rire n’est pas nerveux. L’athlète de 25 ans n’a pas peur de déclarer ses attentes. « À Rio, c’est la médaille d’or que je veux », explique-t-elle. Et il s’agit là d’une possibilité, comme en témoigne la médaille d’argent qu’elle a remportée aux Championnats du monde de 2013.
Brianne Theisen-Eaton a participé à son premier heptathlon à l’été qui s’est écoulé entre sa 9e et sa 10e année, encouragée par son entraîneur du Saskatoon Track Club. Et elle a pleuré quand elle a eu fini. Pourtant son pointage était élevé et suffisant pour la motiver à s’essayer de nouveau.
Après une carrière décorée dans la NCAA et des saisons pendant lesquelles elle a pris part à autant que cinq heptathlons, l’épuisement qui se cachait derrière les larmes qu’elle avait versées au secondaire était toujours présent. Il faut au moins trois semaines pour reprendre du poil de la bête après avoir concouru à sept épreuves en deux jours. La compétition se termine par une course de fond. « Au départ du 800 m, on se dit toujours la même chose : “Pourquoi est-ce que je fais ça, ce n’est pas amusant, je veux prendre ma retraite, c’est trop de stress, je suis folle” », raconte Brianne. Et à la façon à la fois drôle et quelque peu maniaque des athlètes, elle poursuit en disant que « dès qu’on franchit le fil d’arrivée, la réponse arrive : “C’était fantastique, j’ai hâte de recommencer” ».
Sauf après Londres 2012, quand elle a songé à ne plus jamais recommencer. Le contraste entre la domination collégiale et l’anonymat olympique a pesé sur les épaules de la Canadienne qui s’est classée au 11 rang. Elle paraphrase de nouveau ses pensées : « L’année olympique, je suis arrivée à Londres et personne ne savait qui j’étais et je me suis demandé, “Mais pourquoi me suis-je rendue jusqu’ici?”.
Si l’on ne remporte pas de médaille, à quoi cela sert-il? – Brianne Theisen-Eaton après Londres 2012.
Elle est repartie de Londres incroyablement ébranlée. Le retour à son duo d’entraînement, à l’automne 2012 avec son fiancé de l’époque, le champion olympique américain Ashton Eaton (qui étrangement sera le principal rival de Damian Warner à Rio), a provoqué un changement mémorable. Pour Ashton Eaton, la fatigue d’une année olympique couronnée se faisait ressentir. Brianne a pour sa part immédiatement annoncé sa nervosité à son entraîneur d’expérience Harry Marra. « J’étais emballée, je voulais gagner des médailles et je voulais faire partie de la course, sinon je n’aurais aucun plaisir, et il ne me restait qu’à abandonner », se rappelle-t-elle.
Aux Championnats du monde à Moscou, un an après Londres, Brianne Theisen-Eaton a remporté la médaille d’argent à l’heptathlon. Elle qualifie sa performance de percée.
Damian Warner a gagné une médaille de bronze à Moscou, une amélioration un peu plus conservatrice après sa cinquième place à Londres 2012.
Joueur de basketball au secondaire, Damian Warner ne s’est initié au décathlon qu’en 2010. « Pour mon premier décathlon, nous avions élaboré tout un plan, puis on a eu droit à une pluie battante, au vent et au froid. Rien n’allait comme prévu », se souvient-il. Mais il a persévéré et on mentionne désormais son nom dans le même souffle que celui d’Ashton Eaton comme un des meilleurs hommes au monde à prendre part à des compétitions multi-épreuves. Damian Warner a fait sa marque au sein de l’élite décathlonienne en passant d’une 18e place aux Championnats du monde de 2011 à sa victoire, cet été, à Glasgow.
Tout comme Brianne Theisen-Eaton, sa seule expérience olympique, qui s’est soldée à côté du podium, était suffisante pour lui donner la piqûre. « Ou on est là pour la simple raison d’être là; je l’ai fait et une fois suffit. Ou alors on se présente à la compétition pour gagner et voilà l’objectif », explique-t-il. Pour refermer l’écart entre sa meilleure performance de 8 512 points et le record mondial de 9 039 points d’Ashton Eaton, Damian Warner croit que ses meilleures chances d’y parvenir se trouvent au saut en longueur, au saut à la perche et à la course de 400 mètres.
Vickie Croley, entraîneure de longue date à la Western University, supervise les sauts du décathlonien et croit qu’il est capable de gagner. Elle le félicite aussi pour sa confiance en soi. « Il faut que nos athlètes canadiens fassent preuve de ce genre de confiance », a-t-elle commenté pendant une conversation le mois dernier.
Il ne se rendra pas à Rio pour terminer derrière Ashton Eaton, mais bien pour remporter la médaille d’or – l’entraîneure Vickie Croley au sujet de Damian Warner
Brianne Theisen-Eaton et Damian Warner se préparent pour Rio, séparés par un continent entier, et prendront part à la prochaine étape importante que sont les Championnats du monde de 2015. Quant à lui, Damian Warner espère aussi participer au décathlon des Jeux panaméricains de 2015 à Toronto.
Il peut s’agir d’un vieil adage du sport qui veuille que l’on s’entraîne toujours pour remporter l’or. Pourtant, la confiance toute fraîche et intense de deux des meilleurs athlètes du Canada se veut de plus en plus populaire parmi les athlètes et heureusement aussi sur la scène estivale où elle est grandement nécessaire.