Graeme Williams
Graeme Williams

« Ça m’a vraiment motivée » : La fondeuse Sonjaa Schmidt est une étoile montante du circuit de la Coupe du monde

La fondeuse d’Équipe Canada Sonjaa Schmidt est en voie de se faire connaître sur le circuit de la Coupe du monde de ski de fond de la FIS.

L’athlète de 22 ans de Whitehorse, au Yukon, a été une des révélations de la saison 2023-2024, elle qui a notamment remporté une médaille d’or au sprint style libre des Championnats du monde de ski des moins de 23 ans de la FIS. Schmidt est devenue la première femme canadienne à décrocher un titre de championne du monde U23 en ski de fond.

Cette saison, Schmidt continue de montrer qu’elle est à surveiller alors qu’elle a enregistré son meilleur classement à vie dans une épreuve de la Coupe du monde en prenant la quatrième place au sprint style libre d’Engadine, en Suisse, au mois de janvier. Cette finale regroupait quelques-uns des plus grands noms du ski de fond, notamment les championnes des Jeux olympiques et des Championnats du monde, l’Américaine Jessie Diggins et la Suédoise Jonna Sundling.

Olympique.ca s’est entretenu avec Schmidt à l’approche des Championnats du monde de ski de fond de la FIS 2025 pour parler de sa préparation, de ses courses et de son programme d’entraînement hors saison qui est plutôt inhabituel.

Qu’est-ce qui t’a amenée à commencer à faire du ski de fond?

Je suis née en décembre. Mon père a dit, « Si elle peut marcher, elle peut skier ». Mes parents me disent que j’ai soudainement commencé à marcher à 10 mois. Quand il y a eu la première chute de neige cet hiver-là, ils m’ont mise sur skis. J’ai donc fait du ski avant mon premier anniversaire!

Depuis, j’ai toujours fait du ski. Je suis née et j’ai été élevée à Whitehorse, au Yukon. Je suis passée par le programme de ski local et ensuite, j’ai commencé à participer à des compétitions quand j’étais en 11e ou 12e année. J’ai ensuite rejoint les rangs de l’Académie de la Coupe du monde de l’Alberta qui est installée à Canmore, en Alberta. Ils ont un groupe d’entraînement à Calgary pour les gens qui veulent aller à l’école. Alors j’ai suivi le programme de Calgary et je suis allée à l’école là-bas, et c’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à m’améliorer beaucoup et à évoluer au niveau mondial.

Y a-t-il eu un moment ou un résultat qui t’a amenée à réaliser que tu étais capable d’évoluer au plus haut niveau?

Pendant un bon bout de temps, mon plus grand objectif était de me retrouver aux Championnats du monde juniors et U23. J’y suis arrivée en 2023, quand ça se déroulait à Whistler, c’était donc en sol canadien, ce qui a été vraiment spécial comme expérience. J’ai seulement pu faire une course à ce moment-là, c’était un sprint et seulement une ronde de qualification, alors c’était une course de trois minutes et demie et en fin de compte ça m’a laissée un peu sur ma faim.

L’an dernier à Planica, en Slovénie, je me suis encore qualifiée et c’était la première fois que je quittais l’Amérique du Nord pour une compétition de ski. J’étais vraiment contente d’être là et il s’avère que j’ai remporté l’or pour le Canada au sprint en pas de patin [style libre]. C’était là le premier résultat qui m’a fait réaliser que j’étais capable de réaliser de vraies belles choses. Ça m’a vraiment donné le feu sacré.

Tu as récemment participé aux Championnats du monde U23 de la présente saison. Comment ça s’est passé?

Mon but avant [de commencer la compétition] était de défendre mon titre de championne du monde. Ceci étant dit, c’était un sprint classique, tandis que l’année précédente ç’avait été un sprint en pas de patin, et c’est clair que je suis bien meilleure au sprint en pas de patin. Je le savais, alors j’étais plutôt contente de mon résultat au sprint classique [Schmidt a fini 12e]. J’ai aussi fait le 10 kilomètres en pas de patin, et j’en suis très satisfaite [elle a fini huitième].

Tu as décroché une quatrième place sur le circuit de la Coupe du monde cette saison à Engadine, ton meilleur classement à vie à la Coupe du monde. Quelle a été ta réaction à ce moment-là?

C’était la première fin de semaine où j’étais de retour en Coupe du monde après avoir passé du temps chez moi à Noël et aussi à Calgary pour m’entraîner. Quand je suis arrivée à Engadine, je me sentais vraiment bien. J’étais vraiment contente de recommencer à disputer des courses, et en fait j’avais terminé mes études en décembre, alors il n’y avait plus aucun stress en lien avec l’université. La journée au grand complet a été formidable. Le soleil brillait, il faisait beau, la musique était bonne. Je me disais, « Quelle belle journée pour connaître une belle journée ».

Peux-tu nous expliquer comment une épreuve de sprint fonctionne?

Habituellement, il y a de 50 à 70 athlètes dans le peloton des femmes pour une Coupe du monde. Dans un sprint, tu fais un premier tour, sur une distance de 1,3 kilomètre environ, avec un intervalle de 15 secondes entre chaque fondeuse. Ça, ce sont les qualifications.

Les 30 premières disputent ensuite les vagues et ils divisent les 30 personnes en cinq vagues de six. Les deux premières [de chaque vague] passent au tour suivant, et il y a ensuite deux athlètes repêchées en se basant sur les deux temps les plus rapides suivants.

Ensuite il y a 12 personnes et le processus est semblable — tout d’abord les deux premières passent automatiquement en finale, et il y a aussi deux repêchées. On réduit le nombre de fondeuses de façon à se retrouver avec une dernière vague de six personnes, et c’est là que tu batailles pour une des trois premières places. C’est là où j’ai fini quatrième.

Il y a sûrement une stratégie à adopter pour doser ses énergies dans les premières rondes, peux-tu nous expliquer comment ça fonctionne à ce niveau?

Oui, habituellement dans les vagues, je ne cherche pas à aller devant, je vais essayer d’économiser mon énergie dans la mesure du possible. Surtout à la Coupe du monde, si je suis dans une vague, j’essaie de rester derrière le peloton, pour conserver de l’énergie et ensuite passer à l’action vers la fin, là où c’est possible de le faire.

Cependant, dans ma vague des quarts de finale [à Engadine], je me souviens d’avoir gravi la colline et il y avait une concurrente très forte à ma droite, tandis que les quatre autres athlètes dans la vague se trouvaient derrière elle, et moi j’étais du côté gauche. À ce moment-là, j’ai réalisé que si elle atteignait le sommet de la colline avant moi, et il y avait un virage qui allait vers la gauche, elle allait finir par me couper la voie avec toutes les autres derrière elle, et j’allais me retrouver toute seule derrière. Alors à ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que j’y mette toute la gomme!

J’ai donc décidé d’accélérer et j’ai fini par me retrouver en tête pour la descente. Après avoir regardé mon temps de qualification et mes temps intermédiaires, la deuxième moitié du tracé a été ma force, c’est ma performance à ce moment-là qui m’a permis de me qualifier. Je savais que si j’avais assez de vitesse en skiant devant, le reste de la vague ne serait pas en mesure de me rattraper suffisamment pour profiter de mon aspiration. Je suis restée devant. À ce moment-là, c’était déjà plutôt remarquable que je puisse rester devant tout ce temps-là et que je finisse par me qualifier pour les demi-finales. Atteindre les demi-finales à la Coupe du monde, c’est quelque chose de spécial en soi. J’étais contente d’être dans parmi les 12 meilleures, et ensuite le fait de passer des demi-finales à la finale en tant que repêchée était vraiment formidable.

Y a-t-il un style technique et une épreuve que tu préfères?

J’ai toujours aimé les distances de fond quand j’étais plus jeune. C’est seulement l’an dernier, quand j’ai vraiment bien fait [aux Mondiaux U23] à Planica, au sprint en pas de patin, que j’ai commencé à préférer les sprints. En pas de patin, j’ai beaucoup plus de puissance et ça fait juste plus de sens dans mon cas. Je continue de travailler sur ma technique classique, mais c’est clair que j’aime mieux le pas de patin.

Peux-tu nous parler de ton entraînement hors saison, qui sort un peu de l’ordinaire?

Je suis une planteuse d’arbres. Je fais ça depuis deux ans maintenant et je trouve que c’est en grande partie grâce à ça que j’ai eu du succès au ski de fond.

En 2023, je n’ai pas été retenue par l’équipe nationale et j’ai perdu mon financement qui venait de l’équipe nationale. Je me demandais comment j’allais faire. Ma colocataire m’a dit, « Je pourrais te trouver un emploi comme planteuse d’arbres. Ça va être dur, mais ça va probablement être un bon complément à ton entraînement ».

Et j’ai dit, « OK, où est-ce que je signe? »

Alors j’y suis allée en 2023 et j’en ai fait pendant 11 semaines, je pense. J’aurais normalement fait de l’entraînement pendant ces deux mois et demi là, mais j’avais besoin de faire de l’argent, alors c’est ça que j’ai fait, et ensuite j’ai fait le reste de mon entraînement estival. La saison suivante, donc la saison dernière, j’ai obtenu des résultats vraiment remarquables, au Canada, mais aussi aux Championnats U23, et c’est la première fois que je suis retrouvée sur le circuit de la Coupe du monde. Ç’a été vraiment un gros tournant dans ma carrière.

Ensuite j’ai réalisé que je devais peut-être en donner le crédit au fait d’avoir planté des arbres! J’y suis retournée en 2024 et je trouve que ça n’a apporté que du bon pour moi, parce que ça m’a amenée au point où j’en suis maintenant, et c’est quelque chose que j’adore vraiment faire.

Ce n’est pas la façon de faire habituelle pour une athlète professionnelle, mais pour moi, ça fonctionne. C’est bien d’avoir quelque chose qui me fait penser à autre chose que le ski de fond. J’adore skier et j’adore m’entraîner, mais parfois le niveau de stress peut s’avérer assez élevé, alors c’est bien d’avoir cette alternative.

Y a-t-il un aspect du ski de fond que tu aimerais que les gens connaissent mieux, ou dont les gens se font une idée fausse?

Les gens pensent que le ski de fond est ennuyant, mais ce n’est pas ennuyant! Surtout quand les descentes sont vraiment glacées et qu’il faut bien manœuvrer… tu atteins des vitesses allant jusqu’à 60, 70 kilomètres par heure!

Quel est le moment favori de ta carrière?

Mon sprint U23 à Planica, aucun doute. J’ai été la première femme canadienne à remporter une course U23. Quand j’ai vu toutes les vidéos de mes amis qui réagissaient, c’était vraiment un moment spécial, ç’a été une journée spéciale. Ç’a été un tournant important pour le ski de fond canadien dans son ensemble. Je pense que ç’a ouvert des portes qu’on croyait impossible à ouvrir jusqu’ici. Les gens ont vraiment commencé à penser que c’était possible pour nous de se retrouver sur le podium à l’échelle mondiale.

Quel est ton moment favori en tant que spectatrice de ton sport?

Je dirais que j’en ai deux. J’adore regarder Jonna Sundling et à quel point elle domine le reste du peloton au sprint. C’est sûr que c’est strictement comme spectatrice, elle est vraiment remarquable.

Mais aussi — retournons encore à Planica — j’étais une spectatrice quand l’équipe du relais [du Canada] a remporté l’or! Je ne faisais pas partie du relais, ce que j’aurais vraiment adoré, mais c’était aussi un moment vraiment spécial, surtout pour le Canada. [L’équipe canadienne U23 composée de Derek Deuling, Jasmine Drolet, Max Hollmann et Liliane Gagnon a décroché l’or au relais mixte 4 x 5 km].

En rafale avec Sonjaa Schmidt

Si tu ne faisais pas du ski de fond, que sport pratiquerais-tu?

Je pense que je ferais de la gymnastique ou du vélo de montagne.

Ta routine d’entraînement préférée pour te sentir prête en vue d’une course?

Nous faisons quelque chose qui s’appelle « intensité pour se sentir bien ». C’est plutôt court et efficace, c’est un peu un mélange de ski contrôlé et de ski au rythme d’une course, et ensuite nous faisons de courts sprints rapides à fond de train. C’est fait pour que nous nous sentions bien et prêtes à disputer la course.

Ton endroit favori pour t’entraîner?

J’adore m’entraîner à Calgary et Canmore et, plus précisément, à Kananaskis. Il y a tellement de sentiers à cet endroit que j’adore faire de longues randonnées.

Quelle est la plus longue distance que tu n’aies jamais skié?

Sur neige, je ne suis pas certaine. Probablement quelque chose comme 50 à 60 kilomètres. Sur skis à roulettes, j’ai fait 100 kilomètres [il y a deux étés]. C’était relativement plat et je suis passée d’une technique à l’autre. Je pense que ça m’a pris six heures et demie.

Les Championnats du monde de ski fond de la FIS auront lieu du 26 février au 9 mars à Trondheim, en Norvège.